«En rentrant de mission, l’exercice est compliqué de revenir « les pieds sur terre » parce que l’on a vécu des choses extraordinaires et émotionnellement tellement fortes avec les gens que l’on a pu filmer dans des situations vraiment difficiles, que ce soit en reportage ou en divertissement… C’est passionnant et à ce point puissant que l’on en ressent parfois des décharges d’adrénaline! Il est difficile lorsqu’on rentre à la maison, de réussir à gérer ces espèces de « montagnes russes émotionnelles »!»

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Lionel est certainement moins connu à Carhaix que son père, le docteur Jean-Yvon Roudaut, cardiologue aussi compétent que dévoué, tellement apprécié dans la région.

Il est vrai que les habitants de la capitale du Poher n’ont plus souvent eu l’occasion de le croiser depuis qu’il a choisi tout jeune d’embrasser cette carrière professionnelle peu commune de cameraman qui, répondant à son goût de l’aventure et sa soif d’horizons lointains, l’a mené sous d’autres cieux… A la lecture de ces lignes, plusieurs se souviendront cependant de ce bon copain sur les bancs de l’école à Carhaix ou au groupe scout « Ar Menez » au sein duquel –il a plaisir à le rappeler– il était chef de patrouille des Hermines, totémisé Renard…

Que de chemins aux multiples destinations parcourus depuis lors!

Ce solide Breton, discret et sympathique, a retracé pour nous les temps forts de son parcours atypique mais aussi révélé un peu de la face cachée des tournages. Un riche moment de partage, empreint de la sincérité et la passion qui l’habitent, là où il est si heureux de pouvoir venir poser ses valises et se ressourcer entre deux missions, dans la petite cité tranquille que lui et son épouse Blandine ont choisie comme cadre de vie pour leur famille, à mi-route de Lorient et Quimperlé, non loin de la côte…

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  • Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Je suis avant tout breton par mes origines puisque je suis né à Morlaix et que j’ai vécu la plus grande partie de mon enfance et de ma jeunesse à Carhaix, interne en semaine à Chateaulin pour le collège et le lycée puis étudiant en droit à l’Université de Brest jusqu’en licence.

Au cours de cette troisième année, je me suis vraiment rendu compte que les études de droit ne me convenaient pas. Je m’y ennuyais, il y avait à mon goût trop peu de libre arbitre dans ce que j’apprenais…

De plus, j’aimais beaucoup la Bretagne que je trouvais être un très beau pays (la preuve, j’y suis revenu!) mais je ne voulais pas y rester figé, j’avais envie de “bouger”, de découvrir le monde…

Et en fait, j’ai toujours rêvé de faire du documentaire animalier, ce qui n’a absolument rien à voir évidemment! (Je n’y suis pas tout à fait, même s’il m’arrive fréquemment de côtoyer le monde animal durant mes tournages.)

Abandonnant le droit et ces études –qui finalement me seront, et me sont d’ailleurs encore utiles aujourd’hui– je suis parti à Paris faire une école de journalisme, l’EICAR (École internationale de création audiovisuelle et de réalisation). C’était avant tout pour moi l’occasion d’entrer dans ce milieu, de mettre le pied à l’étrier.

J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens et d’être rapidement lancé dans la carrière étant recruté en tant que journaliste-reporter d’images par une télévision locale.

C’est aussi à ce moment-là que j’ai rencontré celle qui est devenue mon épouse. Je suis donc marié et père de deux garçons…

  • Qu’est ce qui vous a poussé vers le métier de journaliste reporter d’images ?

Comment cette carrière a-t-elle débuté pour vous ?

C’est donc dans cette télévision locale, Télésonne, que j’ai fait mes premières armes.

J’y ai travaillé de 2000 à 2011. Ces années m’ont vraiment permis de toucher à tout ce qu’il y avait dans le milieu du journalisme.

Le métier de journaliste-reporter d’images, ne s’apprend pas en école, il se construit toute une vie… Quand j’ai commencé à l’époque, c’était les prémices de ce métier. Plutôt que d’avoir un journaliste rédacteur, un cameraman puis un monteur, l’on mettait tout dans le même poste. Il fallait être capable de rédiger le reportage, de le monter et de le tourner bien sûr.

L’on pouvait se retrouver dans une configuration –je pense que cela existe encore pour des chaînes d’infos classiques comme BFM– où vous êtes seul à tout faire. C’est très intéressant parce que cela vous permet de découvrir chaque facette du travail et de vous rendre compte de ce que vous préférez faire…

J’ai eu ma première carte de presse en 2003.

J’ai pu travailler en binôme avec un journaliste, Laurent Savariaud qui assurait le côté rédactionnel, tandis que je préférais le côté cadre, caméra et la composition de l’image avec le sens artistique…

La manière dont on raconte les choses par l’image est le propre de la télévision, sinon on fait de la radio!

