Le maire d’une petite commune est aussi un peu l’assistante sociale…»
Interviewer Roger Lars est un réel plaisir de journaliste !
D’une voix profonde, un peu rocailleuse mais sonore et bien timbrée, il répond avec aisance à toutes vos questions, maniant avec brio l’analyse et l’anecdote, toutes deux agrémentées d’un solide humour au second degré.
L’on perçoit d’emblée chez ce sexagénaire à la fine silhouette un peu voûtée – au visage un peu buriné, éclairé par une chevelure et des sourcils broussailleux d’une éclatante blancheur – un homme d’expérience et de réflexion, qui a gardé la vivacité et le dynamisme de la jeunesse.
De même, des décennies de responsabilité dans les affaires de la cité n’ont manifestement rien altéré de la grande humanité dont ses propos sont sans cesse émaillés…
Deux heures de riche entretien ont paru s’écouler en un court moment, ici et là interrompues par les appels et survenues de la presse nationale : correspondant d’Europe1 ou envoyé de M6 surfant sur les vagues de «l’affaire Zafar»… Des rebondissements que le maire de Landévennec accueille et traite avec la philosophie amusée et l’exaspération contenue d’un sage, et l’art consommé d’une communication sans artifices.
Un passionnant entretien dont nous publions ici l’essentiel :
Voudriez-vous vous présenter brièvement ?
«Je suis très attaché à ma commune, dont je suis maire, et je le dis souvent, avec plaisir : ma famille est établie au même endroit de cette commune de Landévennec depuis le début du 17e siècle.
Landévennec est une petite commune de 350 habitants, qui se situe en presqu’île de Crozon et dans le Parc d’Armorique.
Je suis né dans une petite ferme, et je suis très attaché à ces origines et à ce monde rural. Je ne fréquente pas beaucoup les animations qui reconstituent les gestes des « vieux métiers », comme les moissons d’autrefois, parce que je leur trouve un côté parfois un peu trop caricatural, «folklorique» dans le mauvais sens du terme, mais j’aime en revanche les fêtes agricoles telles que «le labour est dans le pré» en presqu’île de Crozon, parce qu’il y a là une forte authenticité !
Jeune, quand je revenais de pension, ce n’était pas pour aller à la plage comme les enfants du bourg, mais pour « bosser » sur la ferme familiale… Ce sont mes racines !
Mon père a souhaité que je fasse des études. Pour ces générations des campagnes, l’école représentait «l’ascenseur social». Je suis donc devenu enseignant, prof de maths. Et c’est d’ailleurs pendant mes études que j’ai rencontré ma femme, également enseignante en mathématiques.
Nous avons débuté notre carrière d’enseignants en Ille-et-Vilaine, où l’on nous disait, ce qui me surprenait toujours: «Chez vous, en Bretagne…»; comme si la vraie Bretagne était pour ces gens la «Basse Bretagne»!
Nous étions là-bas une petite colonie de Finistériens cherchant à revenir au pays, ce que nous avons fait, mon épouse et moi, en obtenant des postes au lycée Kérichen de Brest.
Puis en 1985, pensant que faire quotidiennement la route entre Landévennec et Brest deviendrait pesant avec les années, nous avons saisi l’occasion de deux postes qui se libéraient au collège Alain à Crozon… Nous nous plaisions beaucoup à Kérichen, et beaucoup de collègues brestois n’ont pas compris ce choix d’un établissement qualifié de rural… Mais nous ne l’avons jamais regretté ! Nous avons enseigné à Crozon jusqu’à notre retraite, prise en 2011 pour moi, et 2012 pour mon épouse…
Un de mes problèmes est que j’ai trop de «passions» et trop peu de temps à y consacrer, en tant qu’élu: je suis passionné d’histoire – histoire locale et histoire en général… J’allais souvent travailler aux Archives départementales, dans le passé. Je collectionne les cartes postales anciennes…
J’aime aussi beaucoup jardiner; c’est mon côté paysan…
J’aime la pêche à pied, la pêche du paysan qui va sur la grève… Et – je ne le cache pas – j’aime la chasse. Je suis né dans une famille de chasseurs, et je défendrai toujours une certaine forme de chasse. Une chasse qui a une éthique. Elle fait partie de notre culture rurale…»
Vous êtes – avec M. Xavier Berthou, maire de Plounévézel – l’un des plus anciens maires du Finistère… Quels sentiments vous laissent aujourd’hui ces années de responsabilité et de travail au service de la population locale ?
«J’en suis effectivement à mon sixième mandat. Un collègue du nord-Finistère – Pierre Adam – en est, je crois, à son septième. Mais, c’est vrai, je fais partie des plus «anciens», avec Xavier Berthou…
Je suis devenu maire de Landévennec en 1983. J’étais jeune et j’avais succédé à un maire âgé. Je m’en souviens particulièrement parce que les gens, plutôt habitués à avoir des maires d’un certain âge dans les petites communes rurales, me trouvaient jeune. Je me rappelle encore l’instant d’hésitation de certains au moment de serrer la main du nouveau maire que j’étais. Il signifiait : «Ce n’est pas possible que ce soit lui ! Trop jeune…»
Pour l’anecdote, mais cela typifie aussi une époque et un monde rural, avec ses traditions : dès le résultat de l’élection connu, une personne est allée prévenir le recteur que le nouveau maire était élu, et le recteur a sonné les cloches de l’église. Et par tradition, la première visite du Conseil municipal était au recteur. La séparation de l’église et de l’état n’en était pas moins réelle, mais dans un petit bourg, on est là pour s’entraider, se rendre service…
Je m’intéressais depuis longtemps à la vie et à l’histoire de la commune. La place était libre. Je n’avais jamais été élu… J’ai hésité un peu, puis j’y suis allé et ai été élu.
