C’est pourquoi il faut considérer nos «petits» territoires au travers du prisme de la Bretagne, travailler sur le local sans oublier le global, et vice-versa. Il faut les deux, car c’est un tout. C’est de ce double regard que pourra sortir demain une Bretagne forte, dynamique, solidaire…» nous a confié Christian Troadec.
Les années qui s’écoulent retrouvent Christian Troadec tel qu’en lui-même…
L’homme n’a rien perdu de son abord facile, fait de simplicité et de convivialité sans fard ; rien non plus de sa détermination farouche, de son inlassable dynamisme, de sa volonté d’entreprendre, d’une ténacité de lutteur breton que l’on entend dans ses propos et qui se perçoit dans l’expression de toute sa personne… Ni du flot rapide et rebondissant de sa parole !
Mais l’on sent également que l’expérience des années de vie publique et politique ont tempéré la fougue du «batailleur». Ainsi qu’il le disait lui-même avec humour, dans une métaphore sportive, lors de l’inauguration de la salle Paul Simon, en évoquant ce regretté entraîneur de football et enseignant de sport : «J’ai appris à faire des dribbles… !»
Ainsi qu’il le fait de temps à autre avec des responsables politiques, économiques – ou autres – de notre région, «Regard d’Espérance» a donc souhaité faire en ce mois de juin avec Christian Troadec, maire de Carhaix, président de Poher Communauté et Conseiller départemental, un « tour d’horizon » sur la situation et l’avenir de Carhaix, du Centre-Bretagne, et de la Bretagne : bilans et prospectives, prévisions, projets et espoirs, pensées, analyses et sentiments; le vécu et le ressenti…
Sans jamais oublier l’humain…«Des joies, des peines… Une vie d’homme quoi !» Comme il le dit en concluant ce riche et dense entretien.
Voici près de huit ans, «Regard d’Espérance» vous interviewait pour faire avec vous un «tour d’horizon» de la vie locale, de votre parcours personnel, et de vos projets…
Les années ont passé… Les événements et évolutions ont été nombreux depuis lors… Quels demeurent pour vous les faits marquants de ces dix dernières années, dans notre contrée, et quelles réflexions vous suggère cette période de son histoire, «grande» ou «petite» ?
«Le plus marquant a été, sans nul doute, la lutte pour l’hôpital, il y a un peu plus de dix ans maintenant. C’était un vrai combat parce qu’il s’agissait de pouvoir sauvegarder un droit à la santé pour toute une population du Centre-Bretagne… Une question d’ailleurs récurrente puisque nous sommes aujourd’hui confrontés au problème du désert médical qui se constitue en Centre-Bretagne, comme dans tant d’autres régions en France, hélas !
Il nous faut répondre aussi désormais à cette problématique: faire en sorte d’attirer des médecins ici, comme il y a dix ans il fallait faire en sorte de sauver l’hôpital. Les deux sont complémentaires : l’on sait qu’un territoire comme celui-ci n’est attractif qu’à condition que l’on puisse d’un côté offrir aux «hommes de l’art» – c’est-à-dire aux professionnels de la santé – un outil, un hôpital digne de ce nom, et de l’autre apporter une réponse à l’ensemble des problèmes de soins de la population locale, qui, de plus, est vieillissante…
C’était donc le combat qui a permis de maintenir un accès au droit à la santé pour tous, de rester attractifs, et de montrer que nous étions capables de répondre à une problématique extrêmement difficile; le combat et le travail les plus importants, non seulement de ces dix dernières années, mais sans doute de mes 18 années de mandats de maire depuis 2001 jusqu’à aujourd’hui.
L’obtention d’un IRM, celle d’un nouveau scanner, la maternité et la chirurgie qui continuent à fonctionner – même s’il y a toujours des difficultés, mais où n’y en a-t-il pas en France dans le domaine de la santé ?! – montrent que ce combat était juste et primordial. De tous les combats menés, c’est celui qui m’aura marqué le plus personnellement…»
Vous êtes maire depuis 2001, et avez exercé divers autres mandats électifs… En quoi cette responsabilité et cette fonction ont-elles le plus évolué en presque vingt ans ?
«Je relierais ma réponse à la précédente sur le combat pour l’hôpital. Celui-ci, comme la manière de faire vivre un mandat de maire, est réussi parce qu’il est collectif, fruit d’un travail en équipe.
Pour l’hôpital, il y a eu une sorte de révolte populaire: des gens de tous âges, toutes conditions et professions se sont rassemblés pour un objectif commun. C’est ce qui a permis de sauver l’hôpital…
Je pense que le travail de maire doit être de la même veine. Il faut travailler avec tout le monde pour bâtir un projet qui soit commun…
Mais il faut aussi une ligne directrice, une proposition à laquelle les gens adhèrent ou non. Et au lendemain de l’élection, l’on travaille avec tout le monde…
Il y a eu au cours de ces années de mandat un accroissement de la charge administrative, mais je m’y étais attendu, et préparé. Journaliste, j’avais vu comment les choses évoluaient et comment pratiquaient les maires en place à l’époque…
J’avais donc fait en sorte d’avoir des libertés professionnelles et de pouvoir être très présent en mairie, puis dans les fonctions de conseiller départemental, conseiller régional ou président de Communauté de Communes.
