Ainsi, celle qui est désormais le leader français de l’univers de la couette et des oreillers, l’entreprise Dodo mérite à bien des égards d’être connue et imitée… Car au-delà du confort qu’elle peut offrir, elle est aussi aujourd’hui un symbole d’un «made in France» qui gagne !
83% des Français dormiraient désormais sous une couette ! Il n’en était pas ainsi en 1937 quand Ernst et Erna Hanau décidèrent de créer un atelier de fabrication de couvertures piquées en laine dans leur petite ville de Saint-Avold en Lorraine… D’origine allemande et ne parlant guère alors le français, les époux décidèrent de faire simple et explicite quant au choix du nom de leur entreprise, ce sera Dodo… La production tourne à plein dans le petit atelier qui emploie désormais quatre personnes, quand la Seconde Guerre mondiale éclate, et avec elle, l’occupation nazie. Craignant pour leur vie, Ernst et Erna abandonnent non seulement leur petite entreprise, mais quittent également leur Moselle natale et partent se réfugier aux USA…
De retour d’Amérique avec l’édredon…
Cependant en 1947, ils décident de rentrer «à la maison» avec, dans leurs bagages, le projet de tout relancer, comme avant, mais aussi avec un produit révolutionnaire : «l’édredon américain».
Toutefois, en leur absence, l’atelier a été pillé, les machines démontées, l’outil de production détruit… Après quelques recherches, Ernst retrouve çà et là certaines de ses machines et s’attache rapidement à relancer l’affaire familiale ! Le succès est immédiat… Dodo devient, en quelques années, la marque synonyme de qualité et de nuit douce et agréable, tant pour ses couvertures piquées, garnies de laine et de duvet, que pour ses édredons américains qu’on s’arrache ou encore ses oreillers et autres couvre-pieds personnalisés. La renommée, d’abord locale, dépasse rapidement le simple territoire mosellan. Dodo, la petite entreprise artisanale, se développe, s’attachant progressivement les services d’une quinzaine de collaborateurs.
Dire que l’entreprise va alors ronronner, bercée par une société de consommation en pleine extension, serait exagéré. Mais, quand en 1970, Ernst et Erna décident de passer la main et de confier les rênes de Dodo à leur fils Jacques, qui, fort de son expérience américaine, a rejoint à 200% l’entreprise familiale, celle-ci va prendre une nouvelle dimension. Pas question d’en faire une belle endormie…
« La couette scandinave, une vague de fond ! »
Jacques, sentant que le marché est alors en train d’évoluer rapidement, notamment les circuits traditionnels de distribution, décide qu’il est urgent pour Dodo d’adapter l’offre à une nouvelle forme de demande, notamment celle des hypermarchés.
De plus, toujours porté par son souci de mieux comprendre les mutations en cours, il voyage en Europe du nord, notamment dans les pays scandinaves… Il en revient certain d’y avoir trouvé ce qui va ringardiser dans les années à venir le duo drap-couverture pourtant encore omniprésent sur tous les lits des Français. Oui, il en est sûr, la couette va s’imposer: «Ce ne sera pas un simple phénomène de mode, mais une vague de fond» !
Couettes et ventes en grandes surfaces vont devenir son souci majeur… sans oublier la qualité, qui doit rester la marque de fabrique des nuits avec Dodo !
En quelques années, il modernise entièrement l’outil de production, investissant notamment dans des machines multi-aiguilles ou à tasser le rembourrage pour les oreillers, il double la surface de l’atelier et renforce fortement le secteur commercial.
Le défi de grande distribution
En 1977, un jeune juriste, Marc Cerf vient épauler Jacques, comme attaché de direction ou plutôt «détaché à toutes les missions» comme il aime encore à le rappeler. Ils formeront pendant plus de vingt ans jusqu’à la retraite de Jacques, un duo hors pair! Marc veille sur Dodo, de la production à la commercialisation, avec des incursions à la comptabilité et même au recouvrement des créances… quand Jacques, visionnaire, s’attache au développement de ce qui reste une entreprise familiale. Car, certes, l’on est passé de 80 couettes à la journée à 80 à l’heure, la fibre synthétique (alternative au duvet) et l’automatisation ont bouleversé la chaîne de production, mais réussir à rythmer cela avec les impératifs des désormais grands de la distribution, sans oublier de faire rimer le tout avec qualité, n’est guère une sinécure!