Deux conseillers municipaux, des anciens qui avaient des années de service, avaient dit de moi à mon épouse, l’un: «Celui-là, il est là pour un moment !» – Honnêtement, je ne le pensais pas – l’autre : «Tu verras, ça lui changera le caractère !» – j’y repense souvent: il avait raison !
Parce qu’être maire, ce n’est pas festoyer. C’est travailler pour sa commune, faire des choses intéressantes; mais aussi prendre des coups ! Au début, c’est difficile à encaisser. Avec le temps, vous développez une carapace… Le maire est aussi bien souvent seul face à des décisions difficiles à prendre, et qu’il faut assumer ensuite…»
Landévennec est un nom bien connu parmi les sites historiques et touristiques de Bretagne. Mais avec un peu moins de 350 habitants, elle fait partie de ces nombreuses «petites communes» qui émaillent le territoire national… Voudriez-vous évoquer ses principales caractéristiques, et ses spécificités ?
«350 habitants, c’est notre population en hiver. Car en été, elle est multipliée par trois ou quatre. Nous connaissons donc les problèmes des petites communes à faible démographie, mais avons la chance d’avoir un attrait touristique important grâce à sa situation et à ses sites.
Un problème particulier à Landévennec est la position de son bourg, totalement excentré, à 7 kilomètres de la route principale qui traverse la commune.
En revanche, c’est un milieu extrêmement préservé, qui ayant «les pieds dans l’eau» ne peut s’agrandir. Nous ne pouvons pas avoir de politique de lotissement sur le bourg…
Au fil des ans – et des décès des anciens habitants, leurs enfants ont gardé la maison familiale pour venir en vacances, ou l’ont vendue à très bon prix comme maison secondaire, si bien que le bourg a environ 80% de résidences secondaires, inhabitées l’hiver. En hiver, le bourg a donc un fonctionnement tout à fait îlien.
Cependant, Landévennec a beaucoup plus de jeunes que cette image peut laisser penser, mais ils habitent les secteurs ruraux de la commune, et sont plus tournés vers l’extérieur, notamment vers Crozon, qui joue le rôle de gros centre-bourg pour toute la presqu’île, avec ses équipements structurants, ses supermarchés…
Nous avons donc deux vies très différentes : la vie estivale, très animée, avec des difficultés pour se garer dans le bourg; et la vie hors saison touristique, très calme, où le bourg paraît presque vide… Mais l’on aime aussi cette autre vie-là!
On ne peut pas comparer la vie d’une petite commune rurale en Centre-Bretagne et celle d’une petite commune sur la côte. Landévennec tourne à plein en été, où elle est même un peu victime de son succès…»
Que représente pour votre commune la présence sur ses terres de l’une des plus anciennes et des plus célèbres abbayes du pays ?
«Un atout considérable. Le musée de l’abbaye de Landévennec enregistre 25000 à 30000 entrées par an. Le rayonnement de l’Abbaye correspond au rayonnement de la commune, outre son site naturel remarquable. Il y a l’aspect religieux, l’aspect historique…
Les relations de la commune avec l’abbaye sont excellentes, très conviviales, amicales…
Et les moines sont des citoyens de la commune. Je le redis souvent, parce que beaucoup de gens ont une image caricaturale, des préjugés curieux sur les moines. On me pose souvent des questions telles que: «Est-ce que les moines votent ?»…
Bien évidemment ! Et les moines âgés viennent participer au repas des anciens… L’on vit ensemble, chacun dans son mode de vie.
Au-delà de cet apport essentiel de l’abbaye pour la commune de Landévennec – que même un maire mécréant ne pourrait que reconnaître – j’ai personnellement beaucoup de sympathie et de respect pour ces hommes qui ont fait un choix de vie difficile.»
Landévennec est aussi connue pour le «cimetière des navires» de la Marine Nationale qui occupe une partie de l’embouchure de l’Aulne… Est-ce une contrainte ou un atout ?
«Ma réponse est clairement : un atout ! Le journal Le Télégramme avait réalisé un sondage il y a un an environ : «Pour ou contre le cimetière des bateaux ?» Nous nous demandions ce qui allait en sortir !
J’ai été étonné de constater qu’une très grande majorité des centaines de réponses obtenues étaient positives…
Il est très important pour Landévennec, et dès que je rencontre un haut gradé de la Marine, je lui dis : « Amenez-nous des bateaux !» Ils sont vieux, désarmés, passablement rouillés… Mais ils font venir énormément de touristes sur le belvédère qui permet de bien les voir, et pas seulement de vieux marins nostalgiques !