Je ne suis pas dans le dénigrement d’une administration qui a aussi besoin d’avoir à ses côtés des élus pour pouvoir fonctionner. «La nature a horreur du vide», et si le technicien ne voit pas d’accompagnement politique d’élus à ses côtés, il prend la place du politique. C’est donc aussi aux politiques de bien préparer les conditions de travail afin que se constituent des binômes et que chacun soit bien dans son rôle: l’élu dans son rôle politique, le technicien dans la mise en œuvre de la politique décidée par les élus…
Cet aspect du travail ne m’a jamais pesé. Il y a de l’administration, mais il y a aussi beaucoup d’action !
Mais il est vrai que l’on a connu une époque où une mairie comme celle de Carhaix avait très peu de services. On ne vivait pas en mairie dans les années 1970-80 comme on y vit aujourd’hui, où l’on accompagne les gens dans tous les aspects et à tous les âges de leur vie… Nous avons des outils qui n’existaient pas il y a dix ou vingt ans.»
«Vingt ans après»… ne ressentez-vous pas, comme beaucoup de maires disent le sentir, le poids de la charge et une certaine lassitude ?
«Aucune!… J’ai toujours autant envie d’aller de l’avant, de partager, de faire des choses avec d’autres, sur la base du collectif, de fédérer des équipes…
Il est un peu difficile de concevoir que l’on se dise en difficulté dans sa tâche et sa mission d’élu, par exemple, en raison d’une administration trop lourde – ce qu’elle n’est pas à mon avis, je le redis – ou parce que l’on a des problèmes d’organisation personnelle, et par ailleurs d’aller solliciter la confiance des gens. Il vaut mieux alors ne pas faire de politique.
L’on connaît ces difficultés, et il ne faut pas les minimiser, mais il faut aussi savoir garder en soi cette part d’enthousiasme. Et il faut savoir déléguer.
Nous avons la chance d’avoir ici, à Carhaix, et à Poher Communauté, comme dans d’autres collectivités sans doute, des élus qui donnent beaucoup de leur temps et savent s’auto-organiser. Une fois l’organisation en place, selon les périodes de l’année et le travail que l’on a à fournir soi-même dans d’autres domaines, cela fonctionne.
Pour ma part, j’ai toujours le même enthousiasme, et des projets avec une équipe.»
Comprenez-vous cependant ce sentiment, et les renoncements à briguer un nouveau mandat qui en découlent pour un nombre «record» de maires à l’approche des prochaines «municipales» ?
«Oui, parce que les conditions données par la ville de Carhaix et par Poher Communauté ne sont pas forcément celles qu’offrent de plus petites communes… Nous avons la chance d’avoir de très bons techniciens qui mettent en œuvre ce que les élus ont décidé, et qui sont souvent sources d’inspiration pour ceux-ci, venant même conforter ou aiguiller la politique menée, parce qu’ils ont leurs propres compétences, qu’il faut savoir écouter…
Des communes plus petites n’ont pas à leur disposition cet ensemble de personnels et de capacités, et les élus doivent parfois assumer toutes ces compétences techniques, ce qui peut être très difficile et pesant, car la technicité de certains dossiers est aujourd’hui très complexe. Je comprends que la lassitude puisse venir dans de telles situations…»
Avez-vous arrêté votre décision en ce domaine : briguerez-vous un nouveau mandat ?
«Oui ! Je serai candidat pour un quatrième mandat, avec une équipe légèrement renouvelée, sept ou huit personnes m’ayant fait savoir qu’après vingt ou trente ans de vie politique et élective, pour certaines, elles souhaitaient prendre un peu de recul.
Cela n’est pas une mauvaise chose, car il est aussi bon d’avoir un certain renouvellement. Nous sommes en contact avec d’autres personnes qui souhaitent s’investir dans la vie locale.
J’ai personnellement envie d’avancer face aux défis qui sont ceux de Carhaix et du Centre-Bretagne, sur la base d’un projet, car c’est toujours sur la base d’un projet que l’on va vers la population pour un scrutin. Un projet qui est fait à la fois du bilan de ce qui a été accompli, de correctifs qui pourraient devoir être apportés, et de nouvelles propositions…
En réalité, l’on s’est préparé à ce nouveau mandat, en se donnant les moyens de notre politique: Carhaix et Poher Communauté ont connu une période difficile en termes de finances, parce que des investissements importants avaient dû être effectués, alors que nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation financière excellente, aussi bien à Carhaix qu’à Poher Communauté. Les projets initiés pourront donc être réalisés…
Ces chantiers sont multiples, et pour certains, colossaux, et vont mobiliser de l’énergie, des moyens politiques et financiers importants, pour répondre aux besoins de la population… Et c’est cela qui nous enthousiasme.
Car si je souhaite être à nouveau candidat, c’est pour être utile !»
En prenant du recul et de la hauteur pour porter sur Carhaix et sa contrée, sur leurs évolutions récentes, un regard aussi objectif et lucide que possible, comment considérez-vous celles-ci ? Quels aspects ou faits vous rassurent ; et à l’inverse quelles sont vos sources d’inquiétudes ou de préoccupations ? Quelles sont à vos yeux les clés de son avenir, de son développement ?