Dès la première moitié des années 80, Dodo s’impose comme le numéro un des rayons «sommeil» des grandes surfaces françaises… poussant même le partenariat jusqu’à fabriquer pour Auchan, Carrefour, Casino, mais aussi La Redoute ou encore Les 3 Suisses, pour leurs propres marques de distribution (MDD)… Aujourd’hui ces MDD représentent 30% de son chiffre d’affaires !
Mais, au milieu des années 80, c’est au tour d’un autre membre de la famille d’être intégré dans l’entreprise: le gendre de 21 ans et quasi homonyme de Jacques Hannau, Didier Hannaux. Toutefois, pas question pour Jacques de l’installer dans un fauteuil et encore moins sous une couette douillette ! «Il doit passer par tous les postes, sans aucun ménagement ni passe-droit, bien au contraire!» annonce Jacques. Chargement, déchargement des camions, ateliers de production, réglage des machines, visites des centrales d’achat, etc., sont autant de passages obligés pour assimiler toutes les réalités et ficelles du métier !
Avant-gardiste de l’atelier à la publicité
Le tournant des années 90 est marqué par le rachat d’un site PSA d’une surface de 3000m2, prélude au développement, année après année, d’un site de production de 30000m2 toujours dans la commune d’origine, Saint-Avold!
Avant-gardiste pour la production et la distribution, Dodo le sera également pour le marketing et la publicité… étant la première entreprise du secteur à investir fortement dans la publicité à la télévision, dès 1993, devenant le plus gros annonceur de sa catégorie, puis en sponsorisant, plus tard, des émissions comme «Danse avec les stars» sur TF1.
Quand, en 2000, Jacques décide à son tour de confier l’entreprise à son collaborateur des débuts, Marc, et à son gendre Didier, la marque Dodo est déclarée «marque de couettes la plus connue, reconnue et appréciée en France», selon une étude BVA !
Développer en perpétuant l’excellence française
Elle est dotée en interne d’une infrastructure ultraperformante, tant pour la production que pour le stockage ou la livraison, avec une capacité à alimenter des réseaux de la grande distribution, partout en France sous 48h, avec plus de 300 salariés, mobilisés pour fabriquer des produits de literie de qualité «made in Lorraine»!
Mais cette extension interne, dont Jacques aura été le principal protagoniste, a en réalité préparé le terrain pour une nouvelle phase et un enjeu majeur pour la survie et le développement de l’entreprise: la croissance externe! Et c’est bien la troisième génération, avec Didier, qui s’y attelle dès 2004…
Ainsi, pendant 15 ans, toujours à l’affût de synergies et de complémentarités, afin de renforcer son activité, Dodo va racheter pas moins de six sociétés de l’univers du sommeil: Lasson (protection de literie), Topiol, Drouault (expert depuis 1850 des articles en plume et duvet), CMT (vêtements de nuit), Ateliers des Vosges, et la marque de linge de lit, Anne de Solène.
«Et tout ceci a été réalisé en autofinancement, sans un sou de dette » insiste Didier Hannaux !
Dodo offre aujourd’hui une gamme de produits de quelque 150 familles et 5000 références, capable de s’adapter à une demande grand public comme haut de gamme et même premium !
Présente en GMS comme dans les grands magasins (BHV, Galeries Lafayette,) en magasins spécialisés et même sur le net, elle est également partie à la conquête de nombreux hôtels de chaîne, comme de palaces… équipant plus de 100 000 chambres en France !
La 4e génération se lève !
Bien entendu, les prix varient, dans l’univers Dodo… de 800€ la couette 80% duvet de canard 20% plumes, piquée à la main dans l’usine Drouault du Mans, à 59€, la 100% polyester, spécial «grand froid», vendue en GMS.
Mais il faut le dire, le réinvestissement des bénéfices et l’innovation demeurent un leitmotiv chez Dodo. Le département R&D ne cessant d’aller au-devant des attentes souvent encore latentes des consommateurs : couette ultracompressible, lavable à 95 degrés, anti-acarien, antimicrobien, thermorégulatrice, 100% recyclée, etc., mais toujours «made in France» !
Avec quelque 142 millions d’euros de chiffre d’affaires, une croissance des ventes l’an dernier de 4%, 750 salariés désormais sur 6 sites en France, une capacité de production journalière de 30000 oreillers et 25 000 couettes, dont 12% pour l’export et la quatrième génération qui monte, Jonathan et Michael, fils de Didier, qui, depuis respectivement 10 ans et 6 ans, font leurs classes au sein du groupe… Dodo, la reine des nuits, peut légitimement faire de beaux rêves d’avenir !