Ceci dit, j’accepte aussi l’argument de ceux qui me disent que l’estuaire de l’Aulne serait plus joli sans ces vieilles coques rouillées…
Mais c’est aussi une part de l’histoire de Landévennec. L’estuaire de l’Aulne sans bateaux, c’est un parking sans voitures. Avant d’être un cimetière de bateaux, c’était une «Station Navale», une réserve où des bateaux venaient mouiller, pour un temps, avec des équipages réduits avant de reprendre du service. Elle a fonctionné à plein entre 1850 et la Guerre 14-18, puis entre les deux guerres, et le bourg de Landévennec a vécu de cette présence militaire, qui faisait marcher ses petits commerces, notamment ses bistrots.
Une anecdote à ce sujet: un document des archives municipales montre qu’un soir où les marins avaient dû regretter un peu trop les «caboulots de Recouvrance» – comme le disent souvent leurs lettres et cartes postales – il y avait eu un peu trop de débordements festifs dans les cafés et le bourg de Landévennec, si bien que le Pacha avait ensuite bouclé ses équipages à bord…
Et ce sont les cabaretiers-aubergistes du bourg qui sont venus déposer une pétition auprès du maire pour qu’il intervienne auprès du commandant, afin que les équipages aient à nouveau l’autorisation de venir à terre, car les affaires allaient mal !
Le cimetière des bateaux attire encore du monde aujourd’hui à Landévennec. Ce n’est d’ailleurs pas un cimetière, car il n’y a pas de morts, mais une «maison de retraite» pour vieux navires. En réalité, il y a un seul mort, sous l’eau : l’Armorique, navire du 19e siècle, qui avait hébergé l’école des Mousses entre les deux guerres, puis que les Allemands avaient récupéré à Brest et transformé en navire atelier ici à Landévennec, et sabordé en août 1944 avant l’arrivée des troupes américaines… Sa cheminée émergeait encore à basse mer quand j’étais enfant, et si vous jetez votre ancre au-dessus de l’épave, sans le savoir, elle reste bloquée dans les ferrailles du navire…
Mais seuls les gens de Landévennec connaissent la présence de ce «mort»-là !»
Carhaix est la commune riveraine du Canal de Nantes à Brest à son entrée dans le Finistère, Landévennec en est riveraine au débouché dans la mer de l’Aulne canalisée… Quel est votre regard sur l’aménagement et le développement de cette «artère» du département ?
«J’ai ici un joli petit récipient qui contient de l’eau de la source de l’Aulne à Lohuec. Il y a quelques années, nous avions organisé un voyage en nous disant que nous qui habitions à l’embouchure de l’Aulne, nous devrions aller voir ceux qui habitaient à sa source! La surprise du premier contact passée, les gens de Lohuec nous ont réservé un accueil formidable, et le voyage fut magnifique…
Je ne saurais pas trop vous parler sur l’aménagement de l’Aulne canalisée. Nous ne sommes pas liés au S.M.A.T.A.H., puisqu’au-delà de Châteaulin et Port-Launay, l’Aulne devient maritime. Nous n’utilisons d’ailleurs pas le même vocabulaire. A Châteaulin et en amont, on parle du Canal. Nous n’utilisons pas ce terme, ni même celui de rivière…
Je suis, bien entendu, les débats sur le développement touristique du Canal de Nantes à Brest, mais je peux surtout parler de la partie maritime de l’Aulne, où il reste beaucoup de choses à réaliser ou à développer pour tirer meilleur parti du formidable potentiel touristique de cet atout naturel, notamment dans la découverte du milieu, des sites, de la faune… dans le respect de l’environnement. Il existe de magnifiques itinéraires de découvertes, mais il est possible d’en créer d’autres… Je recommande celui qui part du port de Landévennec pour rejoindre Trégarvan – «La perle de l’Aulne», une appellation méritée – en passant sous le pont de Térenez…»
Les maires sont les élus les plus appréciés des Français, les plus proches d’eux – notamment dans les «petites communes» – mais cette proximité d’élu de terrain fait de lui un peu «l’homme à tout faire»… Qu’est-ce qu’un maire en 2018 ?
«Dire que je fais tout serait un peu prétentieux! Mais dans les faits, c’est un peu vrai. Il m’est arrivé de ramasser les poubelles, de prendre le volant de la tractopelle du syndicat de voirie… Je gère le camping. Quand un randonneur arrive le soir et appelle pour qu’on lui ouvre la porte du gîte municipal situé près de la mairie, c’est chez moi que le téléphone sonne; et je quitte le repas familial pour aller l’accueillir…
Je fais le sacristain en ouvrant l’église – bâtiment communal – au public le matin… L’église lieu de prière ne me concerne pas en tant que maire, mais l’église lieu public, oui. La Laïcité, dans le bon sens du terme – qui est celui où je l’entends – est importante pour moi: neutralité de l’état dans le respect des uns et des autres…
Le maire d’une petite commune est aussi un peu l’assistante sociale. C’est lui qu’on appelle dès que surgit un problème. Et il se présente toutes sortes de situations! C’est tout l’intérêt et toute la contrainte de la charge. Et les problèmes ont toujours la curieuse tendance à se présenter le soir et le week-end…!