«Il y a eu différentes périodes, ou phases… Je pense que le Centre-Bretagne s’est globalement fortifié, avec des qualités qui lui sont propres, comme la centralité de son territoire, la qualité de vie, un environnement préservé, un cadre de vie exceptionnel, une vie associative particulièrement riche et dense, des professionnels qui sont dans l’excellence pour un bon nombre de métiers: agriculture, agroalimentaire, logistique, transports… Des socles sont en cours de constitution.
Il y a bien sûr des handicaps, bien connus: la formation, qui est insuffisante. Or, il faut préparer la jeunesse du territoire à prendre ses responsabilités professionnelles ou dans la vie publique…
La démographie, qui est inquiétante…
Le tableau est contrasté, mais ce territoire a beaucoup d’atouts, même s’il a connu et connaît encore des difficultés. A nous de savoir mettre en avant les atouts, la réussite, les femmes et les hommes qui vont de l’avant… C’est notre devoir, notre responsabilité. Si nous n’y croyons pas nous-mêmes, il sera difficile de convaincre les autres d’avancer !
Mais il nous faut aussi de l’accompagnement – et notamment actuellement sur une période assez courte, je pense, un accompagnement fort des autres collectivités: un partenariat avec le département, sans aucun doute, la Région Bretagne et l’état, sur des projets qui nous dépassent ou nous surpassent. Ce sera la clé de l’avenir et de la réussite du territoire…
Nous avons montré ce que nous savions mener par nous-mêmes, avec des réussites – et aussi quelques échecs, la vie est faite de réussites et d’échecs – mais nous avons besoin aujourd’hui de cette entraide-là pour initier et mener à bien de nouvelles politiques.
Pour l’heure, rien n’est compromis. Cela reste fragile. Nous avons des atouts, mais il nous faut un bon accompagnement au bon moment.»
Cette contrée a presque toujours été contrainte de se forger un avenir dans des luttes et «dans la douleur» – vous en savez quelque chose ! – Les perspectives sont-elles aujourd’hui différentes ? Une autre dynamique est-elle enclenchée ?
«Nous avons cette image-là parce qu’il a effectivement fallu mener des combats comme celui de l’hôpital, ou dans les années 1990 pour la création du Pays du Centre-Ouest-Bretagne, ou encore celui des «Bonnets Rouges»…
Mais ce territoire est aussi celui de ces centaines d’associations que nous avons évoquées, des multiples initiatives personnelles ou collectives, celui de réussites comme celle des Vieilles Charrues, ce qui montre qu’il est aussi source et force de propositions.
L’image d’un pays en lutte est parfois vraie – et il nous faut conserver cette capacité d’indignation face à l’inacceptable ! – mais je le redis toujours : on ne se défend que quand l’on est attaqué !
Or, la fermeture de services à l’hôpital, ou «l’écotaxe» étaient des agressions, et il fallait savoir y répondre…
Mais la première nécessité et la première force, c’est de pouvoir initier des politiques en faveur du territoire et de sa population. Je suis dans cette perspective, cette dynamique positive, entreprenante, constructive…»
La situation démographique demeure problématique… Est-ce «sans espoir» ?
«Elle est évidemment très difficile. Il est dramatique et très préoccupant de voir qu’en un siècle la moitié de la population a disparu : sur le territoire du Centre-Ouest-Bretagne, l’on est passé d’environ 200000 habitants à 90000…
Mais cela se passe dans le cadre d’une Bretagne qui se modifie profondément. C’est aujourd’hui une mosaïque, avec de forts contrastes. L’on ne peut simplifier en disant, par exemple, que le littoral se développe dans son ensemble, alors même que des secteurs comme le Cap Sizun ou la Côte des Légendes se dépeuplent, où même que Sainte-Anne-d’Auray ou la presqu’île de Quiberon, qui sont très peuplées l’été, sont en situation de déclin, de solde naturel négatif, le reste de l’année…
C’est pourquoi il faut considérer nos «petits» territoires au travers du prisme de la Bretagne, travailler sur le local sans oublier le global, et vice-versa. Il faut les deux, car c’est un tout. C’est de ce double regard que pourra sortir demain une Bretagne forte, dynamique, solidaire…
Des rendez-vous importants en ce domaine ont lieu en ce mois de juin autour du président de la Région Bretagne à St-Brieuc, et c’est cette parole que nous allons porter: la Région doit jouer son rôle d’aménageur du territoire. Il lui faut avoir un vrai dessein politique pour sortir des difficultés que l’on connaît. C’est la raison de mon investissement politique au niveau de la Région…
Vingt ans sans politique publique sur un territoire, c’est déjà trop ! Or, en Centre-Bretagne, c’est trente, quarante, ou même cinquante ans : la situation aurait été tout autre si la mise à 2X2 voies de la RN 164, promise en 1969, avait été réalisée dans les années 1980 !
Il faut donc garder de grands équilibres au niveau régional et faire en sorte qu’il n’y ait pas de territoires oubliés…»
Il semblerait que le Centre-Bretagne «se cherche» un peu pour trouver son entité ou ses entités – ou instances – de décision et d’action, entre le Pays COB, les Communautés de Communes… Que vous ont appris ces années d’action politique à cette échelle, et quelles réflexions, conclusions et orientations en avez-vous retirées ?
