Ce 31 août 1870, à Sedan, le général Mac Mahon, à la tête d’une armée forte de 30000 hommes, est déterminé à résister à l’avance de l’armée prussienne. La 2e brigade d’infanterie de marine doit s’assurer du village de Bazeilles, situé au sud-est de la forteresse de Sedan, et qui est tenu par les Prussiens. Les «Marsouins», après un difficile combat, arrivent à s’en rendre maîtres le 31 août vers midi. Mais l’ennemi contre-attaque et les Français doivent se retirer. Les pertes de part et d’autre sont importantes.
A la tombée de la nuit, la première brigade arrivée en renfort permet aux Français de reprendre le village. Pour la nuit, le commandant Lambert et 150 «Marsouins» doivent garder la place. Le Carhaisien décide de tendre un piège aux Prussiens. Ceux-ci, au petit matin du 1er septembre, investissent Bazeilles qu’ils croient abandonné, ne rencontrant ni soldats ni résistance.
Le commandant Lambert contre-attaque alors avec ses hommes, prenant totalement au dépourvu l’ennemi. Celui-ci décroche rapidement. Le village est donc repris, mais pas pour longtemps!
Le général Ducros, qui remplaçait le général Mac Mahon blessé, décide de regrouper ses troupes et d’évacuer Bazeilles, pourtant si durement reprise. Ainsi fut fait. Mais, coup de théâtre, arrive à Sedan le général Wimpffen, muni d’une lettre de service lui octroyant le commandement de l’armée de Châlons! Il ordonna de reprendre l’offensive, et d’occuper à nouveau les places abandonnées! Le général de Vassoigne, à la tête de sa division repartit à l’attaque, et au prix d’héroïques efforts, reprit Bazeilles, qui revint aux mains des Français une nouvelle fois.
Le commandant s’écroula, atteint par un éclat d’obus
Mais les Prussiens n’entendaient pas rester sur une défaite, et s’acharnèrent sur le pauvre village, qui bientôt brûlait de toutes parts. Le combat se déroulait à un contre dix. Le commandant de la division constatait que ses pertes étaient de plus en plus lourdes. Fallait-il continuer le combat?
Il s’adressa alors à ses hommes: «Messieurs, j’estime que l’infanterie de marine a depuis longtemps atteint les extrêmes limites du devoir. Il serait insensé d’ensevelir ici une telle troupe. Elle sera utile ailleurs…» A midi, la retraite fut sonnée. Pour la protéger, le commandant Lambert décida avec 200 hommes de bloquer la progression de l’ennemi en résistant le plus possible.
Le combat était acharné. Mais soudain, le commandant s’écroula, atteint par un éclat d’obus. Cependant, il se releva bientôt, s’appuyant à un muret. C’était la cheville qui était touchée. Il décida de se replier dans une auberge abandonnée, pour en faire une poche de résistance.
« Le combat ne cessa qu’avec nos munitions »
Pendant deux heures et demie, ils résistèrent héroïquement aux assauts de l’ennemi. Dans son rapport, le commandant Lambert écrit:
«Nous fûmes complètement cernés par le 13e régiment bavarois. Bientôt notre maison se trouva dans le plus piteux état. Les portes et les fenêtres étaient percées à jour, notre toiture à moitié enlevée par un obus qui nous blessait quatre ou cinq hommes. Malgré cela, la lutte continuait toujours avec acharnement. Elle ne cessa qu’avec nos munitions».
Un chroniqueur ajoute: «Les officiers ont revendiqué l’honneur de tirer les onze dernières cartouches». Fallait-il continuer le combat au corps à corps ou se rendre ? Alors que les assiégés –ils n’étaient plus qu’une quarantaine– s’apprêtaient à sortir, le commandant Lambert intervint: «Je les arrêtai en leur disant que j’allais sortir et que, si l’on me tuait, il serait temps de vendre chèrement leur vie». Effectivement, dès qu’il sortit, les Bavarois s’élancèrent pour le percer à coups de baïonnette. Mais soudain survint leur capitaine qui, s’interposant, déclara:
«Messieurs les Français, je vous salue… Votre honneur est sauf. Je viens de demander au général en chef, le prince Frédéric, l’autorisation de vous laisser vos armes. Pourtant vous nous avez fait bien du mal».
Ils furent tous faits prisonniers, tout comme l’empereur Napoléon III, le lendemain, après avoir signé la capitulation à Sedan.
Général puis sénateur du Finistère
Le commandant Lambert réussit à s’évader et, poursuivant sa carrière, devint général commandant militaire du Sénat, puis de la brigade d’infanterie de Quimper, et sénateur du Finistère.
Les troupes de marine commémorent chaque année le souvenir de cette bataille de Bazeilles le 31 août et le 1er septembre. L’héroïsme du commandant Lambert fut immortalisé en 1873 par un célèbre tableau du peintre Alphonse de Neuville intitulé «Les dernières cartouches». Ce titre, qui désigna tout d’abord un club de tir, fut retenu pour désigner l’équipe de football de Carhaix. Il est devenu un symbole de persévérance, même dans un contexte défavorable.
F.K.