Je n’ai sur la commune qu’un employé technique: je ne vais pas le mettre d’astreinte tous les week-ends! Si j’ai vraiment besoin de lui pour quelque chose d’urgent et de grave, je vais le chercher, sinon je prends ma tronçonneuse, ou autre chose, et j’y vais moi-même… Moi, ou d’autres membres du conseil municipal, ou des habitants de la commune. Mais c’est en général à la porte du maire que les gens viennent frapper. On y va parfois en «pestant» un peu, parce que le repas sera froid au retour… Mais on revient souvent content parce qu’on a vu la satisfaction de la personne aidée. On a rendu service, et c’est notre rôle!
Je me demande si les maires des petites communes ne sont pas plus performants en certains domaines que ceux des grandes, car nous devons savoir tout faire. Quand la secrétaire de mairie n’est pas là et qu’un administré a besoin d’un document quelconque, il faut que je sache le lui trouver sur Internet et le lui imprimer, et le reste à l’avenant!…
Les maires des petites communes vivent au milieu de la population. Dès que je sors de la mairie, je rencontre des gens qui viennent me parler de choses et d’autres, ou d’un problème. Si je vais pêcher à pied lors d’une grande marée, on me dit: «Je sais que c’est pas le moment, mais je n’ai pas voulu venir te déranger à la mairie: tu pourrais pas…»
Y a-t-il eu, en quelques décennies, une évolution de la fonction de maire? Est-il plus difficile d’être maire aujourd’hui qu’à l’époque de votre premier mandat ?
«Oui! Et en cette trentaine d’années de mandat, j’ai effectivement vu s’opérer une évolution considérable. Le mandat que je vis aujourd’hui n’a rien à voir avec mon premier mandat, en 1983.
C’était alors la fin d’une certaine période, avec des services publics très présents. Nos partenaires clés étaient le percepteur – comme on l‘appelait à l’époque – et le subdivisionnaire de l’équipement.
Il pouvait y avoir entre élus – au niveau du SIVOM, ancêtre de la Communauté de Communes – des réunions très tendues, mais il y avait aussi une très grande solidarité… Nous ne sommes plus dans la même époque!
J’ai récemment rencontré Fabrice Luchini à l’occasion du tournage à Landévennec, pendant trois semaines, du film «Le mystère Henry Pick» qui sortira en mars 2019. Nous avons bavardé, et au détour d’une conversation, il m’a demandé le montant de mon indemnité. Puis en l’apprenant, il m’a regardé et m’a dit: «Vous travaillez pour ce prix-là! Mais vous êtes complètement addict !»
Cela m’a marqué : il avait raison. On devient effectivement addict! Et il faut sans doute l’être pour continuer…»
Qu’en est-il de la perception et de l’attitude des administrés à son égard ?
«Dans le fond, cela a peu changé. Le maire reste le premier recours, celui auprès duquel on va chercher de l’aide… ou «râler» !
Mais la société a beaucoup changé. On veut tout et tout de suite. Tout le monde sait tout, parce qu’on a «vu sur Internet»… Mais ce qu’on y a vu ne correspond pas toujours à la réalité !
Internet permet beaucoup de choses, mais c’est aussi une déshumanisation. Je préfère le courrier que la factrice m’apporte avec le sourire, et les quelques mots échangés, au mail qui tombe de l’imprimante… Nous avons choisi de conserver l’envoi de cartes de vœux papier, en faisant l’effort de mettre à chacun un petit mot, plutôt que de «cliquer» sur un listing finalement anonyme…»
«Il faudra bientôt être juriste pour être maire !» disait récemment Yves Bleunven, maire de Grand-Champ dans le Morbihan. Est-ce votre sentiment ?
«L’évolution est folle… La «simplification administrative», je n’y crois plus! Mon premier mandat 1983-1989 – c’était un peu la fin des années cinquante en ce domaine. Les choses étaient assez simples. Les façons de travailler aussi. Aujourd’hui, la complexité des dossiers, l’avalanche de mails que l’on reçoit… C’est vraiment insensé !
Les grosses communes ont leurs services pour gérer tout cela, pas nous !»
Il y a la fonction, mais aussi la vie du maire… L’une n’influe-t-elle pas sur l’autre ?
«Si, forcément… Et je mentionnerais ici le rôle de l’épouse pour un maire de petite commune. Il est très important. Elle ne doit pas s’impliquer dans la vie municipale et devenir une sorte de vice-maire. Mais inévitablement, quand le téléphone sonne à la maison et que son maire de mari n’est pas là, elle répond quand elle sait ce qu’il faut répondre… C’est aussi simple que cela. Et c’est aussi elle qui a parfois affaire à l’administré en colère, alors qu’elle n’y est pour rien…
Quand j’e nseignais, mon emploi du temps me facilitait paradoxalement les choses car il structurait ma semaine. Mes élèves et ma classe me «protégeaient» en quelque sorte de l’extérieur. Mes «petits» de sixième avaient d’ailleurs du mal à comprendre que je puisse être prof de maths et maire en même temps…
Ce n’est pas toujours facile pour la famille du maire. La vie familiale est souvent perturbée. C’est le téléphone qui sonne pendant les repas pour des futilités; c’est le mari et papa qui est souvent parti… Il ne faut jamais sous-estimer l’importance de l’entourage familial. Je ne crois pas qu’on puisse être maire si ce n’est pas partagé par la famille !»