«Ce que j’ai retiré d’essentiel, et ce qui me guide aujourd’hui, c’est qu’il faut d’un côté savoir travailler avec tout le monde – c’est indispensable, sur la base du respect de l’autre et de la conviction que chacun peut apporter une pierre à l’édifice commun – mais d’un autre côté que cela ne doit pas s’accompagner d’un consensus mou. Il faut savoir en sortir, et définir une ligne directrice.
Il est dangereux de vouloir simplement se dire favorable, avec tous, à une politique qui n’a pas été définie: on fait du sur-place, voire on recule. Or, c’est – j’en ai le sentiment – un peu le cas aujourd’hui! Parce qu’il n’y a pas eu au préalable la volonté de définir une ligne directrice commune, de grandes orientations; ou qu’il y a eu la volonté de ne pas en avoir…
Sur le Pays, l’une des grandes orientations – qui avait constitué une base essentielle pour les politiques précédentes – a été oubliée : s’appuyer sur le socle Carhaix-Gourin-Rostrenen. L’on est parti sur un pays très large – qui a eu sa raison d’exister à un moment de son histoire – et personne n’est hostile à avoir quiconque avec soi… Mais d’un autre côté, les périphéries ne peuvent commander l’essentiel. Elles ont leur mot à dire, mais doivent respecter les choix de l’entité de base, qui est Carhaix-Rostrenen-Gourin…
Une autre dimension a aussi disparu: l’échelon de concertation politique supérieur qui était l’ensemble Carhaix-Loudéac-Pontivy. L’un était le local, l’autre le global. Les acteurs politiques de l’époque ne sont plus là, et cette dimension a disparu. Or, ces rencontres au sein de la conférence des villes de Bretagne nous permettraient de parler de problématiques souvent similaires, et de discuter ensemble directement avec les représentants de l’état…
Aujourd’hui, le Pays ne joue plus vraiment son rôle aux niveaux local et global, ce qui nous manque cruellement.»
«Si c’était à refaire», agiriez-vous de la même manière ?
«Dans les convictions, oui… tant que je serai sur cette terre, je continuerai à penser que l’on peut être utile, agir pour les autres, construire des projets communs…
Dans la méthode, non, sans doute. Parce que l’on se rend compte après coup, par réflexion, pour tel ou tel type de propos ou de manière d’agir, qu’il aurait été moins maladroit de faire autrement pour convaincre…
Mais ce qui est de ce registre-là est souvent corrigible, et si les gens sont de bonne foi et de bonne intelligence, on peut rapidement se retrouver autour de la même table, chacun avec son caractère et son histoire, mais avec la même volonté de construire…»
Interviewé le mois dernier dans «Regard d’Espérance», Jean-Lou Rohou, chef d’entreprise et fils de Jean Rohou – qui fut notamment maire de Carhaix – disait : «Il n’y aura pas d’avenir pour le Centre-Bretagne sans une union sacrée…»
La désunion n’est-ce pas le premier handicap, partout, mais peut-être ici plus qu’ailleurs ?
«Bien sûr! Mais je rajouterais donc: «Union sacrée» avec une ligne politique directrice qui permette de définir un projet commun clair à mettre en œuvre.
Car faire «l’union sacrée» pour se saluer cordialement autour d’une même table, on sait le faire. Mais il ne s’agit pas d’en rester là !
Or, aujourd’hui, les acteurs qui pourraient se mettre autour d’une même table ont bien du mal à définir un projet.
Nous en avions un, qui a été proposé, mais refusé il y a deux ans, par une élection à la présidence du pays…
Il dessinait notamment ce qu’il nous semblait indispensable de conforter ou de construire concernant toutes les activités humaines du territoire. En particulier, touchant ces essentiels que sont l’économie et l’emploi, la création de zones intercommunautaires entre Communautés de Communes désormais, sachant qu’au vu des coûts et de la raréfaction de l’espace foncier, chacune d’entre elles a bien du mal à en créer à elle seule…
Or, il ne faut pas se tromper sur la création des futures zones économiques et sur leurs spécialisations respectives, leur capacité à accueillir de nouvelles entreprises… Les unes et les autres peuvent se spécialiser sur leur propre territoire, avec cette entente sur la création de zones intercommunautaires, pour que chaque collectivité ait un juste retour en termes de recettes fiscales.
Ce sont des choses qui peuvent être mises en place, mais pour l’instant le travail est un peu en panne… Mais ce S.C.O.T. commence à se construire, et ce sont les équipes qui seront appelées à siéger après 2020 qui auront à passer à la vitesse supérieure.
C’est demain. Le moment est venu d’agir. On a déjà perdu beaucoup de temps…»
Entre Bretons, est-il possible de dépasser les clivages habituels ?
«Oui, bien sûr! Nous l’avons fait à Carhaix. Mais encore une fois, cela doit se faire sur une ligne directrice claire…»
Les Bretons sont dits «entêtés» – nous dirions «obstinés»… Vous êtes l’un d’eux et vous avez quotidiennement à agir, entreprendre au sein de ce peuple et dans une de ses composantes la plus typée : «le Kreiz Breizh»… Comment faites-vous pour essayer de convaincre, enlever ou contourner les réticences, avancer… ?
