« Notre art encourage les visiteurs à voir les objets du quotidien sous un jour nouveau», expliquait il y a quelques semaines la directrice du musée LAM de Lisse, situé dans l’ouest des Pays-Bas. Pour cela, les œuvres sont exposées dans des endroits inattendus, afin de mieux surprendre le visiteur, «d’amplifier son expérience et de le tenir en haleine». Pourtant, malgré toute son originalité notamment dans sa mise en scène, il semblerait que cet art dit contemporain ne soit pas toujours perçu ni compris par tous.
Ainsi, récemment, l’œuvre intitulée All the good times we spent together (en français: tous les bons moments passés ensemble) a disparu de son emplacement. Relativement bien visible, elle était exposée dans la cage d’ascenseur en verre de l’établissement, juste au-dessus de la vitre supérieure. Constatant l’étrange disparition, la conservatrice s’est lancée dans une méticuleuse recherche qui l’a conduite jusqu’à… un sac poubelle, prêt à être jeté.
En effet, quelque temps plus tôt, un technicien chargé de la maintenance de l’ascenseur l’avait prise pour un déchet abandonné et l’avait mise à la poubelle. Plutôt insolite, cette «œuvre d’art» est constituée tout simplement de deux canettes de bière vides, dont l’une d’entre elles est légèrement cabossée. Ce jour-là, le technicien remplaçait son collègue qui intervenait d’ordinaire et ignorait donc leur origine. Peintes à la main en 1988 par l’artiste français Alexandre Lavet, elles étaient censées notamment «symboliser des souvenirs précieux partagés avec des amis chers».
Si le musée déclarait ne garder aucune rancune à l’égard du technicien, «l’œuvre» qui a échappé de justesse au recyclage, est toutefois exposée désormais à un endroit plus sécurisé afin qu’un tel incident ne se reproduise plus.
Notons qu’avant d’envisager une telle précaution, c’est bien la véritable valeur artistique de chaque création qu’il faudrait certainement questionner. En effet, bien que cette appréciation soit souvent sujette à la subjectivité, une certaine excentricité est trop souvent à déplorer. Alors que le beau et l’harmonieux semblent progressivement s’estomper, il convient de rappeler que tout ce qu’on appelle œuvre d’art ne l’est pas et qu’il faut, en ce domaine là aussi, savoir raison garder.
J.G.