Quelle a été votre plus grande satisfaction au cours de ces années ? Et votre plus grande déception ou sujet de tristesse ?
«Ma plus grande satisfaction… Je ne saurais trop dire. Il y a bien sûr ce que nous avons pu réaliser, mais comme partout ailleurs, le réaménagement du bourg, la création d’un gîte pour randonneurs, d’un gîte de groupe; un projet de salle communale…
Ma plus grande chance a été de vivre en 1985, jeune maire, l’événement du 15e centenaire de la fondation de l’Abbaye de Landévennec, de voir se mettre en place le musée. Puis, l’an dernier, le 1200e anniversaire de l’introduction de la Règle de St Benoît. Cela restera comme des moments forts de mes mandats.
En 1985, étant un peu philatéliste, j’avais proposé au père abbé de l’époque d’essayer d’obtenir un timbre-poste commémorant le 15e centenaire de l’Abbaye. Le cercle philatélique brestois se moquait un peu de nous: «Landévennec, avoir un timbre!…» Mais nous l’avons eu! Ce qui est très difficile à obtenir.
Les satisfactions, ce sont aussi beaucoup de rencontres, un peu exceptionnelles, que je n’aurais pas eues autrement…
Mes déceptions ?… On se dit toujours, après coup, que «on aurait fait autrement» telle ou telle chose «si on avait su»… Mais ce qui me chagrine le plus, c’est que le bourg ait aujourd’hui pris ce côté «îlien» dont je parlais…
Prendre des décisions qui ne font pas l’unanimité est toujours le plus difficile. Dire «oui» à tout le monde, c’est facile. Mais il faut aussi savoir dire non. Devoir intervenir dans des conflits entre personnes, qui ne concernent pas la mairie, l’est également. Je ne peux pas dire aux gens : «Débrouillez-vous, votre affaire ne me regarde pas !». Ils ne comprendraient pas. On se connaît tous. On vit ensemble. Il faut temporiser. Essayer de trouver un équilibre et une issue pacifiée… Mais on ne satisfait souvent personne puisqu’il n’y a pas un gagnant et un perdant !»
Quel est aujourd’hui votre principal souci ou votre première préoccupation ?
«C’est la situation de ce qui a longtemps été un fleuron de la commune : l’hôtel Beauséjour, qui est en plein centre-bourg, face à la mer… C’était un établissement de légende dans le Finistère ! Il donnait énormément de vie au bourg. Et la vie du bourg a basculé quand il a fermé en 2005-2006.
Les propriétaires l’avaient mis en location au moment de prendre leur retraite, vers 1985. Les locataires se sont succédé, avant que le dernier ait été mis en liquidation judiciaire. Tout le fonds a été vendu, jusqu’à la moindre petite cuillère, pour trois fois rien. La famille propriétaire a vendu le bâtiment à un médecin d’Argelès pour un projet d’hôtel-restaurant et de balnéothérapie. Les travaux ont été lancés, puis interrompus après 4 mois, le plan de financement s’étant avéré inexistant! Depuis, c’est une véritable friche. Or, Beauséjour, c’est le cœur de Landévennec, dans les deux sens du terme: géographique et économique.
La commune s’est bien sûr intéressée à cette affaire, mais d’une part, s’agissant d’un dossier privé, elle ne pouvait intervenir, et d’autre part, elle n’avait pas les moyens financiers pour monter elle-même un projet.
J’ai rencontré bien des investisseurs qui avaient les moyens de recréer quelque chose à Beauséjour, mais voulaient investir dans des affaires plus florissantes, ou des poètes très généreux mais sans le sou !
Il y aurait un compromis de vente de signé, sur lequel le maire ne peut tout dire. Mais le projet paraît solide…»
Depuis 2014, le nombre de démissions de maires en cours de mandat a augmenté de 55%… L’on entend beaucoup à ce sujet des mots tels que «lassitude», «usure», «ras-le-bol», «sentiment d’impuissance», «désespérance» même… Quelles en sont, à vos yeux, les raisons profondes, nouvelles ? Où se situent les réels problèmes ?
«On entend dire qu’il n’y aura bientôt plus de candidats aux élections municipales… Je n’y crois guère; mais, oui, force est de constater qu’il n’y a jamais eu autant de démissions que dans cette mandature.
Les raisons sont multiples. Mais la complexification de la tâche, la multiplication des réunions, avec tous les satellites qui se créent autour de l’intercommunalité, les responsabilités juridiques croissantes, tout cela joue un rôle dans ce phénomène.
Je pense aussi que de nombreux nouveaux élus sont arrivés avec beaucoup de bonne volonté, de générosité, d’envie de faire des choses (etc.); avant de réaliser que ce n’était pas si simple, que la tâche était difficile, de se lasser et de «jeter l’éponge».
Je crois que la plupart des gens ne se rendent pas compte de la complexité de ce travail. Ils arrivent dans les conseils municipaux avec beaucoup de bon sens. Mais la loi et le bon sens sont souvent deux choses différentes!