Travailler ainsi quand on est jeune permet de structurer son esprit dans le fait d’être synthétique, d’aller au plus précis. Et c’est ce qui est passionnant en actualité! Cela permet aussi d’acquérir des connaissances et de rencontrer du monde dans le milieu de la télévision… Mais je pense qu’après, il est bon d’évoluer, de passer à autre chose…

J’ai eu la chance de pouvoir déjà réaliser des reportages et des documentaires. (Aujourd’hui ce n’est plus possible pour les chaînes locales, elles peinent à survivre, mis à part quelques-unes comme Tébéo qui est subventionnée par le Télégramme. Le matériel coûte une fortune, la masse salariale pèse aussi…)

En 2005, nous sommes partis au Mali accompagner des pompiers de l’Essonne –colonel, lieutenant-colonel et tous les grades– pour emmener du matériel.

Partis jusqu’au cercle de Douentza, nous avons traversé tout le Sénégal avant de remonter sur le côté nord-est du Mali, découvrant des endroits comme la falaise de Bandiagara au beau milieu du désert dans le pays Dogon, des paysages absolument fabuleux, difficiles à décrire… Il serait absolument impossible pour un Français de s’y rendre maintenant, il se ferait enlever!

Pour l’anecdote, quand là-bas nous roulions à une certaine allure sur les pistes de latérite et que j’essayais d’établir par téléphone satellite une communication avec mon épouse qui était enceinte de notre premier garçon dont la naissance semblait se préciser, le lieutenant-colonel à bord avec nous a pris le téléphone pour l’exhorter à bien vouloir patienter! Je suis rentré en France le 9 mars, il est né le 15!

C’était mon premier grand voyage… il m’a vraiment marqué!

Une autre expérience, tout à fait différente, dans les camps d’extermination d’Auschwitz, Birkenau et Maïdanek a été très marquante également…

Télésonne était une télé locale, mais elle nous faisait confiance, nous pouvions ainsi partir sur des tournages… Difficile de revenir à autre chose quand on y a goûté!

J’ai pu y faire aussi l’expérience du plateau: cette chaîne proposait des émissions directes. Je faisais des chroniques scientifiques, une façon de se mettre un peu en danger soi-même face aux caméras… J’ai également aimé cet aspect.

Patrice Arditi, longtemps journaliste sur Canal+, est venu quelques années renforcer l’équipe. Il avait une grande expérience de la présentation, de l’information, j’ai beaucoup appris de lui.

  • Vous avez par la suite choisi d’exercer en free-lance, pourquoi? Est-ce compliqué de trouver des contrats?

Des collègues qui travaillaient en national notamment pour des émissions que l’on appelle de divertissement, m’ont incité à les rejoindre.

C’était très tentant, mais il me fallait quitter la sécurité financière du CDI et le salaire qu’il assure à chaque fin de mois pour une gestion tout à fait différente, reposant sur les contrats et un statut d’intermittent du spectacle…

J’ai continué à faire du reportage mais plus pour des sujets comme Capital, Enquêtes exclusives, 66 min, Zone Interdite… Dans le même temps, j’ai commencé à travailler pour des émissions dites de « divertissement » principalement sur des programmes diffusés par M6, TF1 ou France Télé, de nombreuses émissions de cuisine très connues comme « Le Meilleur Pâtissier » et « Top Chef », des émissions sur l’immobilier comme « Chasseurs d’appart » ou « Bienvenue chez nous » mais aussi sur des émissions d’aventure comme « Koh-Lanta », « Garde à vous » ou encore « Wild »…

Et pour chaque type d’émission les conditions et/ou la manière de filmer peuvent être différentes, il peut s’agir « d’énormes machines » avec parfois probablement près d’une centaine de personnes présentes, une douzaine voire une vingtaine de cameramen.

On ne participe pas forcément aux mêmes émissions chaque année, cela dépend des appels que l’on reçoit des productions mais aussi tout simplement de notre planning. Il y a des périodes très chargées d’avril à fin juillet, puis de septembre à mi-novembre, on ne peut donc pas participer à tous les projets, il faut parfois faire des choix et ce n’est jamais facile mais avec les années, on se crée de plus en plus de contacts, de réalisateurs notamment. Il est extrêmement rare que l’on vous demande un CV pour intégrer une émission.

Ce sont bien souvent les réalisateurs qui choisissent les équipes avec lesquelles ils travaillent. Plus on en connaît, plus on a de chance d’être contacté pour des contrats. Une fois qu’ils vous connaissent et qu’ils ont confiance en vous, c’est parti: ils peuvent vous appeler pour toutes les émissions qu’ils auront à faire!

Les premières années peuvent être difficiles mais si vous êtes tenace, le métier vous le rendra bien!

Quand vous vous retrouvez à être appelé par des productions qui aimeraient vous avoir sur leur programme parce qu’un réalisateur leur a donné votre nom, il vous faut voir si les conditions vous intéressent, si les dates correspondent à votre agenda…

L’an dernier, je suis parti un mois à Malaga, dans le sud de l’Espagne. A peine rentré à Paris, je repartais le lendemain aux Philippines pour un mois et demi!

Sur l’année, à enchaîner les émissions, j’ai dû être parti 8 mois!

  • Quelle est généralement la composition d’une équipe de tournage, et en quoi consiste plus particulièrement votre rôle dans cette équipe?

Cela dépend du type de tournage.

