La plupart d’entre eux sont mendiants. Mais le pire pour eux, c’est qu’on les cache.
J’ai trouvé des aveugles dans des conditions de vie terribles : Aimé Zongo, un de mes élèves – aujourd’hui adulte, marié et père de deux enfants, qui vit de son métier de tisserand – était
traité chez lui comme un animal, et même pire que cela.
Il était couvert de terre et de saleté parce qu’il était maintenu enfermé, sans soins, dans une petite pièce au fond de la case. Il restait là, sans sortir du tout dehors, pendant une semaine parfois, sans même pouvoir aller se soulager à l’extérieur… »
Emmanuel Bamogo est un personnage attachant : l’inaltérable bonne humeur qui rayonne de son visage ouvert lui attire d’emblée une fort légitime sympathie, tout comme l’humour discret qui allume par moment une lueur de malice dans son regard.
Mais la paisible bonhomie de son attitude pourrait amener l’observateur superficiel à se méprendre : cet homme possède aussi une volonté de fer, un dynamisme et un esprit d’entreprise remarquables. Des qualités que sa dimension de cœur, et sa foi
vivante, l’ont conduit à mettre au service des malheureux, des exclus de la société africaine,
et tout particulièrement des aveugles.
En témoigne l’étonnante « aventure » dans laquelle il s’est lancé voici plusieurs années, lui
l’orphelin de père, que la pauvreté familiale avait privé de scolarisation : fonder une école
pour accueillir et alphabétiser les aveugles de sa contrée, grâce à l’alphabet Braille. Un projet
qu’il commença à mettre en œuvre dans sa modeste maison de pasteur protestant, les recueillant au sein de sa famille…
Aujourd’hui, après des années d’âpres travaux, luttes – et de sacrifices personnels – l’action menée est reconnue et en partie soutenue par l’Etat du Burkina Faso…
C’est l’histoire de cette œuvre, désintéressée, profondément humaine et altruiste, que « Regard d’Espérance » a choisi de retracer en ce temps de Noël, sans oublier les échos de l’expérience vécue par un Africain découvrant l’Europe, ni sa vision de notre société : miroir toujours instructif que ce regard de l’autre sur soi…
Voudriez-vous vous présenter brièvement ?
« Je suis né vers 1968 au Burkina Faso, qui s’appelait alors la Haute-Volta, dans un village qui s’appelle Ribulu, situé dans la province de Kaya. Mais j’ai grandi dans la région de Ganzourgou, là où j’habite actuellement, dont le chef-lieu est la ville de Zorgho…
Jeune homme, je suis allé chercher du travail en Côte-d’Ivoire, comme beaucoup de Burkinabés. J’y suis resté de 1986 à 1989, à travailler dans des plantations.
De retour au pays, j’ai débuté une formation biblique pour devenir pasteur dans l’Eglise protestante évangélique des Assemblées de Dieu. La formation durait 3 ans.
Je me suis marié durant ce temps, en juillet 1990. Nous avons aujourd’hui quatre enfants : trois fi lles et un fils.
L’aînée est née en 1993, le garçon en 1996, et mes deux autres filles en 1998 et 2005.
Après cette formation pastorale, j’ai été affecté au village de Wayen, tout d’abord comme stagiaire, puis comme pasteur titulaire. J’y suis resté 3 ans.
Ensuite, je suis venu exercer le ministère pastoral là où je suis maintenant, à Zorgho.
C’est aussi là que j’ai commencé un travail d’alphabétisation pour les aveugles, qui a débouché plus tard sur la création d’une école spécialisée…
J’ai aussi été élu président du Conseil des pasteurs de notre sous-région de Mogtédo. »
…