Au cours des dernières décennies, le camping-car a parfois souffert, injustement peut-être, d’une image un peu vieillissante, voire négative auprès du grand public. Mais ce temps est désormais bel et bien révolu. Ce qui s’apparente même à un véritable engouement, possède sans aucun doute une variable conjoncturelle, les craintes sanitaires faisant davantage apparaître le véhicule de loisirs comme une opportunité de voyager en toute sécurité…
Mais la tendance haussière du marché (qui ne cesse de s’accentuer) ne date pas de 2020, mais de presque 10 ans désormais. En effet, depuis quelques années, comme à plusieurs reprises au cours de son histoire, le camping-car a de nouveau croisé la route de nombre de nos concitoyens, en sachant s’adapter pour répondre à leurs nouvelles aspirations.
L’escargot et le sport outdoor
Ainsi, sortant petit à petit d’un segment de marché essentiellement composé de retraités (51% encore à ce jour), il s’est ouvert à des profils de plus en plus divers.
De personnes en quête de vacances en dehors des sentiers battus, réfractaires au tourisme de masse, à d’autres, recherchant un mode de vie davantage en proximité et au rythme de la nature ou tout simplement voulant pouvoir partir, bouger, voyager en toute liberté… les motifs qui mènent au camping-car sont nombreux ! Certains se rappelleront cet adage quelque peu marketing : «Le camping-car, c’est la version humaine de l’escargot… être chez soi, quel que soit l’endroit… le rêve» !
Reste à ajouter une catégorie montante de «camping-caristes», plus jeune, celle des adeptes notamment de sport outdoor qui en apprécient la praticité, la discrétion, la liberté, en résonance avec «les valeurs» de leur sport.
Mais vous l’avez bien compris, il n’existe pas un type de « camping-car » ou plus exactement de «véhicule de loisirs», mais une multitude «de modèles» pour autant d’usages. Et il est notable qu’en dépit des apparences pour des néophytes, il existe un monde entre camping-car, van, fourgon, motor-home, etc.
La Bourlinguette de 1903
Certes, la majeure partie de ces véhicules sont désormais fabriqués industriellement, mais une réelle tendance au retour au sur-mesure et à «l’artisanal» est aujourd’hui observée. Et nombreuses sont les entreprises, des aménageurs, qui adaptent l’offre aux desiderata de l’acheteur et à l’utilisation plus ou moins spécifique qu’il fera du véhicule en question. L’histoire en la matière a été riche… Les tout premiers modèles remontant aux premières années du XXe siècle…
Ce serait en 1903, et à la demande de Jules Secrestat, – un riche viticulteur et distillateur bordelais – que fut créé, sur un châssis de camion Panhard, le premier «camping-car», nommé «la Bourlinguette» ! L’homme rêvait de visiter sa région, entre la Loire et les Pyrénées, en toute liberté, et sans renoncer à son confort !
On pénétrait dans ce «salon roulant» de 7m de long par l’arrière. La chambre à coucher et la «pièce de service», avec eau et cuisinière, disposaient déjà de l’éclairage électrique ! Si la cabine de pilotage était entièrement fermée, les roues étaient en bois cerclé de fer et, par mesure de sécurité, le véhicule disposait de 2 systèmes de frein…
L’essor des années 80…
Durant les premières décennies de 1900, les «camping-cars» sont des objets de luxe destinés à des gens fortunés, habitués au confort des grands hôtels accessibles par chemin de fer. Ces prototypes (souvent bâtis à partir de camions militaires) ont alors des noms sans équivoque tels la «Villa roulante» de M. Collin-Dufresne (1922), le «Carling-home» de Charles Louvet (1925)… La première utilisation du mot «camping-car» étant pour un véhicule sorti des forges Gérard en 1929 !
Avec la démocratisation de l’automobile, le camping-car va évoluer et devenir la maison des travailleurs itinérants.
L’apparition des congés payés en 1936 va transformer le camping-car en véhicule de loisirs, un symbole de départ en vacances, avec une pléiade de modèles qui vont se succéder : Notin, Heuliez, Star, Maillet et, dans les années 60, le fameux Combi Volkswagen et son modèle «camping box»… qui deviendra le symbole de la génération hippie…
Mais ce sont bien les années 70 qui vont marquer le début de la commercialisation à grande échelle du camping-car. Comme souvent, les USA font figure de précurseurs, puisqu’on y recense plus de 400000 camping-cars au début de cette décennie !