Aujourd’hui, en reportage, les équipes sont réduites à une rédactrice – ou un rédacteur – et un cadreur – ou une cadreuse. Il n’y a bien souvent plus d’ingénieur du son puisque l’on peut mettre deux ou trois micros directement sur les caméras.

Au grand dam de nos collègues « ingé son » car cela réduit leur présence en reportage et nous oblige en tant que cadreur à plus d’attention alors que ce n’est pas notre travail premier… Il s’agit en réalité plus d’une question de budget pour les productions, qu’autre chose.

En amont, vous avez la partie préparation par la rédactrice –ou le rédacteur– qui construit le sujet, élabore le canevas, réalise un travail d’enquête et de recherche de lieux, de personnages…

Mais vous avez également le travail de la production pour la location du matériel, des véhicules, la réservation des hôtels, des restaurants, etc.: toute la partie logistique et contractuelle de la vente du sujet à un diffuseur, une chaîne de télé (comme cela a été fait pour le reportage sur le wokisme et la Cancel Culture que nous sommes allés tourner aux États-Unis…)

En reportage, il s’agit donc plutôt de petites configurations alors que sur les plus gros tournages, c’est encore plus structuré et plus hiérarchisé avec une multitude de postes très spécifiques.

Pour les grosses équipes de tournage de « divertissement », on peut faire partir 40, 60 personnes, voire plus, sur un même vol et il faut que toutes arrivent au même moment, au même endroit, c’est assez compliqué à organiser.

Je me rappelle avoir attendu plus de 6 heures dans un avion au départ pour Singapour (où nous devions faire escale) avant d’entendre le pilote nous demander de descendre parce qu’un voyant rouge ne cessait de s’allumer… Finalement, nous avons passé la nuit à l’hôtel.

Le soir même, l’équipe de production avait dû retrouver des vols pour le lendemain. Certains sont passés par Tokyo, d’autres par Los Angeles, d’autres encore par Hong-Kong, sachant que notre destination finale se trouvait aux Îles Fidji, à l’autre bout du monde!

Sur certains programmes, notamment à l’étranger, il nous arrive d’être comme au cœur d’un véritable village où nous pouvons être près d’une centaine de Français à travailler avec autant de collaborateurs locaux.

A chacun son job et sa spécialité, on peut tout à fait croiser un médecin-urgentiste, un plongeur-scaphandrier, une artiste peintre, un pilote d’hélico, un sculpteur sur bois et … un cameraman évidemment: une vraie fourmilière!

Il y a bien sûr de nombreuses choses que je ne peux pas dévoiler, à cause d’une certaine culture du secret et c’est d’ailleurs aussi ce qui permet de conserver cette part de «magie»…

Mais lorsque vous partez en bateau en plein Pacifique, aux premières lueurs de l’aurore, avec votre paquetage caméra et votre sac étanche sur le dos, que le ciel se teinte de rose, de violet alors que vous filez sur l’eau en observant les poissons-volants décoller à vos côtés, vous vous dites: “Je vais travailler!”, c’est merveilleux!

Dans notre métier, nous avons toujours tendance à montrer ce qui est beau, ce qui est fantastique… et à occulter le côté difficile du travail!

  • Vous semblez avoir orienté votre carrière vers l’international, est-ce par «hasard» ou poussé par un certain «goût de l’aventure»?

Le goût de l’aventure: ce sont mes années de scoutisme! Cela m’est resté! J’étais chef de patrouille chez les Hermines… Cela m’a construit. J’y ai passé une dizaine d’années superbes qui m’ont marqué.

C’est vivre ensemble, travailler en équipe… C’est aussi se sentir à l’aise dans la nature, se déplacer avec facilité sans appréhender le fait de dormir dans un hamac, au beau milieu de la savane, de faire du feu… C’est quelque chose d’exceptionnel ! L’on est souvent détaché de tout cela dans nos vies maintenant, le monde fait que l’on est davantage confronté à autre chose…

Beaucoup de gens n’auront pas cette chance de vivre cela, le fait de pouvoir le refaire en reportage me passionne !

Et filmer sous des pluies tropicales, marcher au milieu des oursins ou des méduses-boîtes avec ma caméra me fait toujours autant plaisir !

  • Avez-vous été –ou êtes-vous– tenté d’investir d’autres domaines comme le cinéma ou autre?

La télé et la fiction sont deux mondes qui ne se connaissent pas trop. En fait, ce sont deux mondes à part, complètement différents et entre lesquels il n’y a pas vraiment de passerelles. (Il arrive cependant que certains cadreurs passent de l’un à l’autre…)

Personnellement, je n’ai jamais fait de court-métrage. La fiction n’est pas ce qui me plaît, parce que ce qui me plaît, c’est justement au contraire, d’aller à la rencontre des gens, de filmer la “vraie vie”…

  • Quel genre de reportage ou d’événement aimez-vous particulièrement couvrir?

C’est difficile comme question, parce que c’est tellement varié!

Il est sûr que j’aime particulièrement être dans la nature… en découvrir les merveilles et les curiosités à l’étranger.

Mais parfois aussi des choses plus anodines qui peuvent être juste là, en France: des paysages tout à fait bluffants…, des personnes également, des situations. J’ai fait beaucoup de reportages sociétaux poignants; découvrir la misère humaine, la côtoyer et réussir à en parler, à transmettre… C’est touchant!

