Le 19 juillet 1971, un grave accident de moto met fin à tous les rêves de William Mitchell. Cet ancien marine, devenu chauffeur de tramway à San Francisco, enfourche ce jour sa moto pour une de ces balades qu’il aime tant faire dans les beaux sites autour de la ville. Il roule à vive allure lorsque, soudain, un camion de blanchisserie lui coupe la route. Le choc est extrêmement violent. Pour tenter d’éviter d’être écrasé par une collision directe, il couche sa moto afin de passer sous le châssis imposant du véhicule. Malheureusement, à ce moment-là, le bouchon d’essence de sa moto s’ouvre, le carburant se répand partout et la moto s’embrase.

Brûlé au 3e degré sur 65% de son corps, William perd ce jour-là presque la totalité de ses doigts, brûlés sous l’effet de l’intense chaleur. Transporté à l’hôpital, inconscient, il ne se réveille que deux semaines plus tard. Sa souffrance est inimaginable. «Il m’est impossible de décrire l’intensité de la douleur…», racontera-t-il plus tard. Privé de ses doigts, il ne peut plus effectuer les gestes les plus simples de la vie quotidienne.

«…Aussi impuissant qu’un bébé qui vient de naître»

Il doit subir seize opérations et de multiples greffes de la peau. Il lui faut deux ans pour réapprendre à utiliser ses mains.

Rentré à la maison, après quatre mois à l’hôpital, il ne peut toujours presque rien faire tout seul. Ses bouts de doigts sont si sensibles que même une légère brise qui souffle le fait terriblement souffrir, il ne peut pas toucher ses vêtements, il ne peut pas s’habiller, il faut lui donner à manger. «J’étais aussi impuissant qu’un bébé qui vient de naître», s’exclame-t-il.

Il raconte comment, un jour, il se trouvait étendu sur le plancher devant une porte fermée qu’il ne pouvait pas ouvrir. Il est en pleurs et les questions se bousculent dans sa tête: «Pourquoi les docteurs, les infirmières, tout le personnel à l’hôpital se sont-ils acharnés pour me sauver…? Était-ce une plaisanterie cruelle? Puis, au bout d’un moment, au lieu de regarder par terre, je levais les yeux vers la poignée de la porte. J’ai fait plusieurs tentatives infructueuses avec mes doigts estropiés pour l’atteindre, puis, d’un seul coup, j’ai vu la porte s’ouvrir. J’avais réussi une des choses qui auparavant m’était impossible…»

«C’est mon vaisseau spatial, et c’est moi qui tiens les commandes…»

Et cette petite victoire est comme un déclic pour lui. Il commence à entrevoir l’avenir, et il se fixe des buts de reconquête. Il décide de montrer à lui-même et à son entourage qu’il n’a pas l’intention de sombrer dans une sous-vie, même s’il reconnaît que le combat est rude et qu’il passe parfois par des moments très difficiles.

Prenant une image en parlant de sa vie, il affirme: «C’est mon vaisseau spatial, et c’est moi qui tiens les commandes. Il y a des hauts, des bas. J’ai le choix de voir dans cette situation soit un coup dur, soit un point de départ.»

Il décide de s’accrocher à ce qu’il peut encore faire plutôt que de se lamenter sur ce qu’il a perdu.

Et animé d’un courage extraordinaire, peu à peu, il apprend à adapter sa vie à ses nouvelles possibilités, et il mène un combat constant pour regagner ce qui est possible. Il a depuis longtemps son permis de pilote, et six mois après son accident, il effectue à nouveau un vol d’avion.

Tout en souffrant, il se lance dans des projets qui pourraient paraître impossibles à réaliser. S’associant à deux amis, il crée une entreprise de fabrication de poêles à bois. L’entreprise prospère, et l’avenir s’annonce à nouveau souriant pour William, même si chaque jour demeure un combat.

Puis, le 11 novembre 1975, un peu plus de quatre années après l’accident de moto, une nouvelle épreuve surgit. Ce jour-là, le petit avion qu’il pilote s’écrase au décollage. Cette fois-ci, c’est la moelle épinière qui est touchée, 12 vertèbres thoraciques sont brisées, et William se trouve paralysé de la taille aux orteils. Pour comble de malheur, à ce moment où il aurait plus que jamais eu besoin de son épouse, celle-ci l’abandonne.

Son seul but : encourager tous ceux qui connaissent de grandes épreuves !

Devant une telle accumulation d’épreuves, beaucoup auraient sombré définitivement dans le désespoir, mais William Mitchell, après s’être demandé «ce qui lui arrivait et ce qu’il avait fait pour mériter ça», décide, encore une fois, de privilégier ce qu’il peut encore faire. Inébranlable, il travaille avec toute son énergie pour regagner le plus d’autonomie possible.

Et au lieu de se plaindre de son sort, il cherche à aider ceux qui ont connu de grandes épreuves. Il se lance dans la politique. Élu maire d’une petite ville du Colorado, il œuvre pour le bien de tous. Ses bras sont encore valides. Alors, il se met à faire du canoë, il continue à piloter des avions, il fait des études et obtient un diplôme de maîtrise en administration publique, et il lutte pour la protection de l’environnement. Il devient surtout un conférencier connu dans tout le pays et aussi à l’étranger, avec, comme seul but, d’encourager ceux qui connaissent de grandes épreuves. A plusieurs reprises il est invité à la Maison Blanche.

A tous ceux qui s’étonnent de sa vitalité, de son courage inébranlable, son message est toujours le même:

«Il y a tellement de choses qui peuvent arriver dans la vie d’un être humain, dit-il. Nous ne pouvons pas toujours contrôler ce qui nous arrive… Parfois, c’est totalement inattendu… Ce qui est le plus important, ce n’est pas ce qui nous arrive mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive.»

L’histoire de William Mitchell est racontée dans deux livres: L’homme qui ne serait pas vaincu (1993) et Ce n’est pas ce qui vous arrive, c’est ce que vous en faites (1997).

Comme un encouragement à tous ceux qui souffrent, tirant leçon de ses propres épreuves et de ses multiples combats pour les surmonter, il livre ce qui demeure pour lui le secret face à tous les aléas de l’existence:

«Avant d’être paralysé, dit-il, il y avait 10000 choses que je pouvais faire. Maintenant il y en a 9000. Je peux soit regretter les 1000 qui manquent soit me concentrer sur les 9000 restantes. Je dis aux gens que j’ai eu deux gros obstacles à surmonter dans ma vie. Si vous comprenez que j’ai choisi, moi, de ne pas tout abandonner à cause de mes épreuves, alors peut-être que certaines de vos propres difficultés vous paraîtront moins grandes. Vous devez prendre du recul, voir la situation dans son ensemble, et peut-être, alors, direz-vous: Oui, après tout, les choses ne vont pas si mal.»