Un « homme célèbre » écrit la comtesse du Laz. Maurice du Mené, sieur de Toulgoët (ou Toulgoat), était effectivement un très grand seigneur, d’une branche cadette de la famille du Perrier, issue elle-même des anciens rois de Bretagne, écrit Gérard de Bagneux.
Les textes disent que c’était en expiation des massacres d’Anglais effectués lors du siège de Pontoise en 1441, que vers 1478, le sire de Toulgoët fonda l’hôpital Sainte-Anne de la rue du pavé (actuelle rue Brizeux). C’est le premier hôpital qui apparaît dans l’histoire de Carhaix. Il demeurera hôpital général « jusqu’à la révolution de 1793 ».
La léproserie de la rue Brizeux
Des bâtiments de cette époque semblent avoir subsisté, telle la chapelle Sainte-Anne (qui apparaît déjà sur un plan de 1772), ou encore cette grande tour carrée de 1588, qui pourrait avoir abrité une léproserie.
Sa photo figure dans l’inventaire « Malraux » du patrimoine, mais elle a été détruite vers 1965. Il est curieux de constater que c’est également à un membre de cette famille du Mené, Claude du Perrier du Mené, sieur de Boisgarin, en Spézet, que l’on doit la création du second hôpital de Carhaix en 1663.
L’origine du premier hôpital carhaisien est donc liée au siège de Pontoise, qui avait fortement marqué Maurice du Mené. Encore jeune alors, il devait accompagner dans cette aventure d’autres grands seigneurs bretons. Deux d’entre eux, les principaux dirigeants du siège, semblent avoir été liés de façon particulière à l’histoire de Carhaix.
En effet, pour la date de 1448, le chevalier de Fréminville écrit: «l’amiral de Coëtivy, seigneur de Carhaix, donne cette ville au connétable de Richemont en échange d’autres domaines ». Prigent VII de Coëtivy, « Seigneur de Carhaix », Amiral de France en 1439, était aussi le neveu du favori du roi, Tanneguy du Chastel, prévôt de Paris. Quand au connétable de Richemont, il s’agissait d’Arthur de Bretagne frère du duc Jean VI et oncle du dernier duc, François II. Le connétable deviendra duc de Bretagne lui-même en 1457-1458.
Les « horribles massacres » de Pontoise
Le massacre des Anglais de Pontoise, qui travailla fortement la conscience du sire de Toulgoët, était en fait une conséquence des terribles lois de la guerre.
Lorsqu’une garnison refusait de se rendre, elle était alors à la merci du vainqueur, c’est à dire que celui-ci pouvait ne pas faire de « quartier », donc exécuter tous les prisonniers. De plus, les Français avaient une revanche à prendre. On était à la fin de la guerre de 100 ans. Lorsque les Anglais prirent Pontoise le 24 juillet 1419, ils y « commirent d’horribles massacres ».
Après avoir perdu la ville, ils la reprirent en 1439. Le roi Charles VII en personne vint l’assiéger, accompagné d’une armée de 5000 hommes. Était-ce le premier combat du jeune Carhaisien ? Nous ne le savons. Le siège fut long. Commencé le 4 juin, il ne connut son dénouement que le 16 septembre. C’est à cette occasion que le massacre des Anglais s’effectua. 500 d’entre eux furent passés au fil de l’épée.
Un épisode du combat est rapporté dans l’ouvrage que Monsieur de Beaucourt consacra au règne de Charles VII: « Le roi parcourut la ville, monté sur un petit cheval…, un Anglais, poursuivi l’épée à la main, vint chercher refuge sous le ventre du cheval. En vain le roi cria-t-il de lui faire grâce, l’ardeur du combat était telle que ses ordres et ses clameurs ne purent arracher le malheureux à la mort ».
D’une bravoure à toute épreuve.
Il y eut tout de même des prisonniers pour lesquels on réclama rançon. Ceux qui ne purent réunir les sommes demandées furent noyés en public.
Le sire du Mené fut ensuite au service de Louis XI. Il guerroya en Flandre, commanda 100 lances, fut trésorier des guerres en 1477, puis conseiller et sénéchal du roi en 1481. Il revint en Bretagne après la mort de Louis XI en 1483.
Il se mit au service du duc François II, qui le nomma capitaine des archers de sa garde. Il fut ensuite nommé capitaine de Josselin, puis de Morlaix; on le retrouve à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier en 1488.
La duchesse Anne le nomma également capitaine de sa garde et son chambellan.
Mais opposé à son mariage avec Charles VIII, il fut impliqué dans les révoltes du maréchal de Rieux (tuteur d’Anne de Bretagne), et du vicomte Jean II de Rohan (oncle de la duchesse).
Le « complot breton » de 1492 visait particulièrement à assurer l’indépendance bretonne, avec l’aide de l’Angleterre. Il échoua, mais Charles VIII reconnut le 7 juillet 1492 certains privilèges du duché.
On comprend dès lors l’appréciation que fit l’historien Arthur de La Borderie sur Maurice du Mené :
«C’était un sujet fort volontaire, d’une bravoure à toute épreuve, mais d’une fidélité incertaine ».
F.K.