Chaque reportage a un côté passionnant et enrichissant!

  • Des pays que vous avez ainsi pu visiter lequel ou lesquels ont votre préférence?

Parmi les nombreux lieux traversés lors de mes voyages, il m’est difficile de choisir ou hiérarchiser, car comme je le disais pour les différents types de reportages, chaque destination apporte un enrichissement différent!

Du coucher du soleil sur Venice Beach (Los Angeles) à Time Square (New-York) où il fait jour en pleine nuit, des falaises de Bandiagara du Pays Dogon (Mali) au thé chaud partagé avec les Touaregs dans le Sud du Maroc, de l’immensité de la savane du Botswana aux splendeurs des lagons tahïtiens ou fidjiens, des rooftops hauts perchés des buildings de Hong-Kong aux sanctuaires de chauve-souris aux Philippines, des cénotes mexicaines aux «pains de sucre» du sud de la Thaïlande… Autant de paysages à couper le souffle et de rencontres d’une profondeur incroyable, entre lesquels il est difficile d’établir une préférence!

D’autant plus que l’accueil réservé, la gentillesse des personnes côtoyées entrent aussi en ligne de compte. Cet aspect m’a particulièrement touché à l’île Maurice, en Thaïlande comme aux Fidji…

  • Quelle est la personne qui vous a le plus impressionné, ou marqué, ou déplu… en toutes ces années de voyages et de rencontres?

Question tout aussi difficile!

S’il faut n’en citer qu’un… Je dirais… Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue, universitaire à Paris-Saclay. Il a voyagé à travers le monde et fait de nombreuses émissions avec un don pour expliquer tellement simplement ses découvertes scientifiques que déjà tout jeune je l’admirais. Et il n’est pas pour rien dans mon désir de voyager pour découvrir le monde!

J’ai eu par la suite la chance de travailler avec lui dans ses laboratoires à Paris et sur des plateaux de télévision, et sa simplicité, sa gentillesse m’ont profondément impressionné. Je trouvais passionnant ce qu’il réalisait, avec un niveau technique tellement élevé, tout en réussissant à garder cette grande humilité!

Nous sommes restés en contact et quand je vais aux Philippines, le second aéroport local dans lequel l’on s’arrête se trouve au pied du Mayon, volcan qui a la particularité d’être un des seuls à avoir un dôme parfait. Je lui en ai envoyé quelques photos, notamment celles qu’a prises au drone mon collègue télé-pilote…

  • Vous avez aussi tourné des images de missions humanitaires. Quels souvenirs vous ont-elles laissés? Ressent-on les choses différemment en couvrant ces missions, ou est-ce que la «technique» absorbe trop pour voir une différence?

La technique absorbe, c’est certain.

Mais au fur et à mesure des années, en la maîtrisant de mieux en mieux, on arrive à s’en départir pour s’intéresser davantage et quasi uniquement, aux personnes que l’on filme, à la richesse de ces gens. Que ce soit au Botswana, au Mali, aux Fidji… mais aussi en France dans des reportages sociétaux assez durs sur des personnes qui sont dans le plus grand désarroi, aux Tarterêts, parce qu’elles se font expulser de leur logement, ou d’autres qui sont tombées dans la drogue et que l’on essaye d’accompagner…

Si l’on n’est pas capable de poser un moment la caméra pour partager des instants de vie et s’imprégner des personnes que l’on va côtoyer chez elles souvent, cela n’a aucun sens!

Et c’est, je pense, primordial pour du bon journalisme.

Il faut en faire l’effort, même si c’est parfois sur un court laps de temps!

Je me souviens d’un bivouac que nous faisions au Mali avec nos camions, allongés sur des bâches en plein désert à regarder les étoiles… Un des guides locaux m’expliquait ce que nous voyions –comme nous ne pourrions pas le voir ici car dans le désert la pollution lumineuse n’existe pas– il le faisait selon sa propre culture, avec un autre rapport à la nature. Il n’était pas question des constellations telles que nous les percevons… C’était passionnant!

Essayer de vivre au maximum le quotidien de ces personnes pour mieux comprendre…

Une autre fois, nous nous trouvions avec mon collègue journaliste dans une famille: l’eau y était dans un puits, avec un seau, une corde. Pour en puiser, j’ai fait glisser le seau… sans retenir la corde que je croyais attachée: il a disparu avec elle au fond du puits, sous les éclats de rire des enfants qui assistaient à la scène! Ce sont eux qui se sont faufilés dans le puits étroit pour les récupérer: vu ma corpulence, j’en étais bien incapable!

Une belle leçon… Le ridicule ne tue pas!

  • Sur les 30 dernières années, les techniques de prise d’image et de son ont énormément évolué, que ce soit le passage au numérique ou la miniaturisation de l’équipement, etc. Quels ont été les principaux impacts sur votre métier?

Il est clair que le matériel a beaucoup évolué.

Grâce au numérique, toute la chaîne de production a gagné en efficacité et en qualité.

