Une décennie plus tard, qu’en est-il ? Oui, le Centre Bretagne de 2020 possède, en dépit parfois des apparences ou des clichés, de réels atouts de développement. Mais il est confronté à quelques enjeux singuliers auxquels il est désormais urgent de répondre. Pour que l’avenir commun ne se conjugue pas au futur en une multitude de désillusions plurielles.
Qui vivra demain au Centre Bretagne? Comme tous les ans, en ce début d’année, les derniers chiffres de la démographie ont, peu ou prou, retenu l’attention des habitants, mais surtout des élus, conscients d’y voir un reflet de la dynamique de leur territoire. Sans surprise, le Centre Bretagne perd encore de la population (-3,5% depuis 2010). Certes, pas dans les proportions connues durant le XXe siècle, avec l’exode rural, mais au rythme d’un vieillissement qui semble inéluctable et général dans le «Pays Cob», bien que désormais de plus en plus impactant dans la communauté de communes du Kreiz Breizh, celle du Roi Morvan et les Monts d’Arrée.
Ils rêvent de la campagne…
Alors, faudrait-il sombrer dans la sinistrose et le pessimisme? Non, sûrement pas… Mais à condition de faire un diagnostic honnête de la situation et d’en tirer très rapidement quelques enseignements et décisions qui s’imposent.
Un autre indicateur démographique offre un premier élément de réflexion: le solde migratoire qui est lui positif. Oui, le Centre Bretagne est donc attractif! Et cela est bien une possible clé d’entrée pour une dynamique territoriale future.
Qu’on se le dise, à l’heure où l’on nous vante la métropolisation conquérante et la vie urbaine branchée dans des grandes villes «qui gagnent» car ancrées dans la mondialisation, de plus en plus de Français ont un désir de ruralité ! Ainsi, une récente enquête du Cevipof révélait que 45% d’entre eux rêvent de pouvoir vivre à la campagne, contre seulement 14% dans une métropole! Étonnant ? Non! Résultat logique et fruit du bon sens. En effet, la même étude affirmait que les Français les plus satisfaits de leur vie, en dépit de difficultés auxquelles ils se heurtent dans la vie quotidienne (transports, services publics,…), sont très largement les ruraux !
Alors, dépourvu d’atouts, le Centre Bretagne ? Non, loin s’en faut, à condition toutefois de bien préserver ce qui en fait la force et l’attractivité intrinsèque (cadre de vie, identité, culture), mais aussi en œuvrant urgemment, dans un contexte économique contraire, à renforcer l’attractivité productive et résidentielle de ce territoire, qui doit garder sa singularité, gage de complémentarité et également de synergies avec d’autres.
La centralité, une vraie filière !
Oui, il importe de bâtir une réelle stratégie de développement qui valorise les spécificités de la ruralité, qui protège le charme de «la vie à la campagne», en dépit des diktats de la «bien-pensance» du moment qui en viendrait presque à «criminaliser» cet art de vivre !
Les grands enjeux sont déjà connus : tout d’abord, permettre aux jeunes du territoire de s’y former ou d’y revenir, une fois qualifiés… pour «vivre et travailler» dans un cadre qui leur est cher.
Quelles y sont les filières d’excellence et d’avenir ?
À l’heure où toute la planète s’interroge sur la soutenabilité du développement et l’autosuffisance alimentaire à horizon proche, il est évident que, plus que jamais, posséder une filière agri-agroalimentaire est un atout majeur… Encore faut-il offrir à ses acteurs l’opportunité d’être à la hauteur de cet enjeu! Le Centre Bretagne se doit de posséder un véritable agropôle, intégrant des formations (Bac pro, BTS, DUT, LP,…) et la «recherche dans les champs». Il aurait le quadruple avantage de permettre aux entreprises de bénéficier d’une ingénierie productive renouvelée, de favoriser les synergies locales, d’accroître la création de valeur ajoutée sur le territoire et d’améliorer l’adéquation entre attentes et demandes sur le marché du travail, en apportant une offre de formation diverse et attractive pour la jeunesse!
D’autres filières doivent évidemment aussi participer à ce dynamisme: l’écoconstruction, l’énergie, le tourisme vert et culturel, etc., et la fameuse filière «centralité ou carrefour», qui comprend nombre d’activités, de la logistique à l’événementiel, filière pour laquelle la situation géographique est prépondérante !
Une famille désirant s’installer sur le territoire…
Reste le défi d’offrir à de nouvelles initiatives économiques la possibilité d’émerger, grâce aux opportunités de la révolution numérique ! Voilà clairement un enjeu crucial aujourd’hui! Les conséquences désastreuses de 50 années d’errements de la RN164 paraîtraient presque minimes, au regard de celles qu’engendrerait le moindre retard dans le développement du numérique…
Mais cette attractivité économique qui se doit d’être pro-active, notamment s’agissant de l’offre des ZA, de l’accompagnement ou la suscitation de projets d’installation, est à conforter par une véritable attractivité résidentielle.