D’autre part, la montée en puissance des intercommunalités a fait que certains élus se sont sentis dépossédés. La perspective qu’ils avaient de leur mandat s’est heurtée à la réalité de celui-ci, et ils préfèrent arrêter…»
Maires des villes et maires «des champs»… Quels sont les points communs et les différences ? Auriez-vous préféré administrer une grande ville ?
«Je ne sais pas si je l’aurais aimé. C’est toujours un peu tentant… Les fonctions sont assez différentes, mais en termes de temps consacré au travail, la différence n’est peut-être pas si grande, car nous accomplissons beaucoup de «basses besognes» et sommes sur le pont presque 24 h/24, tandis que les maires des grandes villes ont des services nombreux et beaucoup de relais.
Cependant, sans même prendre le cas de la grande ville, en communauté de communes, nous travaillons déjà à une échelle supérieure, sur le développement d’un territoire, ce qui est intéressant.»
L’on parle beaucoup du nombre de «mandats». Quelle est votre analyse au regard de votre expérience ?
«Un élu a souvent la boulimie de fonctions, mais ses journées n’ont que 24 heures et ses années 365 jours !
Avoir un mandat local permet à un député, par exemple, de conserver son ancrage territorial, sa connaissance du terrain, une proximité qui est essentielle pour «garder les pieds sur terre».
Mais le cumul des mandats a forcément ses limites. Je ne pense pas que l’on puisse être à la fois maire, député ou sénateur, président du conseil départemental ou régional, président de communauté de communes…
Quant à la question du nombre de mandats successifs, je suis un peu mal placé pour y répondre, avec mes six mandats – tout en étant un des plus jeunes maires de la Communauté des Communes. Mais je pense qu’il y a trop de professionnels de la politique à un certain niveau des responsabilités…
Ce qu’il faut se dire, encore et toujours, c’est que ma commune ne m’appartient pas. Je suis au service de sa population. Voilà ce qui est capital.»
La politique interfère-t-elle beaucoup ou peu dans la manière d’envisager et de vivre cette mission de maire ?
«Ce n’est pas du tout un problème au niveau de la commune !
Notre conseil municipal est politiquement «multiracial». Et on ne se pose pas de questions là-dessus. Nous sommes là avec nos sensibilités diverses, votant sans doute différemment aux élections nationales, mais cela n’interfère pas dans notre travail pour la commune ! Tout simplement parce que bien des questions qui se posent à nous n’ont pas de solution de gauche ou de droite : le ramassage des ordures, la voirie, la construction d’une salle polyvalente…
Mais les maires et les listes qui s’affichent «sans étiquette» s’en voient coller une de toute manière !
Je suis de gauche, sans le cacher, mais j’ai le plus grand respect pour ceux qui ont une opinion différente de la mienne, et ne suis pas persuadé de détenir la vérité !
Le problème viendrait davantage d’interventions extérieures de personnes qui viendraient plaquer sur nous, de l’extérieur, des caricatures. Combien de journalistes de la presse nationale ne m’ont-ils pas demandé à l’occasion du 15e centenaire de l’Abbaye de Landévennec, sachant que j’étais enseignant du public, réputé de gauche: «Quelles sont vos relations avec les moines?» C’était leur première question, et ils s’attendaient presque à du Don Camillo-Peppone! Et quand je leur répondais: «Les relations sont excellentes!» cela ne les intéressait plus…»
Si vous vous retrouviez au tout commencement, rechoisiriez-vous de vous engager comme vous l’avez fait ?
«Je ne regrette pas toutes ces années de travail au service de la population de Landévennec. Et je pense donc que je recommencerais !»
Que diriez-vous à un jeune qui envisagerait de se présenter dans cette perspective ?
«Sans vouloir donner trop de conseils, je lui dirais cependant de bien intégrer le fait qu’il aura à gérer une vie intercommunale importante, que cela le mobilisera beaucoup et lui prendra beaucoup de temps… Qu’il ne se dise pas : «350 habitants, c’est simple !»
Mais s’il est motivé, il faut y aller !»
Les «petites communes», notamment rurales, sont à la peine depuis déjà longtemps, mais elles le sont plus que jamais actuellement… Sont-elles condamnées à disparaître ?
«Les petites communes me paraissent avoir un véritable avenir, parce qu’elles représentent une réalité culturelle; parce que, comme nous l’avons évoqué, elles sont un lieu de vie.
On est de quelque part et on vit quelque part. Et deux communes voisines peuvent être très différentes…
Ceci dit, penser qu’une petite commune pourrait fonctionner en autarcie est un leurre. L’intercommunalité est aujourd’hui importante, nécessaire, indispensable…
Si l’on parle développement, c’est aujourd’hui nécessairement au niveau d’un territoire. Si à Landévennec nous avons pu avoir une politique enfance–jeunesse, cela n’a pu se mettre en place que par mutualisation intercommunale…
Mais il faut bien fixer les règles. Et la commune doit conserver son rôle d’échelon de proximité avec la population. L’intercommunalité doit donc avoir aussi ses limites. Il ne faut pas créer d’énormes structures «hors-sol». Il faut penser développement économique, mais aussi proximité sociale. Le côté humain. Les gens ne sont pas des machines.
