« La France est un pays remuant, et cela peut avoir un côté amusant ou même positif – un côté « gaulois » – mais attention que cela aille trop loin… Je suis très inquiet. Il souffle sur notre pays un vent de radicalisation en tous domaines, qui me fait un peu peur, quoique je sois quelqu’un d’optimiste par nature.

Mais je n’ai encore jamais été confronté à une telle situation dans mon pays ! Voir l’armée positionnée un peu partout dans nos rues, sur nos places, pour protéger des manifestations
culturelles, sportives… Mais aussi voir cet irrespect dans les attitudes, les mots, les déclarations… Où va-t-on ? », nous a confié le Dr Christian Ménard.

C’est vers un homme connu – et largement apprécié – pour son sens profond du contact humain, de l’écoute et du dialogue que « Regard d’Espérance » est allé pour ce premier
« entretien du mois » après l’interruption habituelle de sa parution en juillet-août.

Alerte septuagénaire, le Dr Ménard – ancien maire de Châteauneuf-du-Faou, conseiller régional et député – est resté tel que lui-même ; tel il était dans la vie politique, tel il demeure
aujourd’hui retiré de celle-ci : homme de conviction solidement enraciné dans les valeurs qui l’ont construit et ont animé son « combat » politique, mais tout autant homme de concertation
et d’attention à l’autre, spontané, sans détours ni artifices…

En cette période où le pays est traversé par de nombreuses crispations et paraît être en ébullition, il nous a paru intéressant de solliciter à nouveau le regard de ce médecin et homme politique d’expérience, qui a longtemps œuvré pour sa ville, pour le Centre-Bretagne, la Bretagne et la France…

Mais un regard cette fois élargi par le recul que lui procure désormais son retrait de la
confrontation politique.

Voici des propos empreints de sage réflexion, de mesure voire de gravité, sur l’actualité en France, sur notre région et ses perspectives d’avenir, sans oublier les souvenirs et enseignements tirés de plus de trente années d’action personnelle et politique, menée avec la volonté de dépasser les vues et manœuvres partisanes…


Voudriez-vous – quoique bien connu dans ce CentreBretagne et au-delà – vous présenter à grands traits ?

« Je suis né à Quimper en 1946, mes parents résidant dans cette capitale de la Cornouaille.
J’ai été médecin pendant plus de 30 ans à Châteauneuf-duFaou, où j’ai aussi été maire durant quatre mandats à partir de 1989, ayant par ailleurs été conseiller régional de 1997 à 2002,
puis député de la circonscription de Châteaulin de 2002 à 2012…

J’ai eu la chance de connaître très jeune des hommes politiques dont l’activité a eu un retentissement national, comme André Monteil, qui fut maire de Quimper, député et sénateur,
mais également ministre, dans plusieurs ministères, dont celui de la Marine.

C’était à l’époque du M.R.P. – dans les années 1954-55 – et de l’alliance avec François Mitterrand. J’avais huit ans et je me souviens de voir F. Mitterrand venir à la maison, en toute simplicité, car nous habitions le même immeuble que A. Monteil, qui était un ami proche de la famille et venait souvent chez nous…

A l’âge de 8 ans, donc, j’ai assisté à toutes ces luttes politiques, parfois terribles, pour les élections. Et j’entends encore le martèlement des pas d’A. Monteil au-dessus de nos têtes, au soir du scrutin, quand il faisait les cent pas dans son appartement du dessus, attendant fébrilement les résultats…

Ces résultats venaient lentement à l’époque, par le téléphone manuel !

En grandissant, je me suis intéressé à la politique, non pas avec l’objectif de devenir maire, ou autre, mais en voulant « faire quelque chose », comme le font la plupart des jeunes qui s’engagent dans la vie politique, je pense. C’était une envie profonde, un besoin de « faire avancer les choses »…

Et je me suis aperçu par la suite que ce n’était pas du tout aussi facile qu’on le pensait !

Je n’ai jamais prévu ni planifié les étapes de ma vie politique…

La médecine m’avait déjà permis de connaître beaucoup de gens, ce qui est un grand avantage en politique : avoir une approche simple, directe des gens, est fondamental. Ce vrai
contact humain est une valeur que beaucoup d’hommes politiques ont perdue aujourd’hui, à droite comme à gauche : le véritable contact avec la base…

C’est pourquoi j’ai souvent dit être fervent partisan d’une certaine forme de cumul des mandats : un « petit » mandat local – conseiller municipal ou maire de petite commune – et parlementaire, par exemple. Pas plus, mais pas moins non plus, car sinon le parlementaire est très vite coupé des réalités… Ce qui ne veut pas dire cumul des rémunérations. On peut fi xer des limites.

Marié, et père de deux enfants, je voudrais dire combien mon épouse m’a secondé dans tout ce que j’ai fait, avec beaucoup d’abnégation et de discrétion – car la politique n’était vraiment
pas « son truc », comme l’on dit – et sans interférer avec mes missions, ce qui m’a toujours paru essentiel, car l’on n’élit pas une personne et son conjoint ! Ceci dit sans aucune allusion à
des situations actuelles… »

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