En effet, quelle entreprise, cherchant à s’installer quelque part, ne se posera pas la question de l’offre de logement adaptée pour ses salariés, de même pour les transports, les services publics, le commerce et évidemment la santé ? Exactement comme une famille désirant s’installer sur le territoire le ferait !
«Élémentaire» me direz-vous! Oui, mais… il est un élément auquel une personne qui vient de l’extérieur (touriste comme nouvel arrivant) ne fait guère attention et qui pourtant, surtout au Centre Bretagne, peut s’avérer très handicapant, autant que totalement incongru, au vu du bassin de vie qu’il découvre: le poids des frontières, l’absence d’unité et donc de cohérence territoriale!
« Vous avez dit cohérence ? »
Certes, une ébauche de SCoT (Schéma de cohérence territoriale) est en cours, depuis plusieurs années, sur le périmètre du «Pays Cob». Mais ce dernier qui, en son temps, fut créé dans une réelle dynamique de projets communs n’a, de ces trois mots, plus qu’un vague souvenir. En cause: un manque de volonté politique(?), une crise de représentativité de la gouvernance, un délitement de la vision collective… et désormais la décision de la région de travailler prioritairement avec les communautés de communes en matière de développement local.
Reste que la réalité du bassin de vie du «Kreiz Breizh» demeure. Toutefois, les forces centrifuges ont déjà sévi, amenant des communes de l’Est comme de l’Ouest du territoire à se tourner vers des pôles périphériques à leurs yeux plus attractifs! Et il est à penser que ces forces devraient à nouveau être à l’œuvre prochainement, notamment dans la partie morbihannaise et costarmoricaine. L’identité et l’entité géographique claire du Centre Bretagne seraient-elles menacées?
Oui, c’est pourquoi, il n’est plus temps d’attendre. Il importe de rapidement y bâtir, avec qui le voudra réellement, une stratégie commune de développement, forte de projets ambitieux, portés politiquement au sein d’une institution légitime et reconnue par l’État et la Région… mais aussi forte d’une ingénierie territoriale, capable de répondre aux exigences de la nouvelle donne administrative et technique.
En finir avec le misérabilisme !
Aujourd’hui, la France, dans sa politique de développement des territoires, s’éloigne de la logique de guichet, et c’est heureux. En effet, cette dernière a trop longtemps prévalu, permettant à certains acteurs territoriaux d’avoir comme objectif principal de présenter un visage misérabiliste de leur territoire, afin d’avoir des aides… à défaut de projets porteurs.
Désormais, sous l’impulsion notamment de l’Union Européenne, la logique de projet, celle du développement local et de la mobilisation des acteurs locaux autour d’enjeux communs, tend à devenir la règle. Certains territoires l’ont compris et en récoltent déjà les fruits en termes de capabilité et de dynamique territoriale.
Comment? Sans nier l’importance des identités locales (communes, quartiers…), ils se sont regroupés, pour répondre ensemble aux enjeux de développement qui se présentent à l’échelle du bassin de vie… Et ce, au sein d’une entité légitime et représentative, tant pour les habitants que les autres collectivités, l’État…
Il ne s’agit guère de copier ce qui, en France, est devenu le contre-exemple parfait, à savoir la création, dans une logique purement administrative et arbitraire, de la fameuse communauté de communes XXL, GP3A allant de Paimpol à Carnoët… Espace administratif dans lequel il sera difficile de créer une dynamique commune et de concilier des enjeux de développement à maints égards différents.
Avancer avec « ceux qui en veulent »
Non, mais le Centre Bretagne doit de se donner les moyens de bâtir une véritable stratégie de développement, cohérente, commune car partagée, oubliant les querelles de clochers… dans une volonté de renforcer les synergies et complémentarités. Pour que ce qui rapproche Carhaix, Rostrenen, Gourin, Châteauneuf, Huelgoat,… soit, à l’avenir, une dynamique commune et non un émiettement partagé!
Faire ensemble pour mieux se faire entendre et peser sur son destin, voilà un dernier enjeu à évoquer. Un chiffre parle de lui-même: il y a un siècle, 1 Breton sur 20 vivait au Centre Ouest Bretagne, contre 1 sur 60 aujourd’hui! Que dire si, en plus, ils arrivent en ordre dispersé ?
Plus que jamais la devise du Celib devrait prévaloir : «Associer les volontés, sans heurter les sensibilités»; mais en se rappelant de cette autre maxime : «Il n’est de vent favorable que pour celui qui sait où il va !»