En France, le tournant des années 80 marque l’essor majeur du phénomène, avec des marques comme Holiday-car, Pilote, Aristocrat, Rapido, Chausson, Challenger… La caravane est alors quelque peu boudée au profit de ce nouveau véhicule… qui apparaît n’avoir que des avantages ; et ce, d’autant que les équipements sont au rendez-vous ! Mais certains découvriront trop tard qu’un camping-car, contrairement à une caravane, peut être aussi l’incarnation en vacances pour qui va, par exemple, faire ses courses, de l’adage populaire «qui va à la chasse perd sa place» !
500 000 camping-cars en France !
En 1982, la revue Caravaning examine 28 véhicules de loisirs différents, auxquels le Salon de la Caravane consacre alors pour la première fois un hall entier !
En 1988, sort le premier numéro du mensuel «Le Monde du camping-car». Si la dernière décennie du XXe siècle ne se révèle pas aussi prometteuse qu’envisagée, le début des années 2000 est marqué par une concentration du secteur et la constitution de grands groupes, notamment français, Trigano (leader européen), Pilote, Rapido, mais aussi allemand (Hymer, Knaus…), aux nombreuses marques (près de 80) avec des offres renouvelées, diversifiées et complémentaires.
A ce jour, la France compterait près de 500000 camping-cars en circulation. Le secteur emploie quelque 13000 personnes, dont une bonne partie dans l’Ouest, grâce à des acteurs comme Rapido (Mayenne), Pilote (Loire-Atlantique), Autostar (Côtes-d’Armor), Ouest VDL (Sarthe) ou Glénan Concept (Finistère).
Si le marché des véhicules de loisirs en France a quasiment franchi la barre symbolique des 25000 ventes en 2020 (+26%), en Allemagne, ce sont quelque 78000 unités qui se sont littéralement arrachées, notamment en fin d’année… quand, en Pologne, les ventes ont bondi de 200% !
La «vanlife», un état d’esprit différent !
«C’est presque toute l’Europe qui est touchée par le phénomène, puisque entre septembre 2020 et février 2021, les ventes ont augmenté de 48,1%, comparativement à 2019-2020 et de 66%, par rapport à 2018. Du jamais vu !» explique un fin connaisseur du secteur. «On a une nouvelle clientèle qui n’avait pas pensé au «camping-car» avant. Ce sont les valeurs du produit qui ont changé.»
«Hélas, les délais de livraison explosent… Nous en sommes à 13 mois d’attente» explique un chef des ventes «California» chez Volkswagen! Mais d’ajouter: «Les clients des vans, style California, sont souvent des personnes qui, jeunes, sont passées par la tente et qui aujourd’hui veulent un peu plus de commodités sans verser dans le «confort» des camping-cars». Et de conclure: «C’est un état d’esprit différent… avec une volonté de garder une certaine frugalité». Et, hélas, un anglicisme qualifie déjà le phénomène : la «vanlife» !
En effet, si l’augmentation de la demande concerne tous les véhicules de loisirs, elle est particulièrement tirée par le segment du van et du fourgon (+19%), qui représente à lui seul désormais 44% des véhicules vendus. Une part qui ne cesse d’augmenter, séduisant jeunes et «quadras» qui renouvellent les attentes et stimulent les innovations. Il est moins question ici du «prêt à rouler» que du sur-mesure, en partie fait soi-même ou confié à des aménageurs : «Au rayon des aménagements, tout est possible : toit relevable électrique ou avec toile, bloc cuisine, couchette fixe ou repliable, coin toilette, douche, une ou plusieurs lucarnes, nous pouvons aller très loin: la taille de la table, la position des éclairages, les prises, etc… Bien sûr, le budget varie alors de 10 000 à 35 000€, hors véhicule !»
Essayez… avant d’acheter !
Autre facteur explicatif de cet engouement pour les vans : la facilité de conduite et la non-application des multiples interdictions et autres parcages imposés, ces dernières années, aux camping-cars.
Reste qu’un achat neuf (60000€ en moyenne) n’est pas forcément ce qui est le plus recherché. Le marché de l’occasion est ainsi particulièrement dynamique, tout comme celui, de plus en plus porteur, de la location! Il faut dire que l’un comme l’autre offre l’opportunité – à moindres frais – d’une mise en adéquation (en réaménageant ou en louant uniquement sur des périodes d’utilisation réelle) des services offerts et besoins réels !
Alors, un bon conseil : «Avant d’investir, et afin d’éviter la désillusion entre rêve et réalité, louez! Voyez si cela vous convient… En revanche, si c’est pour cet été, ne traînez plus» !