Originaires, entre autres, des villages voisins du Cosquer, de Coadigou et Pontroël, mais aussi des communes limitrophes de Scrignac et Carnoët, beaucoup étaient impatients de découvrir leurs nouveaux maîtres, Siméon Rousseau et son épouse, Lydie Aumônier, qui, disait-on, avaient auparavant dirigé pendant 14 ans une école de garçons «aux extrémités de la terre et de la mer», sur l’île de Maré, en Nouvelle-Calédonie.
M. Rousseau, né en 1858 en Charente-Inférieure, n’avait pas sollicité ce poste.
Instituteur laïque d’origine protestante, il avait quitté l’enseignement public en 1888 pour se consacrer à l’évangélisation d’une partie de son département.
Une nomination inattendue
Il avait donc été très surpris, le 3 août 1894, d’apprendre que le Ministre des Colonies Théophile Delcassé l’avait personnellement nommé «Directeur des écoles de garçons aux îles Loyalty», à la demande du Comité Directeur de la Société des missions évangéliques de Paris, présidée par le pasteur Alfred Boegner.
Après avoir consulté ce dernier, il avait accepté d’aller s’établir avec sa femme et leurs cinq enfants à Netché, un gros bourg néocalédonien, «véritable capitale de l’île et résidence du grand chef canaque».
Revenu en France en 1909, il prenait, en 1913, la direction de l’école privée mixte du Guilly, où sa femme décédait quelques mois après leur emménagement.
Jusqu’en 1926, date à laquelle, à 68 ans, il se retira définitivement de l’enseignement, il y fut chargé du cours supérieur, tandis que la maternelle était confiée à Marie-Anna Failler, sa seconde épouse, et le cours élémentaire à Jeanne Ropars, toutes deux originaires de Poullaouën.
Chaque matin, tous les enfants se réunissaient à neuf heures dans la chapelle de l’école, pour chanter un cantique et écouter la lecture et l’explication d’un passage de la Bible.
Puis les instituteurs les conduisaient dans leurs classes respectives, où ils étudiaient les matières figurant au programme du Ministère de l’Instruction publique.
A midi, après avoir mangé «un petit casse-croûte» apporté de la maison, les écoliers s’égaillaient dans le bois du Fréau où, au printemps, les garçons cherchaient des nids.
A une heure vingt-cinq, à l’appel de la cloche, tous remontaient en courant la côte qui les ramenait à l’école, où les cours reprenaient jusqu’à cinq heures du soir.
Danses et chants au son du tam-tam
Au Guilly, un accent particulier était mis sur l’enseignement de la musique.
M. Rousseau, très apprécié par ses élèves, (dont il tirait pourtant quelquefois les oreilles), leur apprenait «à chanter à plusieurs voix, comme les Canaques», et les faisait danser en jouant de l’harmonium ou en frappant sur un tam-tam.
Mais contrairement à Henri Chopin, le premier instituteur, qui avait appris le breton, M. Rousseau ne le parlait pas.
Il appliquait donc les mesures prônées par l’Inspection académique et sanctionnait les enfants quand ils s’exprimaient dans leur langue maternelle, notamment dans la cour de récréation.
Des Noëls inoubliables
A Noël, un grand sapin était installé dans une des classes.
Dans la soirée du 25 décembre, parents et enfants s’y rassemblaient autour des instituteurs, et M. Rousseau, après avoir lu l’évangile de Noël, offrait à tous les enfants une orange, d’autant plus appréciée qu’elle était rare à cette époque.
Mais à partir de 1927, la Société missionnaire baptiste anglaise, qui subventionnait l’école, connut de grandes difficultés financières.
Pour éviter sa fermeture, l’école fut rachetée le 16 novembre 1932 par la municipalité de Poullaouën, au prix de 27500F.
Elle avait accueilli 21 élèves en 1897, 82 en 1900, 106 en 1912 et 125 en 1921.
Devenue laïque, elle vit peu à peu fondre ses effectifs après la Seconde guerre mondiale, à cause, notamment, de l’exode rural, et fut définitivement fermée quelque 80 ans après son ouverture.
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