C’est un parcours bien singulier que celui d’Anton Panov. Né il y a bientôt soixante ans à Saint-Pétersbourg, en Union Soviétique, il rêvait dans son enfance d’aller voir au-delà de l’horizon pour découvrir d’autres paysages et franchir les frontières alors très hermétiques du «Rideau de fer».

Puis adolescent, il observe, fasciné, évoluer des navires à voile et devient cadet de marine, bien que ce ne soit pas sans risque. Ainsi, lors d’une tempête, l’un des deux navires sombre. Ils réussissent à sauver quasiment tout l’équipage, mais pas les vivres, si bien qu’ils attendent plusieurs jours les secours sur un îlot inhabité, presque sans manger…

Quelques années plus tard, il obtient son brevet de capitaine de marine marchande et navigue d’abord sur un bateau-école, un trois-mâts de 95 mètres de long, puis devient second à bord de cargos qui sillonnent toutes les mers du monde.

En 1994, à Saint-Pétersbourg, quelques bénévoles entament la reconstruction d’une frégate de 1702, le Shtandart. Anton les rejoint et en 1999, c’est le lancement du navire. Lors des fêtes maritimes Brest 2000, où ils sont invités, il rencontre une journaliste française. Ils se marient en 2004 et construisent de leurs mains une maison en bois à Locmaria-Berrien. «On aimait la mer, donc la Bretagne était parfaite pour cela, et le prix du terrain vraiment abordable ici».

Vingt ans plus tard, Anton est toujours là: il n’est plus marin mais charpentier. «La reconversion a été facile, car j’avais beaucoup appris lors de la construction du Shtandart. De capitaine en second, je suis devenu ouvrier: impensable en Russie, mais je ne voulais pas devenir chef, donc ça m’allait très bien!»

En 2010, il participe aussi à une expédition organisée par le voyagiste Salaün: 15000 km et 40 jours pour relier Brest à Vladivostok en 4×4. «En Sibérie, la route venait d’être faite sur un terrain marécageux: sur 300 km, l’asphalte faisait des vagues d’un mètre!» se souvient-il.

Il garde la nostalgie de son pays natal et perpétue des traditions culinaires ainsi que l’usage du russe avec son fils adolescent. Le ski de fond et la neige lui manquent aussi. «Par contre, on supporte moins bien le froid humide des hivers bretons que -20°C à Moscou!» sourit-il. Il espère revenir un jour en Russie pour revoir sa famille et les vastes étendues sauvages qui le font toujours rêver.