Depuis quelques décennies, les énergies fossiles connaissent une augmentation soutenue de leurs prix. L’épuisement de la ressource inquiète, et les autres options sont étudiées et plébiscitées. En parallèle, la pollution générée par leur utilisation a été pointée du doigt, et la «prise de conscience écologique» exige là encore de trouver des alternatives. La solution résiderait dans les énergies renouvelables. Et parmi elles, il en est une qui, bien qu’ancestrale, semble se démarquer et trouver une seconde jeunesse: le bois-énergie !

Si l’utilisation du bois, notamment pour produire de la chaleur par sa combustion, est probablement l’une des plus anciennes énergies utilisée par l’homme, elle était plus ou moins tombée en désuétude depuis l’apparition du chauffage central au charbon, puis au pétrole, à partir de la fin du XIXe et surtout au XXe siècle.

Le bois-énergie évite l’import de 12,3 millions de tonnes de fioul !

Mais les problématiques précédemment citées lui ont rendu tout son attrait, au point qu’il est estimé qu’aujourd’hui la filière bois-énergie évite chaque année l’importation de 41 supertankers de 300 000 tonnes de pétrole chacun (soit 12,3 millions de tonnes). Cela permet de diminuer la pollution (du transport, mais aussi lors de la combustion), de réduire les dépenses énergétiques, et de créer de l’emploi local ! Cette solution semble donc avantageuse sur tous les plans, d’autant que la ressource est abondante, et renouvelable à moyen terme. En effet, la forêt et les bois couvrent 31% du territoire français. Et contrairement aux idées reçues, cette surface augmente chaque année. Ainsi, selon le Syndicat de l’Energie Renouvelable (SER), depuis 1985 la forêt croît de 85 000 ha par an.

Bien sûr, toute l’exploitation forestière ne sert pas au bois-énergie. Ainsi la priorité est donnée au bois d’œuvre (de construction) qui est le plus rare et le mieux valorisé. Mais seule une partie du bois sélectionné pour le bois d’œuvre pourra effectivement être valorisée pour cette destination. Ainsi, pour 1m3 de bois d’œuvre produit il y a 1m3 de bois-énergie valorisable. A titre d’exemple, pour un arbre donné, le tronc partira pour le bois d’œuvre, mais le houpier (les branches) ira en bois-énergie. Mais dans le tronc, il y a encore toute une partie qui sera écartée ou réduite en sciure lors des découpes… Ces déchets, ou sous-produits, pourront à leur tour être valorisés.

Une meilleure valorisation du bois…

Ainsi, selon le SER, la production de bois en France se répartit comme suit : 19400000 m3 de bois d’œuvre (soit 32%), 10500000 m3 de bois d’industrie (papier, panneaux, etc.), soit 18%, et 29600000 m3 de bois-énergie, soit 50%. Ce dernier bénéficie aussi de l’apport du bois recyclé des palettes et de certains mobiliers. Mais qu’est-ce précisément que le bois énergie ?

La filière bois-énergie se compose de 4 principaux produits: les plaquettes de bois, les granulés de bois (aussi désignés par l’appellation anglaise pellet), le bois en bûches, et les bûches condensées.

Les plaquettes sont de gros copeaux de bois calibrés. Il s’agit d’une partie du bois des coupes forestières qui n’était jusque-là pas ou peu valorisée, qui est maintenant broyée dans des conditions précises. Il s’agit des branchages, mais aussi des bois de «taillis» comme il y en a beaucoup dans les forêts et bois privés. Il peut également s’agir de bois recyclé comme les palettes, etc.

Ces plaquettes sont utilisées dans des unités de chauffe spécifiques, généralement de collectivités.