Nous pouvons vivre localement à trois échelons: communes, communauté de communes, et – pour nous ici – pays de Brest, selon l’envergure des actions à entreprendre.»
Landévennec fait partie de la «Communauté de Communes Presqu’île de Crozon – Aulne maritime» ; intercommunalités, regroupements, métropolisations, s’avèrent-ils toujours bénéfiques pour toutes les communes concernées, au fil des années et des évolutions ?
«A mes débuts, l’intercommunalité fonctionnait bien. Puis, dans les années 1970, l’état a voulu commencer à fusionner des communes, comme Pont-de-Buis avec Quimerc’h ou Rumengol avec Le Faou…
Landévennec devait se marier avec Argol, mais cela ne s’est pas fait, et je ne pense pas que ce soit toujours une bonne solution. Il y a des lieux où cela convient, parce que les communes ont assez de similarités pour que cela fonctionne. Mais en d’autres endroits, ce n’est pas le cas.
Quand les Communautés de Communes se sont mises en place, les élus y étaient généralement plutôt opposés. Mais l’état a su vaincre les réticences en mettant les dotations nécessaires pour l’aménagement du territoire.
Les Communautés de Communes ont permis des transferts de compétence et de mutualisation des moyens devenus indispensables. Elles permettent ainsi aux communes de survivre, et il faut qu’elles survivent car les gens se sentent d’un lieu, d’une commune… Dans une ville, ils sont d’un quartier. C’est pourquoi je vous situe ma commune de Landévennec comme étant en presqu’île de Crozon. C’est notre lieu, notre territoire de vie…
Personne ne conteste plus aujourd’hui l’utilité des Communautés de Communes. Mais encore faut-il qu’elles restent à «taille humaine», correspondant à des bassins de vie… Car même si l’informatique facilite beaucoup de choses, le contact humain demeure essentiel. On ne va pas vivre avec des machines !
L’une de mes préoccupations est que l’élu – censé être celui qui décide parce qu’élu par la population – est de plus en plus supplanté par le technicien des collectivités locales – censé être là pour aider à la décision, tellement les questions sont complexes et chronophages. Les techniciens sont en train de prendre le pouvoir sur l’élu…
J’ajouterai que l’intercommunalité ne peut pas être imposée d’en haut. Elle doit donc être volontairement consentie, correspondre à un territoire qui a du sens, et ne pas verser dans le gigantisme.»
Que pensez-vous, en particulier, de la loi dite «loi littoral»… ?
«C’est un de mes sujets puisque je suis chargé du P.L.U. au sein de la Communauté de Communes. Elle date d’une trentaine d’années et c’est, fondamentalement, une bonne loi de protection du littoral, même si les élus ont eu du mal à s’y faire au début…
Elle avait surtout été faite pour d’autres régions, comme la Méditerranée, la Bretagne ayant plutôt bien préservé ses côtes.
Il faut bien comprendre qu’elle s’applique à tout le territoire d’une commune dès lors que celle-ci a la moindre parcelle de rivage. C’est ainsi que le Domaine de Menez-Meur, en plein dans les Monts d’Arrée, est soumis à la loi littoral parce que la commune d’Hanvec possède une minuscule bande maritime au fond de la rade de Brest ! C’est là que l’on en arrive à des excès…
D’autre part, en trente ans, la société s’est un peu «américanisée», beaucoup de gens sont devenus procéduriers, et on a vu des conflits inutiles se multiplier sur le littoral. Disons que des gens ravis de construire sur la côte ne voulaient pas avoir de voisins…
La jurisprudence issue de ces affaires nous a conduits aujourd’hui à des aberrations, outre des changements constants. L’affaire dite des «dents creuses», par exemple: au nom de la loi littoral, on vous interdit de construire dans un petit espace situé entre des maisons existantes, alors que tous les réseaux publics sont là: routes, eau, électricité…
La loi littoral est à aménager, avec prudence et sagesse, car elle a aussi ses avantages. Le problème est sans doute que ce sont aujourd’hui les juges qui font la loi…»
Comment l’élu de terrain, et d’expériences, que vous êtes voit-il la place de la Bretagne dans l’Europe et le monde de demain ?
«La Bretagne a la chance d’avoir sa très forte culture, qui permet d’asseoir un développement. Elle a aussi la chance d’être restée une région très cohérente. Il y a bien sûr le débat d’une Bretagne à cinq départements, qui demeure…
Nous sommes très excentrés en France et en Europe, mais la terre est ronde et n’a donc pas forcément de centre! Et nous avons notre façade maritime, ouverte sur le monde.
Ce qui peut parfois paraître faiblesse doit être transformé en richesse.
Il faut veiller à ce que la distance kilométrique incompressible entre l’ouest breton et Paris soit compensée par un temps de transport satisfaisant.
Mais la Bretagne est belle et dynamique, et nous sommes fiers d’être bretons !
A nos élus de rappeler à Paris que la Bretagne existe. J’ai toujours plaisir à dire que Jean-Yves Le Drian connaît bien Landévennec où il venait passer ses vacances d’adolescent, et dont il garde un grand souvenir…»
Quelles doivent être, à vos yeux, les priorités à établir pour le développement de ce Penn-ar-Bed qu’est notre territoire de l’ouest breton ?
