Seul sur un minuscule radeau en bambou, le jeune Indonésien dérive depuis 49 jours : un point minuscule dans l’immensité de l’Océan Pacifique ! Il ne sait pas où il se trouve, il ne peut rien faire pour diriger sa frêle embarcation, ses vivres sont épuisés depuis longtemps. Pendant sept semaines, il a mené un combat jour et nuit pour survivre, pour ne pas succomber au désespoir…
Mais il sait bien que s’il n’est pas secouru rapidement, ses jours sont comptés, et plus d’une fois, il a été tenté de se jeter à la mer pour abréger ses souffrances.
Tout commence le 14 juillet 2018. Comme d’habitude, Aldi Novel Adilang, 18 ans, travaille seul sur ce radeau, une sorte de cabane de pêche traditionnelle indonésienne, sans moteur ni rames, appelé «rompong», amarré par une simple corde à un bloc de ciment au fond de la mer. Il se trouve à quelque 125 km des côtes de Sulawesi, dans la mer de Célèbes.
Chaque heure l’éloigne un peu plus de la terre ferme
Cela fait déjà deux ans que cet adolescent travaille sur des «rompongs» pour un salaire de 130$ par mois. Son employeur, un pêcheur professionnel indonésien, possède une cinquantaine de petites embarcations semblables, disséminées en pleine mer autour de l’île. Son travail consiste à allumer et surveiller des lampes la nuit pour attirer le poisson dans un piège. Son patron ou un employé de la maison passe une fois par semaine récolter le poisson et ravitailler le jeune homme… Le reste du temps, il est tout seul.
Mais ce 14 juillet, le vent souffle très fort et la simple corde qui maintient le «rompong» en place se rompt, laissant la petite embarcation à la merci des vagues gigantesques qui la poussent rapidement vers le large. Impuissant, le jeune homme ne peut que constater qu’il dérive, et que chaque heure l’éloigne un peu plus de la terre ferme. Au début, il n’est pas trop inquiet, car une semblable mésaventure lui est déjà arrivée deux fois par le passé, mais chaque fois, son patron a réussi à le localiser et à réinstaller le «rompong» à sa place.
Cette fois-ci, il n’a pas cette chance. Lorsqu’il se réveille après une première nuit de dérive, il guette la mer dans l’espoir de voir un des bateaux de son patron, mais la journée s’écoule sans qu’il ne voie le moindre signe de vie. Le lendemain, même scenario, et plus les jours passent, plus l’angoisse saisit le jeune homme…
Lorsque son employeur arrive pour le ravitaillement hebdomadaire, le «rompong» est déjà loin, les recherches sont vaines, et il rentre au port, craignant que le jeune homme ait succombé. Il passe voir ses parents pour leur annoncer la disparition de leur fils…
Du poisson cru pour apaiser sa faim !
Pour le jeune Aldi commence un combat difficile pour survivre. Sa petite réserve de nourriture et d’eau fraîche ne dure que quelques jours, et très rapidement, il doit se nourrir de ce qu’il arrive lui-même à tirer de la mer: quelques poissons qu’il fait frire sur son réchaud tant qu’il lui reste du gaz. Quand sa bouteille est vide, il commence à démonter des barrières en bois pour faire du feu, comme le raconte le «Jakarta Post». Il mange aussi du poisson cru, même avarié, pour apaiser sa faim.
Puis, un jour, il n’a plus d’eau potable. C’est le jour qu’il a le plus redouté. Il sait que le manque d’eau peut signifier la fin pour lui. Depuis le début, il a essayé d’économiser au maximum sa petite réserve, ne buvant que quelques gorgées de temps à autre. Pour ne pas mourir de soif, Aldi prend son pull, le trempe dans l’eau de mer, puis il tord son vêtement trempé au-dessus d’un récipient ou directement au-dessus de sa bouche. L’eau qu’il récupère ainsi est certes encore de l’eau de mer, elle est encore salée, mais le tissu de son vêtement a absorbé suffisamment de sel pour rendre l’eau à peu près potable. De toute façon, c’est cela ou rien.
Un autre danger constant est la présence de requins. Un jour, il frémit en voyant des nageoires menaçantes frôler la surface de la mer, et sur ce minuscule radeau, il est très loin de se sentir en sécurité.
Aldi a un petit émetteur radio, genre talkie-walkie, capable d’émettre sur une courte distance, mais à partir du cinquième jour, la batterie montre des signes de faiblesse…
A plus de 2600 km des côtes indonésiennes
Jour après jour, il scrute la surface de la mer et à plusieurs reprises, il voit des bateaux surgir à l’horizon. En tout, une dizaine de navires passent suffisamment près pour qu’Aldi les voie bien, mais trop loin pour qu’il arrive à capter leur attention en agitant des vêtements. Chaque fois, l’espoir s’allume en son cœur. Mais lorsqu’il les voit disparaître à l’horizon sans changer de cap, sa détresse est encore plus profonde.
Au bout d’une semaine, l’adolescent commence à s’affoler. Par moments, il a envie de cesser le combat, de se jeter à la mer pour que tout se termine. Mais chaque fois que de telles pensées sombres l’assaillent, il pense à sa famille, et il se souvient de ce que ses parents lui ont toujours dit: «s’il t’arrive malheur, prie !»
Comme ses parents, Aldi est croyant, et durant toutes ces journées et nuits solitaires, la prière et la lecture de la Bible, qu’il a toujours avec lui, deviennent pour lui une grande source de réconfort.
Puis, le 31 août, après 49 jours de dérive, il voit encore un bateau à l’horizon qui semble se diriger droit sur lui. C’est l’Arpeggio, un vraquier panaméen. Il passe tout près du radeau, et pourtant, personne ne voit le jeune homme qui agite vainement ses bras.
Dans son désespoir, Aldi saisit alors sa petite radio, qui n’a presque plus de batterie, choisit une fréquence qu’un ami lui a un jour conseillée s’il se trouvait en détresse près d’un gros navire et hurle de toutes ses forces : «Au secours! Au secours !»
Et alors qu’il croit tout perdu encore une fois, il voit soudain le navire ralentir, changer de cap, revenir vers lui… Le capitaine a capté son cri de détresse. Enfin, il a été découvert.
Mais le vent souffle fort ce jour-là encore, et le sauvetage n’est pas facile. Les vagues empêchent le vraquier de s’approcher suffisamment. A la fin, on lance une corde, mais trop courte pour atteindre le radeau, elle tombe dans la mer. Décidé à ne pas manquer cette ultime chance, le jeune homme saute alors dans l’eau et parvient à saisir le bout de la corde, puis à s’accrocher à une échelle de corde que les marins remontent doucement. Mais il est tellement épuisé qu’il a failli lâcher prise. In extremis, un marin réussit à saisir son bras et le tirer à bord.
Finalement, Aldi est récupéré à plus de 2600 km des côtes indonésiennes, non loin de l’île de Guam.
Le bateau est en route vers le Japon et arrive dans le port de Tokuyama le 6 septembre. Deux jours plus tard, Aldi peut prendre l’avion pour Jakarta. Le 9 septembre, il retrouve enfin les siens à Wori, sa ville natale, quelques jours avant son dix-neuvième anniversaire. Soulagé, extrêmement heureux, il a toutefois pris la décision de ne plus jamais travailler sur un «rompong».