Toutefois, notons qu’aujourd’hui encore, 2% de nos concitoyens vivent sur un territoire pudiquement appelé «zone blanche» (sans réseau) et que 11% de la population n’est toujours pas couverte par la 4G.
Mais il est un autre moyen de communication : la «bonne vieille ligne» fixe, qui, bien que commençant elle aussi à dater, est encore utilisée par 84% des Français. Et cet «outil» de communication est non seulement utile, mais précieux, voire indispensable pour beaucoup… car vecteur également d’internet ! Or, aujourd’hui, ce «réseau téléphonique» est en danger pour moult raisons… et les conséquences sont préoccupantes pour bien des territoires notamment ruraux !
Le sujet se faisait brûlant… Pour éteindre les débuts d’incendie, dans bien des lieux de nos campagnes principalement, le Premier Ministre, Jean Castex, accompagné de son Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications, Cédric O, décida, le 21 mai dernier, d’y consacrer un déplacement dans la Drôme !
500 millions d’euros… pour apaiser les ruraux !
Ils venaient ainsi tous les deux au chevet du vieux réseau téléphonique en cuivre, avec, en point d’orgue de cette venue en «province», comme l’on dit vu de la capitale, l’annonce d’une série de mesures pour améliorer la « qualité globale » du réseau télécom historique et « soulager les zones en souffrance ». Des investissements à hauteur de 500 millions par an pour l’entretien et le maintien de l’existant et la promesse de la fibre partout à l’horizon 2030… Voilà qui devait apaiser le vent de fronde des ruraux !
Car, qu’on se le dise, les vieux réseaux de téléphonie avec des fils en cuivre, c’est « bientôt » fini. Il existe, en effet, un calendrier officiel prévoyant, dans les 10 ans, de faire disparaître tous ces anciens réseaux pour les remplacer par la fibre. Mais comment ne pas comprendre la légitime inquiétude de nombre d’élus et habitants… quant à la réalité de l’effectivité de cet équipement de télécommunication «Haut débit» sur leur commune dans un tel délai! Les Centre-Bretons peuvent en témoigner, depuis 50 ans, avec la fameuse RN 164, il y a «parfois» des retards aux conséquences hélas bien plus préjudiciables que d’aucuns ne le pensent ou le perçoivent hors des territoires.
« Les oubliés du téléphone fixe »
Reste qu’aujourd’hui, alors que l’on parle d’exode urbain, de télétravail et que la capacité à communiquer est un enjeu majeur de développement, car devenue une composante à part entière du cadre de vie, la qualité du bon vieux réseau téléphonique n’est pas une question négligeable. Pourtant, ce dernier est selon l’expression même d’un spécialiste, à «l’agonie» en bien des lieux de l’Hexagone. Dès lors, y capter internet (ADSL) n’est guère une sinécure et même passer un simple coup de fil n’est pas gagné ; quant à tenir une conversation stable de deux minutes… c’est souvent plus que problématique! Sans parler des coupures totales de réseau durant plusieurs jours, ces caprices téléphoniques représentent de réels risques pour la population alors isolée: urgences non joignables, personnes âgées sans téléassistance, alarmes diverses hors service, etc.
Or ces territoires appelés désormais les «oubliés du téléphone fixe» sont bien plus nombreux que l’on pourrait a priori le penser ! 4 millions d’abonnés, dont plus de 1 million de particuliers, dépendent encore aujourd’hui du vieux réseau cuivré, pour leur téléphone fixe et 15,9 millions pour leur internet ! 20% des abonnés sont ainsi régulièrement victimes de coupures…
Face aux critiques et à la fronde qui demeurent, voire montent en intensité, Orange, le responsable et propriétaire de cette infrastructure de plus de 1 million de kilomètres de fils en cuivre, se défend de toute négligence, précisant que 1200 personnes travaillent en permanence pour en assurer l’entretien, que 500 millions sont consacrés chaque année à sa maintenance, etc.
La fibre et la « vache à lait » du vieux réseau
Pourtant, même l’autorité de régulation du secteur, l’Arcep, a mis cette année en demeure l’opérateur historique… le menaçant de sanctions financières en cas de non-amélioration de la situation.
