Savez-vous qu’en 1681, un marin centre-breton de Spézet fut envoyé à la rencontre du Capitan Pacha, à la tête de la flotte de Constantinople, pour lui faire moult menaces, et que celui-ci, impressionné, baissa pavillon et fit demi-tour? C’est Louis Le Guennec, l’historien morlaisien, devenu archiviste à Quimper, qui nous l’apprend dans son ouvrage «Vieux souvenirs bas-bretons», paru en 1930.

Marc-Tristan du Perrier, Chevalier du Mené, était le troisième fils de Marc du Perrier, Seigneur de Boisgarin en Spézet, du Mené (en Guerlesquin), de Toulgoat (en Treffrin) et autres lieux. Le chevalier du Mené devint officier dans la marine royale, et on le trouve en 1670 commandant du vaisseau Le Flament dans l’escadre de M. de la Haye. Celle-ci, composée de 9 vaisseaux, partit de La Rochelle le 4 mars 1670 pour chasser les Hollandais  des Indes. Les rescapés de l’expédition ne rentrèrent en France qu’en 1675, sur deux navires prêtés par ces mêmes Hollandais, l’escadre française ayant été entièrement détruite sous le feu ennemi !

600 esclaves chrétiens furent alors libérés

Marc-Tristan du Perrier fut ensuite en 1681 sous les ordres du lieutenant-général Abraham Duquesne, commandant de la flotte de Méditerranée. L’objectif était de combattre les pirates barbaresques et de libérer le plus possible d’esclaves chrétiens. Le chevalier du Mené commandait alors le vaisseau Le Fleuron. La flotte était constituée de neuf navires. Le 16 mai l’escadre quitta Toulon en vue de rejoindre Tunis.

La menace de faire parler la poudre suffit au Bey de Tunis pour se montrer conciliant: il était prêt à revendre à l’amiral les esclaves chrétiens, «prises de guerre». Quand il comprit que l’amiral ne l’entendait pas ainsi, et s’apprêtait à bombarder sa ville, il accepta sans contrepartie de lui remettre immédiatement 600 esclaves.

L’escadre fit ensuite voile sur Tripoli. Mais ils durent faire escale dans un comptoir de Venise, en Crète. Reprenant la mer, ils surprirent un groupe de pirates qui s’enfuirent devant eux et se réfugièrent dans le port neutre de l’île de Chio, appartenant à Constantinople.

Un émissaire fut envoyé au pacha commandant le port pour lui demander de faire sortir les corsaires tripolitains sous peine de bombardement de la ville et du port. Le commandant refusant, il y eut 4 heures de bombardement, puis un blocus de l’île fut décidé. Louis Le Guennec, écrit: «Le Capitan Pacha étant survenu avec sa flotte, M. du Mené fut envoyé par Duquesne  pour l’avertir que, s’il essayait de défendre les pirates, l’escadre française détruirait aussi le château et les galères, ce qui intimida l’amiral turc».

La ville à moitié détruite, les bateaux des pirates tripolitains ayant coulé, les galères turques ayant rebroussé chemin, le gouverneur de Chio accepta de libérer les esclaves chrétiens.

En juillet 1683, Monsieur du Mené commandant alors le Bizarre, toujours dans l’escadre d’Abraham Duquesne, participa au bombardement d’Alger. L’amiral faisait le blocus et exigeait la libération de tous les esclaves chrétiens, et le remboursement des prises barbaresques.

Devant le refus du Dey, le bombardement français détruisit une grande partie de la ville. En représailles, le Dey fit exécuter fort cruellement le consul et vingt résidents français. Il les fit attacher devant la bouche d’un canon qui tira ensuite ses boulets.

Le 11 août 1683, le bombardement reprit, mais les réserves de munitions étant épuisées, l’escadre française dut retourner à Toulon. L’escadrille de Tourville restant sur place et empêchant tout ravitaillement de la ville, le Dey finit par capituler et signa un traité avec la France le 16 avril 1684. M. du Perrier servait alors sous les ordres de Tourville et il commandait le Vigilent.

Un boulet de canon lui emporte le bras

Après ces événements, le chevalier du Mené devenu chef d’escadre, rejoignit Brest en 1689. Le vice-amiral de Tourville, commandant en chef des forces navales françaises contre l’Angleterre, devait combattre la flotte anglo-hollandaise (guerre de la Ligue).

En août 1689, Marc-Tristan du Perrier fut chargé d’une exploration avec son vaisseau le Marquis, armé de 54 pièces de canon. Voici comment la «Gazette de Renaudot» dans son édition du 27 août, rapporte les faits:

«Le 18 de ce mois, le chevalier du Mené, capitaine de vaisseau du Roy le Marquis, fut détaché pour aller du costé de Plymouth reconnoitre les flotes Angloise et Hollandoise. Il rencontra à six lieües d’icy vn de leurs vaisseaux de cinquante pièces, et luy donna chasse.

L’Anglois carga ses voiles; et le laissa approcher jusqu’à la demie portée du mousquet sans tirer. Il tira le premier et fit vne décharge de toute son artillerie et de sa mousqueterie.

Le chevalier du Mené fit de son costé vn si grand feu de canon et de mousqueterie, qu’après avoir tüé aux ennemis cinquante cinq homes, et en avoir mit plus de cent hors de combat, il lui coupa son grand mast et son mast de mizaine et s’en rendit maistre. Il eut dans le combat vn bras emporté d’un coup de canon, dont il mourut peu après».

Le commandant en second du Marquis fit passer à son bord 250 prisonniers, et fit couler le navire anglais, car 11 vaisseaux ennemis étant signalés, la fuite s’imposait!

Quelques années plus tard, Brest avait à nouveau un Marc du Perrier du Mené, lieutenant de vaisseau: c’était le neveu et filleul du chef d’escadre, né en 1662 au manoir de Boisgarin en Spézet, treize ans avant que celui-ci ne soit détruit lors de la révolte des Bonnets rouges.

F.K.