«La Bretagne est historiquement constituée d’un maillage de petites villes. De tout temps, et particulièrement aujourd’hui, existe le risque d’un déséquilibre entre les grands pôles et le reste du territoire…
Le risque de «décrochage» de l’ouest breton face à l’axe Rennes-Nantes existe aujourd’hui. Il faut y être très attentif, et rappeler que quand les transports rapides arrivent à Rennes, ils sont certes en Bretagne, mais seulement à un bout et pas à l’autre !
J’ai souvent rencontré des gens venus à Brest de par leurs fonctions, et un peu à reculons, en repartir après avoir découvert un territoire très riche, qui les a enchantés!
Se pose aujourd’hui la question de transformer le Pays de Brest en métropole, avec le constat que l’actuelle métropole pèse trop peu, à 200000 habitants, face aux 400000 des autres métropoles… C’est vrai, mais mon souci de la proximité me rend réticent…
Renforcer le Pays pour défendre un certain nombre de sujets – le CHU, l’aéroport, certains équipements… Oui ! Mais se lancer dans une course au gigantesque par la métropolisation…?»
C’est l’ouverture de la chasse; et vous êtes chasseur «dans l’âme»…?
«Oui, et je n’ai pas honte de le dire! Sinon, j’arrêterais de chasser. Car, pour moi, la chasse n’est pas la guerre. C’est notre culture rurale, notre héritage…
L’âge auquel je pouvais passer mon permis de chasse était celui de mon passage du Bac, et mon père m’avait dit : «Si tu as ton Bac, tu auras un fusil».
J’ai su après qu’il l’avait acheté avant même que je passe le Bac, non parce qu’il était certain que je l’obtienne, mais parce qu’il estimait normal que je puisse chasser.
C’était un fusil de marque Darne – fusil à culasse très particulier – et depuis, par tradition familiale, je chasse presque exclusivement avec des fusils Darne.
Le chasseur est acteur dans la nature, dans sa gestion. La chasse a ses règles, que l’on doit impérativement respecter, vis-à-vis de la sécurité et vis-à-vis du respect du gibier…
C’est vrai que l’on tue… Mais il ne faut pas sombrer dans l’angélisme: la nature est violente par nature !
Et la chasse, c’est aussi l’approche de la nature, sa connaissance, c’est la convivialité entre chasseurs…
Dans leur grande majorité les chasseurs sont des gens qui respectent et défendent la nature, même s’il y a parmi eux, comme partout, des «brebis galeuses»…
Nous vivons aujourd’hui à une autre époque, mais dans mon enfance, nous essayions de chasser au lance-pierre, nous dénichions des oiseaux… Je me souviens que nous regardions avec des yeux ronds un nouvel instituteur venu de la ville – de Reims – dans notre école de campagne, et qui nous disait qu’il fallait cesser de le faire! On ne comprenait pas: c’était notre culture rurale, notre vie. Cela peut paraître horrible aujourd’hui, mais c’était un autre temps.
Adolescent, j’ai aussi gratté les grèves pour ramasser des palourdes que l’on vendait – je peux le dire, il y a prescription – à des restaurateurs du coin. Nous étions heureux d’avoir un peu d’argent de poche, et eux d’obtenir des palourdes à moitié prix.
évidemment, la ressource était autrement abondante à l’époque…»
La rentrée scolaire vient d’avoir lieu… Quel est votre regard d’ancien enseignant sur «l’école d’aujourd’hui»…?
«Le prof que je suis, comme tous les profs, a toujours tendance à dire que le niveau des élèves de cette année a baissé par rapport à l’an dernier…
Depuis le temps qu’on le dit, on serait loin au-dessous du zéro.
Les élèves d’aujourd’hui sont différents. Les jeunes sont aussi généreux que ceux d’hier…
La question de l’école est compliquée! L’école est ce qu’elle est, mais je ne suis pas inquiet, ni pessimiste.»
Landévennec a récemment fait la Une des médias en raison des facéties d’un dauphin devenu vedette : Zafar, qui vous a contraint à prendre un arrêté d’interdiction de baignade à ses côtés…
«L’affaire Zafar a pris des proportions stupéfiantes !
C’est un dauphin de 3 m et 300 kilos environ, arrivé au printemps en rade de Brest, et plus particulièrement chez nous en août… Le voir évoluer dans le port de Landévennec était un spectacle magnifique. Mais des gens prenant des risques inconsidérés à vouloir nager avec lui, il s’est mis à se frotter aux nageurs, aux embarcations en tous genres, commençant à devenir dangereux. Plusieurs personnes ont été mises en danger, empêchées de regagner le rivage, projetées en l’air par l’animal qui voulait jouer avec elles… C’est une grosse bête, pas une peluche ou «Flipper le dauphin» de la série TV !
Après concertation, notamment avec les spécialistes d’Océanopolis à Brest, j’ai pris un arrêté interdisant la baignade en présence de Zafar… La presse locale puis nationale s’est saisie de l’événement. Un avocat de Quimper a caricaturé les choses en disant que je donnais une piètre image des dauphins et annonçant qu’il allait attaquer l’arrêté au tribunal administratif…!
Bref, de la démesure et du délire. Enfin, au moins on a parlé de Landévennec !»
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