Nous sommes passés d’une image 4/3 à faible résolution à une image 16/9e en ultra haute définition, 4K voire 8K pour certaines caméras à présent…

Les caméras de reportage se sont miniaturisées avec les caméscopes de poing et les boîtiers photos (Sony Alpha 7s ou Canon 5D), ce qui les rend bien plus pratiques en petites équipes notamment et avec les années, la qualité d’image est exponentielle!

Nous conservons tout de même des caméras épaules pour de nombreux programmes, notamment pour leur côté pratique en tournage multi-caméras.

Les stabilisateurs (type Ronin), les « action-cam » (type GoPro) et les drones se sont développés à une vitesse incroyable et à des prix de plus en plus abordables en raison d’une féroce compétition entre les constructeurs.

Ces nouveaux outils sont à présent indispensables à tous types de tournage.

  • Toutes ces évolutions n’ont-elles été que positives, ou regrettez-vous certains aspects ou certains matériels qui faisaient votre quotidien à vos débuts?

Il est fréquent d’entendre que nos caméras d’épaule pèsent 12kg, en fait ce serait plutôt entre 8 et 10 kg selon ce que l’on greffe dessus: la batterie, la lumière d’appoint (que l’on appelle une minette), le ou les récepteurs audio de micro-hf, parfois un transmetteur vidéo pour que le réalisateur puisse voir notre image en direct.

Il y a tout un tas d’accessoires possibles selon le programme…

Mais le poids de cette caméra d’épaule disparaît presque quand on est dans l’action!

Aux Fidji ou aux Phillipines, la caméra s’accroche partout en forêt; comme j’ai tendance à passer tout droit, sur le terrain on m’appelle le sanglier!

Les nouvelles caméras de reportages sont plus légères, plus faciles à emporter et les petites « action-cam » nous permettent aussi de filmer des scènes que nous n’aurions pas pu tourner avant, d’avoir des images de plus en plus «embarquées», époustouflantes… tout comme les drones! J’ai d’ailleurs passé mon brevet assez tôt, en 2015…

Cependant, au moment de tourner, je suis plus réactif avec les grosses caméras, elles sont pratiques: plus stables, plus robustes… On peut y passer des heures! (A condition d’avoir une bonne housse sous les pluies tropicales! Quant à moi, j’ai cessé d’essayer toutes sortes d’imperméables ou ponchos: cela ne sert à rien! Il fait chaud, vous êtes de toute façon autant trempé à l’intérieur qu’à l’extérieur!)

  • Couvrir ces émissions d’aventure comme vous le faites maintenant se révèle-t-il aussi exigeant pour l’équipe technique? Les conditions de vie et de travail sont-elles alors difficiles?

Oui, il faut une bonne condition physique pour ne pas subir!

Je me souviens qu’en rentrant de tournage sur « Wild, la course de survie » au Botswana, je m’étais promis de me remettre davantage à la course à pied: j’avais vécu des phases un peu compliquées, notamment à cause d’un problème de ravitaillement en eau, nous avions dû en filtrer avec nos T-shirts…

On ne peut pas partir sans un minimum de cardio… pour certains tournages, j’ai dû aller passer des tests d’effort à Paris. Et une autre fois avec mon papa, le docteur Jean-Yvon Roudaut, à l’hôpital de Carhaix: c’était d’ailleurs lui le premier à être rassuré, tant mieux!

S’entretenir fait partie du travail, techniquement, nous sommes obligés de le faire.

Mais, étonnamment, et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il est parfois plus facile de se faire mal au dos sur un programme de cuisine –en restant presque statique face au candidat filmé durant 4 heures, caméra sur l’épaule– que sur un programme d’aventure où l’on se retrouve bien plus en mouvement… La comparaison s’arrêtant cependant là, car le reste des risques est bien différent!

Quoi qu’il en soit, c’est quand même une profession très difficile physiquement et psychologiquement…

  • Les risques du métier tel que vous le pratiquez en parcourant le monde avec votre caméra, sont multiples et variés…

C’est vrai que la sécurité est une notion importante dans notre métier, sur certains programmes nous partons d’ailleurs avec toute une équipe médicale: médecin-urgentiste, infirmières-anesthésistes voire hélicoptère pour évacuation sanitaire… Nous sommes généralement vraiment bien encadrés.

Tournant souvent en extérieur, nous sommes exposés aux éléments, aux aléas naturels.

L’on peut se retrouver à tourner sur une plage sous l’orage et sous une pluie battante, pour cela il y a des protocoles et des comportements adaptés… C’est aussi parfois du simple bon sens: en évitant par exemple les endroits et situations où nous risquerions de servir nous-mêmes de paratonnerre!

Nous pouvons aussi être dans des zones exposées aux risques sismiques, côté Pacifique ou Océan Indien en particulier, là aussi des protocoles spécifiques sont mis en place par les productions concernant notamment la conduite à tenir en cas d’alerte tsunami. Des « safety zones » sont déterminées et balisées pour nous permettre de nous mettre en sécurité si cela venait à se produire…

Mais le risque peut aussi être bien plus anodin comme des chutes de noix de coco! Cela peut faire sourire au premier abord mais lorsque vous entendez l’une d’elles toucher le sol après une chute de 6 ou 7 mètres, vous comprenez pourquoi il vaut mieux ne pas se trouver en dessous!