«C’est le plus souvent par la concrétisation des projets que l’on peut avancer. L’essentiel est souvent là. Il faut que les gens aient le sentiment ou la preuve que ce qui a été dit est fait…
Or, c’est ce que nous reprochons aussi souvent au politique : le décalage entre les propos et la réalité…
Et l’on ne peut non plus dire que l’on va construire un palais des sports, par exemple, ou d’autres grands équipements pour donner au territoire une attractivité supplémentaire et offrir un service supplémentaire à la population, tout en négligeant le trou qui se trouve sur le trottoir du voisin. Il faut aussi travailler sans cesse à ces deux échelles.
Cela nécessite de la part de l’élu – de ma part en tant que maire – une très grande proximité avec les gens. Accepter d’être sollicité. Je le remarque sur le marché, où je vais tous les samedis matins, ou dans les commerces du centre-ville ou les supermarchés quand j’ai un achat à faire, les gens me parlent de leurs préoccupations du jour, avec la formule classique : «Oh, Monsieur Troadec, puisque je vous vois, j’habite telle rue et cela fait trois mois qu’il y a un trou dans la chaussée…». Et je le prends toujours bien. Je le note pour transmettre. Cela me permet de prendre la température de Carhaix, sur le terrain et de façon immédiate…
Il ne faut jamais prendre cela comme quelque chose de difficile à vivre, au contraire. Si les gens vous parlent facilement, c’est qu’ils ont le sentiment de pouvoir le faire… Et ici, ils le font presque tous avec beaucoup de respect.»
Il est cependant, sans doute, difficile de toujours satisfaire tout le monde ?
«Oui, bien sûr. Il y a des choix à faire. Et il ne faut pas raconter de sornettes aux gens, en leur disant que tout est possible.
Les budgets communaux et intercommunaux, même s’ils fonctionnent désormais bien parce que nous avons veillé à ne pas trop dépenser tout en nous donnant les moyens de notre politique, ne sont pas extensibles, et l’on ne peut parfois dire oui à tout le monde…
Mais quand on ne dit pas oui, il faut expliquer pourquoi, ne pas avoir peur de le dire, ni d’être critiqué – parfois à juste titre – et également parfois de revoir sa position.
Nous n’avons pas la science infuse. On peut se tromper. Et si c’est le cas, on corrige, tout simplement !»
Quels sont les traits les plus caractéristiques de vos compatriotes carhaisiens et du Poher ?
«Les premiers mots qui viennent à l’esprit sont convivialité et solidarité. C’est vrai ailleurs, mais c’est particulièrement fort ici ! Des gens qui viennent de l’extérieur travailler ici, ou qui s’installent, le disent souvent : «Les gens sont sympas ici !»
Ils ne donnent pas leur amitié facilement, mais il y a une cordialité rapide, qui fait que l’on se sent tout de suite à l’aise.
Dans une société humaine aujourd’hui parfois compliquée, nous avons su conserver ce socle-là… Et il faut le garder le plus longtemps possible !»
«A l’extérieur»… être de Carhaix, du Kreiz Breizh, vous fait-il regarder d’une manière particulière par les autres élus… Ressentez-vous condescendance ou méfiance ? Le dialogue lève-t-il en général, les préventions… ?
«Il y a trente ans, l’on avait du mal à dire que l’on venait de Carhaix, parce que peu de gens savaient où situer la ville… Depuis, grâce à des choses comme la création des Vieilles Charrues, le combat pour l’hôpital, celui des Bonnets Rouges…, quand vous dites «Je suis de Carhaix», les gens évoquent tout de suite deux ou trois sujets. Carhaix est connu. Il faut savoir reconnaître d’où l’on est parti et où l’on est arrivé !
La capacité de ce territoire et de ses habitants à construire un grand projet de façon autonome a été reconnue, de même que leur capacité à défendre leur avenir. Et les gens d’ici sont plutôt fiers de pouvoir dire qu’ils sont de Carhaix.
Je pense donc que, finalement, le regard extérieur est souvent positif. En tous cas, il faut le prendre comme cela !»
Le «visage» de Carhaix va changer quelque peu dans un proche avenir. Des travaux ont commencé, d’autres sont prévus… Des projets sont en perspective… Mais si vous aviez toutes possibilités d’actions, quels seraient les chantiers à lancer pour bâtir «le Carhaix de vos rêves» ?
«Je voudrais bâtir un Carhaix où chacun se sentirait bien, quels que soient son âge et sa condition, la nuit, le matin, l’après-midi et le soir. C’est le Carhaix idéal, où chacun aime vivre, se sent bien… C’est ce Carhaix-là qu’il faut construire !
Et cela passe aussi bien, comme déjà dit, par de grands projets qui améliorent la vie de tous, que par des solutions apportées à de moindres préoccupations: les trottoirs et chaussées bien faites, les limitations de vitesse dans des rues où elle est souvent excessive, comme on a pu le constater récemment route de Callac… Un travail de proximité !
Une priorité pour Carhaix est aujourd’hui de pallier le manque de médecins. C’est un sujet qui revient souvent dans les conversations, et c’est une vraie préoccupation.
Il faut donc agir rapidement. C’est pourquoi la ville a racheté et réaménagé la Maison médicale pour faciliter l’installation de médecins. Des médecins maîtres de stage y accueillent quatre internes par an… Or, on sait que 60% des stagiaires s’installent dans le territoire où ils ont travaillé.