Il faut dire que la situation s’est considérablement détériorée depuis 1995, date de l’apogée de cette «toile de cuivre» aux 31 millions de lignes !
Pour être plus précis, le point d’inflexion de la qualité de ce réseau est davantage à situer au tournant des années 2000 et 2010. Car, durant les années 2000, les infrastructures dont a hérité Orange (sans avoir besoin de les payer) va lui servir à développer son offre internet «Haut Débit», l’ADSL. Mais, rapidement, l’enjeu de développer la fibre est apparu supérieur à celui de maintenir ce vieux réseau… qui pour autant ne demeurait pas moins intéressant comme « vache à lait » pécuniaire, à condition d’en minimiser les coûts d’exploitation.
Dégradations, vols… « On fait le maximum »!
Or, maintenir en l’état 1 million de kilomètres de câbles, veiller sur les 15 millions de poteaux (fréquemment couchés par des arbres, durant les tempêtes, ou heurtés par des véhicules divers et variés), préserver des centaines de milliers d’armoires de branchements des assauts de la végétation envahissante ou de personnes mal intentionnées, s’assurer de la protection du câblage dans les canalisations lors des travaux de voirie, sans parler de la nécessaire prise en compte des outrages du temps sur toute infrastructure… est loin d’être une sinécure!
Ajoutons encore deux phénomènes explicatifs non négligeables à la détérioration de la situation: les dégradations provoquées par des sous-traitants peu scrupuleux, notamment installateurs de la fibre, pour qui la préservation du vieux réseau cuivré n’est guère un sujet; et le fléau des vols pour la revente du cuivre qui se chiffre à quelque 50 tonnes chaque année!
Chez Orange, comme toujours, on dit faire le maximum… avançant même qu’une opération de maintenance sur le réseau cuivré est effectuée toutes les 2 secondes! Et d’ajouter «dans 85% des cas, nous parvenons à réparer dans les 48h… et nous allons tout faire pour réduire ce délai à 24h»! Reste qu’à ce jour, cela demeure de l’ordre de la bonne intention… Or, à l’heure de l’hyper connectivité, une promesse souvent remise au lendemain devient de moins en moins supportable.
Sentiment d’abandon et d’injustice territoriale
Parmi les solutions envisagées par Orange pour améliorer cet état de fait: augmenter le budget maintenance, en faisant payer davantage les concurrents qui utilisent «son réseau de cuivre», faisant ainsi passer le tarif de dégroupage de quelque 9€ par mois à 12€… Autant de répercussions sur le pouvoir d’achat du consommateur! Mais il semblerait que le gouvernement n’ait pas vu cette nouvelle augmentation tarifaire d’un bon œil en cette période électorale… comme, du reste, l’annonce du plan de sortie du réseau cuivré et du programme de «décommissionnement», qui devait être présenté le 26 novembre, au «Trip» Avicca, mais qui, au final, n’est entré dans aucun détail… car mal venu en cette période de télétravail imposé, etc.
Reste que la grogne ne faiblit pas, face à une situation qui ne cesse de se dégrader, en dépit des satisfecit autodecernés par Orange, pour le déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire français !
De plus en plus d’élus locaux, notamment du monde rural, font part de leur colère au travers de lettres ouvertes dans la presse régionale et nationale, dénonçant une situation par trop passée sous silence, et s’adressant tant à «Orange, dont le silence assourdissant creuse le sentiment d’abandon de nos territoires ruraux, qu’à l’État, qui a les moyens de mettre fin à cette situation intolérable et injuste, mais aussi aux Français, afin qu’ils prennent conscience de l’inégalité criante que subissent nos territoires devant l’accès au service, dit ’universel’, de téléphonie fixe.»
« Non assistance aux personnes en danger »
Il y a quelques jours, un pas supplémentaire a été franchi, en Normandie, dans le Pays de Bray, illustrant le ras-le-bol général face à cette situation. «Si rien ne change, on portera peut-être plainte pour non-assistance à personne en danger!» a déclaré Bruno Grandsire, maire de Smermesnil, président d’un collectif d’élus.
Il y a parfois ainsi des signaux, faibles ou non perçus depuis la capitale, qui mériteraient d’être captés et pris en compte, afin d’éviter que la situation ne devienne plus que préoccupante.