Et il n’est pas nécessaire de faire des milliers de kilomètres pour être confronté aux risques: rien que des rochers mouillés ou recouverts d’algues peuvent être particulièrement problématiques lorsque vous suivez une personne avec la caméra sur l’épaule et l’œil dans le viseur.

Je me suis ainsi déjà retrouvé à plat dos, en un quart de seconde, dans le lit d’une rivière que je traversais sur des pierres plates recouvertes de lichen… manque d’attention ou excès de confiance? La caméra avait aussi peu que moi apprécié l’exercice! Heureusement qu’il s’agissait d’eau douce. Les composants électroniques et l’eau ne font pas bon ménage… et encore moins –à cause du sel– s’il s’agit d’eau de mer!  

Il y a aussi la faune et la flore exotiques auxquelles nous pouvons être confrontés, on pense évidemment aux serpents, aux araignées, mais il y a aussi les scolopendres, les poissons-pierres, les oursins, les coraux coupants comme des rasoirs et dans un tout autre registre de plus gros animaux comme les éléphants, etc.

En forêt tropicale, certaines petites guêpes noires ont la particularité d’attendre patiemment sous les feuilles de petits arbustes que vous ayez le malheur de passer trop près: cela peut vous valoir de méchantes piqûres… et là impossible d’anticiper le risque!

Côté flore aussi, certaines plantes développent des stratagèmes pour se prémunir des agresseurs, comme ces jolis arbustes dans la savane au Botswana dont les feuilles sont garnies de sortes de harpons microscopiques. Lorsqu’ils se plantent dans votre joue, vous regrettez vivement de ne pas avoir pris 30 secondes pour faire un détour, car c’est deux bonnes minutes que vous allez perdre à essayer de les retirer de votre visage, sans parler de la douleur!

Certains arbres que l’on retrouve par exemple aux Philippines, sécrètent une sève noire assez épaisse et particulièrement corrosive. Si vous en avez sur les doigts et que vous vous frottez les yeux, cette sève peut provoquer des lésions allant jusqu’à la cécité!

En plus de ces risques dits naturels, il y en a de tout autre type que l’on peut retrouver dans tous les milieux…

Lorsque, par exemple, l’on précède une personne ou un troupeau de moutons en les filmant –ce que j’ai eu l’occasion de faire lors d’une transhumance– il n’est pas aisé de monter les pentes à reculons sur plusieurs kilomètres: il vous faut évoluer en marche arrière, en étant « focus », concentré sur la situation que vous filmez, un œil dans l’œilleton et l’autre ouvert pour voir ce qu’il se passe en dehors…

L’on doit ainsi, au fil des années apprendre à anticiper les déplacements selon le terrain, tout en obtenant une image exploitable sinon c’est inutile!

Il faut faire attention de ne pas aller parfois trop loin… Marius, ancien instructeur des commandos Marine, rencontré lors des tournages de « Garde à vous » pour M6, employait une formule choc pour mettre en garde les « recrues » que nous filmions sur des limites à ne pas dépasser: « Si tu tombes, c’est la chute; si tu chutes, c’est la tombe! » 

En tournage, il peut nous arriver d’être comme absorbé par un instant grisant.

Lorsque vous avez l’œil dans le viseur, que l’image est « magique » et le moment intense, les notions de vitesse, de distance peuvent être altérées et la prise de risque mal évaluée…

Avec l’expérience, on apprend à s’en prémunir, en ne cédant pas à la tentation de vouloir toujours faire plus… faire mieux.

Il faut trouver la juste limite en se rappelant, comme me le dit souvent mon épouse, qu’en cela aussi « le mieux peut être l’ennemi du bien »…

  • Certaines de vos missions se sont-elles révélées particulièrement périlleuses, vous êtes-vous parfois senti en danger?

M’être senti vraiment en danger, c’est difficile à dire… parce que d’une part, comme je l’ai expliqué, dès que l’on est derrière une caméra l’on ne se rend plus vraiment compte… et d’autre part –s’il est vrai que nous nous trouvons parfois dans des situations un peu délicates– tout est bien cadré. Je ne suis pas une tête brûlée, je fais attention et je pars accompagné de personnes avec lesquelles je me sens en sécurité.

Il m’est cependant bien sûr arrivé plusieurs fois de me blesser et cela aurait pu être pire…

Il y a un an et demi, j’ai été rapatrié et hospitalisé en Thaïlande à cause d’une infection virulente due à un “streptocoque mangeur de chair” au niveau du pied suite à une morsure ou une piqûre. J’y ai d’ailleurs été très agréablement surpris par la qualité des soins reçus… Quand je m’en suis sorti, le chirurgien a cependant avoué qu’il était satisfait que ce soit sur mes deux pieds!

Ce sont parfois des situations qui peuvent paraître anodines qui sont en fait les plus dangereuses, comme suivre une course de vélos sur une moto…

Il m’est aussi arrivé de filmer en rappel avec la caméra sur le dos, en paramoteur, en montgolfière –on a l’impression d’être suspendu dans les airs–, en hélicoptère, juste retenu par la ceinture, le corps à l’extérieur… c’est vrai que c’est assez déroutant, surtout quand vous êtes au-dessus d’une course de voitures et que l’hélicoptère commence à prendre de plus en plus de gîte!

