Sur Kergloff, au Bois Le Duc, il était encore possible il y a peu de temps, à condition d’être un fin observateur, de découvrir les traces de la fosse au loup que fit creuser en 1855 le propriétaire des lieux, M. Duc. Dans une lettre adressée au préfet le 29 août de cette même année, il sollicitait l’autorisation de mettre en place ce piège à cause de la multiplication des loups sur le secteur et des dégâts occasionnés aux paysans voisins, reprochant par ailleurs l’insuffisance des chasses des officiers de louveterie. S’étant engagé à construire le piège à l’écart des sentiers et à sécuriser les abords, il obtint l’autorisation du maire de l’époque.
L’exploitation toute récente de la forêt et les travaux de replantation qui ont suivi ont porté un coup fatal à ce vestige, d’une époque révolue, qui n’apparaît plus aujourd’hui que sous la forme d’une faible déclivité. L’on est loin de la fosse profonde de plusieurs mètres, de forme évasée sur le fond, construite selon les plans de l’époque pour empêcher le loup d’en ressortir. Plus au sud-ouest de la commune, une deuxième fosse fut aussi creusée dans le bois de Keryvon.
Les fosses n’étaient pas les seuls moyens mis en œuvre pour éradiquer la menace (on estime qu’il y avait environ 200 à 300 loups dans le Finistère dans les années 1800 pour 600 dans toute la Bretagne), la chasse et les dispositifs de piégeage constitués de mâchoires métalliques étaient aussi très employés. L’utilisation abondante, à partir des années 1873, de la strychnine allait porter un coup fatal aux meutes qui occupaient les bois et landes de la région.
Mais tous ces pièges n’étaient pas sans dangers pour les humains. En 1870, dans le bois de Kilvern en Spézet, le jeune Saïg Glaziou, coupant le soir tard à travers le bois pour rentrer chez lui, tomba dans une fosse sans doute mal signalée. L’affaire aurait pu paraître anodine, sauf qu’au fond du trou se trouvait déjà un loup fort mécontent d’être dérangé… Les deux protagonistes passèrent le reste de la nuit, chacun à un bout de la fosse, l’un tenant l’autre en respect grâce à son briquet et sûrement moult menaces. Fort heureusement pour le jeune homme, un paysan voisin, traversant le bois de bon matin, entendit ses appels à l’aide et vint le sortir de ce mauvais pas avant de tuer, avec d’autres fermiers, l’animal.
Une telle aventure n’aurait pas manqué de nos jours de donner lieu, pour le moins, à un livre «Ma nuit face à un loup», voire à un film. Saïg n’en a sans doute tiré qu’une gloire éphémère et une belle frayeur.