J’ai aussi proposé au département d’embaucher directement des médecins, comme cela a été fait dans d’autres départements, pour répondre à l’urgence face aux déserts médicaux qui se multiplient un peu partout…
Préparer l’avenir, c’est aussi lancer de grands chantiers. Nous nous y sommes préparés depuis quasiment trois mandats en dégageant les capacités financières nécessaires, malgré une baisse des impôts de 10%, et tout en garantissant des services de très bonne tenue…
Un très gros projet concerne la redynamisation du centre-ville de Carhaix, qui a été saluée par l’état et la Région, et va à la fois servir la population et donner de notre territoire une image dynamique à l’extérieur, notamment pour éviter «l’évasion commerciale»…
Pour attirer de nouveaux flux de personnes au centre-ville, ce projet va s’appuyer sur l’histoire de Carhaix, son identité et sa culture. Nous allons travailler sur plusieurs périodes dans des zones différentes : Vorgium à l’ouest, où la rue du Dr Menguy va être aménagée de façon à rappeler la ville antique. La période médiévale au centre-ville, où se situait le château. La période contemporaine à l’est, autour du Réseau Breton…
C’est donc tout un projet global, culturel, historique, touristique, commercial…»
Des fouilles archéologiques préventives ont lieu depuis la mi-mai sur la place «du Champ de foire» et sur celle de Verdun… Le centre d’interprétation de Vorgium entame sa seconde saison… Quelle place l’archéologie peut-elle et doit-elle avoir à Carhaix ?
«Par contrainte réglementaire, l’on doit faire des fouilles archéologiques dès qu’un chantier est envisagé, même un parking… Ici, cette contrainte est vécue comme un atout: c’est l’occasion de découvrir notre histoire, de mieux connaître le passé, de le restaurer, de le mettre en valeur…
Cela amène parfois à modifier un peu l’architecture d’un bâtiment ou son emplacement initialement prévu. Mais au final, ce sera un grand avantage.
On voit d’ailleurs le grand intérêt que suscitent les fouilles au sein de la population. Il y avait deux fois plus de monde sur le marché le samedi qui a suivi leur lancement sur la place du Champ de foire !
Les gens sont non seulement venus voir ce qui se trouvait dans le sol, mais raconter ce qu’était ce champ de foire il y a un demi-siècle, parler de ce qu’était alors le foirail…
Les gens se réapproprient l’histoire de leur ville !»
Une association carhaisienne avait pris pour nom ce slogan : «la terre aux vivants»… Dans une ville telle que Carhaix, dont le bâti actuel recouvre l’antique cité de Vorgium, comment faire en sorte que le passé et ses vestiges ne nuisent pas au développement du présent et de ses activités ?
«C’est une harmonisation qui est à réaliser. Des projets seront à modifier sensiblement, comme nous l’avons déjà fait pour le stade Charles Pinson et ses nouveaux équipements collectifs, en raison de la découverte de vestiges auxquels on ne peut toucher…
C’est pourquoi nous anticipons désormais davantage en pratiquant des fouilles avant de définir totalement le projet. L’on définit un périmètre assez large dans un premier temps, afin de pouvoir implanter plus précisément le projet ensuite, en fonction de ce qui peut être découvert, et afin de pouvoir mettre en valeur des vestiges…»
Vous êtes historien de formation, journaliste de métier… Histoire, géographie, ethnologie vous passionnent… Vous étiez en Inde voici quelques semaines. Qu’est-ce qui vous y a attiré et conduit ?
«J’y étais allé une première fois en 2013, avec mon épouse, et nous y sommes retournés, avec les enfants cette fois – un grand voyage à cinq, en famille, comme l’on n’en fait qu’une fois dans sa vie !
Ce qui marque le plus dans ce pays, c’est sans aucun doute la place de la spiritualité. C’est en tous cas le premier sentiment qu’il m’a inspiré, en 2013 comme cette fois-ci.
C’est un pays en plein développement économique, mais cela n’est pas exclusivement lié au matérialisme, ce qui n’a finalement que peu d’intérêt : la richesse pour la richesse ne me paraît pas être une fin en soi dans la vie humaine…
Beaucoup d’Indiens nous ont dit que la force du pays, et sa réussite économique, tenaient avant tout à un ciment, une spiritualité de l’ensemble du pays.
Je crois beaucoup à cela. Et j’ai toujours peur de ce qui se construit sur le sable, et qui peut se révéler fragile. Il faut une solidité de base…
Ils ne sont pas non plus lancés dans une course contre la montre, mais avancent par étapes. Ils veulent que les gens vivent mieux, mais pas à n’importe quelle condition, ayant tiré leçon des problèmes environnementaux qu’ils ont eux-mêmes générés…»
Quelles autres facettes de cet immense pays frappent l’occidental qui le visite ?
«L’autre aspect marquant de ce grand pays, c’est l’exceptionnelle gentillesse des gens, l’extraordinaire richesse de son histoire, les monuments qui en témoignent, comme le Taj Mahal, mausolée grandiose, et bâti pour une épouse décédée… C’est l’histoire d’un couple, que l’on touche là du doigt, et qui vous donne un sentiment humain comme on en ressent sans doute une fois dans sa vie.