C’est impressionnant mais en fait à aucun moment je ne me suis senti en danger… C’est peut-être une mauvaise réaction, je ne sais pas si la peur protège?

  • Auriez-vous, tirées de votre expérience, quelques situations précises ou anecdotes à évoquer ?

Au Botswana, juste à la frontière avec le Zimbabwe, alors que nous étions partis dans le cadre de l’émission «Wild», pour 3 jours de trek dans la savane, au détour d’un buisson un éléphant mâle a surgi face à nous! Sa tête passait au dessus des arbustes, il battait des oreilles montrant qu’il était prêt à charger… je suis resté figé avec ma caméra! (Avant le départ l’on nous avait mis en garde sur le danger de nous trouver sur un couloir d’éléphants…) L’expert en survie qui m’accompagnait m’a alors saisi par le sac à dos me demandant de reculer tout doucement… Et nous sommes très discrètement passés derrière un autre bosquet. Je ne savais même plus si je filmais ou pas à ce moment-là, tellement j’étais impressionné!

J’ai dû attendre de rentrer au camp le lendemain pour regarder les rushes: réflexe technique, en fait, ça tournait! De superbes images qui sont par la suite passées dans le générique de l’émission…

Il n’y a pas si longtemps que cela aussi, alors que je suivais quelqu’un dans une forêt, je sens tout à coup quelque chose qui me passe au-dessus de la tête. Je me dis que la personne devant moi n’a pas touché cette branche, et moi non plus… alors comment se fait-il qu’il y ait quelque chose qui bouge juste là à 20 centimètres? Je me retourne: c’était un serpent arboricole! Quand on se déplace dans des forêts tropicales ou dans la savane, on sait pertinemment que la confrontation au serpent nous guette… Et quand vous vous trouvez à 5 heures de route à pied de tout village, mieux vaut ne pas trop y penser pour continuer à avancer!

Dans un tout autre registre, en fin 2019, nous étions en tournage à Hong-Kong en plein mouvement de contestation pro-démocratique. Dans les rues, nous assistions à de véritables scènes de guérilla avec des affrontements extrêmement violents entre les forces de l’ordre qui pouvaient riposter à balles réelles sur les foules de manifestants qui eux tiraient avec des arcs et des flèches…

Un soir, un collègue et moi, alors que nous sortions d’un immeuble sur Nathan Road, une grande rue commerçante en plein cœur de la ville, nous sommes tombés nez-à-nez avec des dizaines de manifestants encagoulés, tout de noir vêtus, ils affluaient des petites rues adjacentes délogeant les pavés pour en faire des tas sur la route et des projectiles… Nous savions que nous n’avions rien à craindre de leur part, mais en même temps, que dans les minutes à venir l’endroit allait devenir vraiment dangereux!

Nous nous sommes empressés de remonter à contre-courant la rue, toutes les stations de métro étaient fermées… Là, j’avoue que nous n’en menions vraiment pas large du tout!

Et sans aller si loin, quand nous tournions en France un reportage sur les policiers en service dans certains quartiers, il pleuvait sur eux –et sur nous en l’occurrence– des boules de pétanque, parmi d’autres projectiles plus dangereux encore, parfois lancés du 5e ou 6e étage des immeubles…

  • Est-ce frustrant d’être toujours «derrière» la caméra (alors que le cameraman fait parfois lui aussi d’énormes efforts voire exploits pour capturer les meilleures images) ou est-ce un «effacement» et une «discrétion» qui vous plaît?

Ce n’est pas frustrant. Je trouve même que c’est plutôt valorisant de justement ne pas avoir besoin de se mettre en avant… Nous avons tous un respect mutuel. J’ai un profond respect pour les gens avec qui je travaille parce que je vois ce qu’ils font, je sais qu’ils sont bons, je me dis que j’ai une chance infinie de travailler avec ces personnes techniquement et humainement vraiment incroyables… Et j’espère qu’ils se disent la pareille à mon endroit!

Gagner la reconnaissance de mes collègues me suffit. Et puis, on est bien derrière la caméra: je trouve que ma place est bien là! J’aime pouvoir raconter et faire tant de choses plutôt que d’en incarner une et d’y être réduit par la suite…

  • Votre métier exige un engagement personnel et familial: êtes-vous «toujours parti» ou parvenez-vous à trouver un équilibre familial, social, etc.? Quelle est la durée «moyenne» des missions?

Maintenant, les missions durent de 3 semaines à un mois… parce que je pars sur de plus gros projets qu’auparavant, et j’enchaîne parfois plusieurs tournages sans rentrer. Sachant que sur ces programmes, l’on travaille six jours sur sept, il n’y a pas de dimanches ni de jours fériés…

Habituellement le mois d’août est calme parce que les maisons de production partent en vacances mais cette année nous sommes repartis sur août et septembre pour un nouveau Koh-Lanta et en rentrant je suis allé faire une émission de boxe autour du MMA –arts martiaux mixtes– occasion de rencontrer un tout autre type de personnes… (Elle a été diffusée sur M6+, plateforme sur laquelle les jeunes consomment plus facilement que la télévision qui pour beaucoup devient obsolète…)

Après ce programme, je suis encore parti pour 3 semaines au Mexique, sans beaucoup de battement. C’était un peu trop, donc cet hiver je fais une bonne pause!