Les granulés de bois sont quant à eux composés de sciure séchée et compressée (sans additif). Ils représentent une grande avancée dans la valorisation des déchets de scierie. Ils ont l’avantage de n’avoir un taux d’humidité que de 5 à 7%, ce qui est 3 à 4 fois moins que le bois en bûches. L’avantage est alors triple : pour un volume bien plus faible, il y a un pouvoir calorifique plus fort, avec moins d’émissions polluantes et moins de résidus. Plus chers que les plaquettes forestières, les granulés sont aussi plus pratiques. Ils sont beaucoup utilisés par les particuliers dans des poêles et chaudières spécifiques.

Une filière qui crée des emplois locaux

Les bûches condensées sont conçues sur un principe proche des granulés, mais à des tailles adaptées à un poêle ou une cheminée ordinaire.

Enfin, il y a les bûches «traditionnelles» classiques. Contrairement aux autres catégories, ces dernières, de par leur simplicité, peuvent être, et sont, largement produites par des particuliers. Leur périmètre est donc beaucoup plus difficile à étudier. Cette ressource est aussi l’énergie la moins coûteuse : 4,37 cts € pour 1 kWh produit, contre 18,26 cts € pour le gaz, 27,57 cts € pour l’électricité, et 19,18 cts € pour le fioul domestique selon l’ONF (juin 2024).

En France, la filière bois-énergie représente environ 40 000 emplois directs et indirects. Soit 1 emploi pour 1 000 tonnes de bois produit. La filière bois et forêt représente quant à elle 440000 emplois selon le CNPF (Centre National de la Propriété Forestière).

Le Pays Centre Ouest Bretagne travaille d’ailleurs actuellement à la structuration de cette filière sur son territoire, ayant candidaté à un programme européen Leader, afin de bénéficier de financements, et envisage la création d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif regroupant différents acteurs.

La crise de croissance du pellet

Cette filière bois-énergie est en forte croissance. Elle représente près de 45% de l’énergie verte en France, et 70% de la production renouvelable de chaleur. La France consomme d’ailleurs l’équivalent de 9 millions de «tonnes équivalent pétrole» de bois-énergie par an. Elle produit environ 85% de sa consommation. Cette production devrait d’ailleurs être doublée d’ici 2028.

La consommation, notamment de granulés, a été largement tirée par les programmes et subventions nationales (comme Ma prime Rénov’) pour le remplacement des chaudières fioul, et par l’interdiction d’en poser de nouvelles.

Ainsi, entre 2020 et 2021 les chaudières à pellet ont augmenté de 120% (+32 000 appareils), et les poêles à pellet de 41% (+180 000 appareils) selon Propellet. Ainsi, en 2022, 1700000 foyers étaient équipés d’un système à granulés (contre 60000 en 2007) ! Et de 2017 à 2022 la consommation de granulés avait été multipliée par 5.

Cette forte augmentation est accompagnée par les producteurs, mais, en 2022, avec l’annonce d’un hiver rigoureux et les tensions internationales, la demande de pellet a dépassé l’offre, les consommateurs ayant voulu avoir du stock… Il fallut alors importer, et le cours du pellet fut multiplié par 2! L’hiver fut finalement doux, et les consommateurs ayant vu cette envolée des prix furent méfiants et installèrent beaucoup moins de systèmes à pellet en 2023 (-60%!) si bien que la demande de pellet chuta, là aussi contre toutes les prévisions, et ce fut une année difficile pour bien des producteurs (mais cela permit aussi aux prix de retrouver leur cours normal).

Une dépendance à l’électricité qui demeure…

Il convient toutefois de noter que, mis à part les «bonnes vieilles bûches de bois», tous les autres systèmes de chauffage au bois-énergie restent dépendants de l’électricité pour leur fonctionnement. C’est-à-dire qu’à moins d’avoir une génératrice personnelle d’électricité, en cas de coupure de courant, ces systèmes seront à l’arrêt. C’est alors que le poêle ou la cheminée traditionnelle prennent leur revanche: bien qu’ils exigent plus de travail et soient plus contraignants, ils sont les seuls à permettre une autonomie totale !

Guillaume Keller