L’Inde, c’est aussi ses foules, les couleurs… Et la misère. Mais on s’attend à la trouver. L’on en est conscient… Et il faut y être attentif, afin que toutes les populations du monde atteignent un certain niveau de vie. Comment y parvenir ? Faut-il que toutes parviennent au niveau de vie et au mode de vie de nos pays occidentaux ? Ou n’est-ce pas à nous de mieux nous regarder pour avoir un autre type de développement, et pour permettre à ces populations d’atteindre un niveau de vie acceptable ?… Ce sont autant de questions philosophiques que l’on se pose quand on va là-bas.
J’ajouterais – en espérant que mon propos ne sera pas mal compris, ni choquant – que j’ai vu dans mon enfance un peu de ce que j’ai pu voir en Inde. J’ai 53 ans, et j’ai vu la condition de certains journaliers bretons il y a cinquante ans, du côté de Plévin, Motreff, Gourin, ne pas être beaucoup plus enviable que celle de paysans indiens… Et c’était hier, chez nous.
J’ai vu en Inde des choses qui choqueraient les touristes occidentaux mais qui m’ont parfois rappelé mon enfance: des conditions de vie extrêmement spartiates, difficiles. Une maison familiale sans chauffage central, l’eau à aller chercher au puits, même si l’eau courante était arrivée…»
Que retirez-vous, ou entendez-vous rechercher, de la découverte d’autres civilisations et de la confrontation avec d’autres cultures ?
«Il faut à la fois être soi-même et ouvert aux autres. Et on se bâtit à la fois avec les autres et par son propre parcours. Je vais tous les ans en Italie, dans une région différente à chaque fois. Cela nous permet d’être en famille, et de goûter à la culture d’un autre pays, qui a eu une importance considérable dans l’histoire de ces vingt derniers siècles, et Carhaix en sait quelque chose, puisqu’elle s’est appelée Vorgium…
On se nourrit de ses voyages… Quand on peut se les permettre, car je pense toujours à ceux qui en rêvent et ne le peuvent pas !
Mais si on le peut par ses fonctions ou parce qu’on privilégie cela par rapport à un certain confort matériel, on s’enrichit de ces déplacements, et on se grandit. On s’ouvre au monde, on se met en capacité d’écouter, de comprendre et de recevoir…
Albert Londres disait : «Il y a ceux qui ont des valises et ceux qui ont des meubles». A la maison, nous avons de jolies valises, mais on n’achète pas beaucoup de meubles ! C’est un choix…»
La Bretagne est une de vos passions, un de vos «combats» principaux… Le régionaliste que vous êtes est-il toujours optimiste pour l’avènement de la Bretagne qu’il appelle de ses vœux ?
«Plus que jamais ! Je suis fondamentalement optimiste par nature, de toute façon. Mais j’y crois. François Alfonsi, maire corse que nous avons reçu il y a quelques semaines, disait qu’il n’est pas de murs qui ne soient un jour tombés. J’ai assisté personnellement à la chute du Mur de Berlin…
Même si le temps peut paraître long – 50 ans, 100 ans… – on voit parfois l’histoire s’accélérer. Et je crois que l’état français, qui s’est construit selon sa propre histoire, selon ses propres circonstances, et aussi selon ceux et celles qui l’ont dirigé, va se modifier profondément dans les vingt ans à venir. Il ne peut pas rester tel qu’il est aujourd’hui, je n’y crois pas un instant!
Ce temps des régions va arriver rapidement. Un peu comme pour les Communautés de Communes du Centre-Bretagne – où certaines ne souhaitaient pas elles-mêmes initier un nouveau projet intercommunal, mais y ont été contraintes par la situation financière – la contrainte des finances va amener la France à se réformer institutionnellement. L’état français est aujourd’hui en difficulté par rapport à ses capacités financières…
La seule possibilité est la dévolution, c’est-à-dire donner la capacité de décider au plus près des citoyens. On voit grandir cette demande des gens à prendre part à la politique localement… Le temps est arrivé; tout comme le temps d’une Bretagne à cinq départements, un parlement de Bretagne, en capacité de répondre aux préoccupations des Bretons, de tous les Bretons, car je ne crois pas à la politique des métropoles. Elle s’applique parce que les lois en ont fait ainsi, mais les métropoles sont un morcellement du territoire. C’est une vision un peu plus égoïste, chacun cherchant à se développer au mieux de façon autonome. Je crois beaucoup plus à un regard général sur un territoire qui possède une pertinence historique – cette Bretagne à cinq départements, telle qu’on la connaît depuis 1500 ans – et qu’il faut réorganiser et faire connaître aujourd’hui…»
Plus de 23 ans après avoir créé le Poher Hebdo, vous avez lancé un nouveau journal : Le journal de la Bretagne… Pourquoi ?
«Pour participer à ce dont nous venons de parler. Il réunit l’information de Nantes à Brest ! Le but est de donner à un peuple la possibilité de connaître l’information d’un bout à l’autre de la Bretagne, de Fougères à Clisson et de Nantes à Brest en passant par Lorient ou St-Brieuc… Sur ce territoire qui forme une entité historique, culturelle, géographique, sociologique… Celui d’une nation qui s’appelle la Bretagne.»
L’on dit avec humour que «le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir…» ! Mais une fois sorti du journalisme, y revient-on toujours ?… Ou plutôt : peut-on en sortir vraiment jamais ?