A l’heure du téléphone portable, il est plus facile de maintenir le contact avec la famille. On n’envoie pas de pigeons voyageurs pour savoir comment cela se passe à la maison! Et malgré la distance, notamment quand les conditions de tournage s’avèrent particulièrement difficiles, ma femme demeure mon premier soutien…

Nous vivons toujours deux phases un peu difficiles: l’une les jours qui précèdent le départ avec tout ce qu’il y a à régler ici et à préparer pour là-bas en même temps, l’autre c’est au retour…

En rentrant de mission, l’exercice est compliqué de revenir «les pieds sur terre» parce que l’on a vécu des choses extraordinaires et émotionnellement tellement fortes avec les gens que l’on a pu filmer dans des situations vraiment difficiles, que ce soit en reportage ou en divertissement… C’est passionnant et à ce point puissant que l’on en ressent parfois des décharges d’adrénaline!

Il est difficile lorsqu’on rentre à la maison, de réussir à gérer ces espèces de «montagnes russes émotionnelles»! Il faut pouvoir se calmer, redescendre de cette bulle hors du temps et du monde et se réhabituer aux réalités de la vie familiale quotidienne… parfois Blandine me taquine: «Là, tu es encore dans la stratosphère!»

Le choix de notre lieu de vie familiale, ici dans cette petite ville de la campagne bretonne, me facilite la transition, j’y retrouve la stabilité et la sérénité, la proximité des relations simples avec les voisins, les commerçants…

Et pendant mes absences, mon épouse s’y sent plus en sécurité que dans la région parisienne où nous habitions avant… Ce cadre a permis aussi à nos enfants de grandir dans de bonnes conditions: outre une nature merveilleuse, ici le savoir-vivre et le respect sont les réalités d’un «bien vivre ensemble».

Pour tous mes déplacements, nous avions pensé un temps à la région bordelaise où s’installent beaucoup de mes collègues (Paris est à 2 heures de Bordeaux par le TGV), mais mes racines, mes parents et mes sœurs sont en Bretagne!

La ligne Quimper-Paris passe ici, je prends sans problème le TER puis le TGV jusqu’à Paris…

Je pense que de ce côté-là nous avons fait le bon choix et que nous ne changerons plus!

  • Pensez-vous, les ans passant, mettre un jour un terme à vos aventures et vous orienter vers d’autres voies?

Nous nous sommes posé la question au moment d’ailleurs où nous avons choisi pour la qualité de vie de la famille de revenir vivre en Bretagne. Nous avions étudié la possibilité de créer une structure locale, comme une société de production locale, que je puisse partager avec mon épouse. Avant finalement de nous rendre compte que ce n’était pas la bonne solution même si elle nous aurait permis d’être davantage ensemble.

C’est un métier qui a des contraintes, principalement dans le côté usant des transports et de devoir se remettre à chaque fois dans un nouveau schéma de construction mentale selon les types de tournage… c’est différent à chaque fois, ce qui demande de l’énergie –sans parler de l’énergie physique sur place aussi –mais c’est un métier-passion!

Et la passion est aussi dans les gens que l’on rencontre, que ce soit les personnes filmées ou les équipes. J’ai parmi mes meilleurs amis des gens du métier!

Nous nous trouvons tous sans notre famille, dans des endroits parfois très hostiles… Nous comptons donc forcément les uns sur les autres: il se crée entre nous des relations très fortes et c’est pour nous toujours un plaisir de nous retrouver!

Pour l’instant, je ne me vois vraiment pas encore arrêter!

  • Dans toutes ces missions diverses réalisées, dans tous ces pays visités, qu’est-ce qui vous a le plus marqué, et quelle leçon principale en retirez-vous?

Cela va rejoindre beaucoup de choses que j’ai déjà évoquées…

Il me semble que, grâce à cette profession, la chose la plus enrichissante que j’ai vécue, c’est d’aller vers les gens, à la découverte des autres…

En conversant avec des amis restés ici en Bretagne, je me rends compte qu’ils ont une vision tout à fait différente de la mienne.

L’un d’eux, à qui j’expliquais mes voyages, prenant trains, avions, bateaux… m’a dit: «Oui, mais pourquoi?»

Effectivement! Il m’a perturbé! Lui me confiait n’avoir ni besoin, ni envie de cela… Je lui ai dit que je le comprenais, qu’il avait peut-être raison…

Mais en fait, moi j’ai besoin d’aller vers les autres! Toutes ces personnes rencontrées, ces lieux, ces situations… ces instants uniques que je ne pourrais pas vivre sans ce choix “d’aller vers les autres” sont toute la richesse que j’en ai gagnée!

Ce n’était d’ailleurs absolument pas gagné au départ, parce que jeune, j’étais plutôt fermé, introverti, c’est le métier qui m’a permis de m’ouvrir aux autres, et je crois, oui, que c’est là ma plus grande richesse!