Nombre de conseils municipaux, de maires, députés et autres élus – tels ceux de Carhaix et Spézet en 2020 – mais aussi de collectifs d’usagers ont eu beau protester, les familières boîtes jaunes s’en vont, malgré quelques maintiens – et même retours – ici et là face à des levées de boucliers particulièrement vigoureuses…
La Poste a beau jeu, pour défendre cette politique de restriction, d’invoquer la «recommandation» expresse que lui adressait en ce sens, voici deux ans tout juste, le Rapport de la Cour des Comptes (6 février 2020):
les quelque 130000 boîtes aux lettres permettant de déposer le courrier à envoyer coûtaient trop cher. Il fallait rentabiliser…
Et les uns et les autres d’évoquer la baisse – bien réelle – du trafic postal des lettres (passé de 18 milliards de missives en 2008 à 9 milliards en 2018, et anticipé à 5 milliards pour 2025), les nouveaux usages s’orientant vers les réseaux Internet…
Ou encore le dépeuplement des bourgs et campagnes, et la nécessité d’adapter l’offre à la demande…
On dit donc «redéploiement» plutôt que suppression, «mise en place de solutions alternatives» diverses, «indispensables économies» et rentabilisation…
Toutes causes et conséquences qui peuvent s’entendre… à condition que l’on ne parle plus véritablement de service public !
Or, les premières victimes de ce service en disparition sont les personnes âgées, nombreuses en zone rurale, qui ne peuvent se déplacer loin, et souvent maîtrisent moins l’informatique.
Il en va ici – comme pour l’accès aux soins de proximité, et pour les autres services de la nation aux populations – d’égalité républicaine et d’aménagement du territoire : enlever des services publics à des territoires en raison de la baisse de leur démographie, c’est les enfermer dans un cercle vicieux, les condamner à une double peine ! Comment, en effet, contribuer à l’attractivité d’un lieu si l’on commence par l’amputer d’éléments essentiels à celle-ci ?…
Il faudrait encore évoquer l’incompatibilité fondamentale entre les notions de service public et de «nécessaire rentabilité»…
Pierre-Patrick Kaltenbach, conseiller-maître à la Cour des Comptes, avait forgé une expression caustique pour dénoncer les pratiques dévoyées de certaines associations censées être, selon la loi, «sans but lucratif» ; il les nommait «associations lucratives sans but»… Un inversement des valeurs dont les services publics ne sont pas à l’abri !