«Je ne crois pas. C’est quelque chose que l’on a en soi, qui grandit durant l’enfance et l’adolescence, qui est tout simplement de s’intéresser aux autres, et de répondre à une question extrêmement simple : «Quoi de neuf ?…»
C’est ce que je dis aux stagiaires qu’il nous arrive d’avoir au journal : le journalisme c’est d’abord répondre à une question toute simple : «Quoi de neuf ?»
Créer et faire vivre, pérenniser un tel hebdomadaire, n’est-ce pas une vraie gageure ?
«Si, parce que le monde de la presse tel que je l’ai connu en créant le Poher Hebdo il y a un peu plus de vingt ans a été totalement modifié.»
Quel bilan après environ deux mois de parution ?
«Nous n’avions pas fait d’étude de marché. Les premiers résultats sont plutôt encourageants pour ces premiers temps. Mais nous n’avons pas de garanties sur l’avenir.
C’est aussi une école d’humilité. Il va falloir vérifier si ce que nous proposons est pertinent, répond à une attente du public en Bretagne… A nous de faire nos preuves et d’intéresser les gens à ce projet de réunir l’information sur les cinq départements, dans des conditions économiques qui ne sont pas simples.
Nous avons eu le plaisir de voir le monde économique breton, toutes ses grandes entreprises, répondre présents pour nous accompagner, croire au projet, et de voir des premières ventes plutôt encourageantes. Il faut maintenant continuer à travailler pour perdurer…»
Vous êtes un homme de conviction, d’engagement, de «combat», et de réflexion… Quels ont été, et sont, vos inspirateurs et les lignes directrices fondamentales de votre action ?
«L’humanisme et la volonté de créer sont les premières de celles-ci. être utile; aller de l’avant, mais sans jamais laisser personne au bord de la route…
Si je devais citer un homme, pour sa manière de se comporter et d’avoir su travailler pour les autres, ma référence serait Nelson Mandela. Un homme qui a pu endurer des dizaines d’années de prison sans jamais abandonner ses convictions, puis en sortir pour construire.
Je ne crois pas à ceux qui changent rapidement de camp, au gré des circonstances. Cela m’inquiète toujours beaucoup… Il faut de la constance dans la vie. Avoir ses convictions chevillées au corps. Savoir attendre son heure, même si cela dure plus longtemps que prévu ; savoir être parfois peu estimé parce que l’on va à contre-courant du temps…»
Sur l’échiquier politique, si varié et fluctuant, de notre pays, comment vous situez-vous ?
«A gauche. Par construction intellectuelle – car ma famille était plutôt du centre-droit – par humanisme et besoin de solidarité et de fraternité…
Mais je travaille, à la municipalité par exemple, avec des gens de sensibilités différentes. Je crois et je tiens à cette nécessité de travailler ensemble, et pour tout le monde – dans le respect de toute la population et des convictions de chacun – mais avec une ligne directrice qui fait que, dans les moments durs, on sait qui l’on est, où on en est, et où l’on va.
Je persiste à croire qu’il existe une différence fondamentale gauche-droite, et qu’il y aura une permanence de ce clivage, ce qui ne signifie pas que l’on ne puisse pas travailler tous ensemble. Mais je pense que ces idéologies-là se maintiendront, notamment par rapport à une droitisation vers l’extrême qui s’observe aujourd’hui dans la classe politique et l’électorat…
Les drames de la Deuxième Guerre mondiale puis de la Guerre Froide ont atténué ces vieux clivages historiques, mais ils reviennent rapidement actuellement…
Pour en revenir à mes convictions personnelles, et mon action publique, je veux me maintenir dans la ligne directrice évoquée, en acceptant les différences, en sachant tendre la main, et convaincre.
Et quand on le veut, on trouve beaucoup de gens intéressés par la discussion politique, pour peu qu’elle se fasse sur la base du respect de l’autre et de la courtoisie…
Je ne crois pas non plus au discours du «tous pourris»… Quand on voit le nombre d’élus qui se dévouent sur le territoire pour des projets communs, on voit que ce n’est pas vrai !»
Quelle est votre force principale ? Quels sont les ressorts de votre vie, les valeurs essentielles qui vous portent et qui vous sont les plus chères ?
«D’abord le collectif. Travailler avec les autres sur un projet commun, défini ensemble. Ne pas se résigner, même si on rencontre des difficultés. Une vie est faite de difficultés.
Conserver essentiellement le souvenir des bons moments, ceux qui ont permis de réussir, afin de les avoir comme leviers pour agir.
Ne pas se dire qu’on n’y arrivera pas; même si le temps peut paraître long, l’histoire peut parfois aller très vite, comme je l’ai déjà dit…
Je suis heureux. J’ai la chance d’avoir une vie de famille agréable, avec une épouse et des enfants, qui sont en bonne santé, d’avoir des missions que j’ai le grand plaisir de pouvoir mener avec les autres et qui touchent à tout ce que j’aime…
Un malheur récent cependant: avoir perdu une nièce, à 25 ans – Amélie – à cause d’une greffe du foie et du rein qui n’a pas pris. On pense à elle tous les jours…
Perdre un enfant ou un jeune qui avait toute la vie devant lui, et qui n’est plus là, c’est aussi le drame de beaucoup de familles. Cela fait relativiser beaucoup de choses…
Des joies… Des peines… Une vie d’homme, quoi !»
Quelle est la force de notre contrée ?
«La solidarité et le dynamisme. Les deux sont indispensables et doivent aller ensemble.»