«Je ne voulais pas me regarder dans le miroir plus tard et penser:
« Tu aurais pu faire quelque chose et tu ne l’as pas fait, parce que tu t’en es dissuadé ou parce que tu as laissé d’autres personnes t’en dissuader »…», se souvient Timothy Letts, quelque temps après l’étonnante rencontre qui marqua à jamais ce vendredi d’automne mais sans doute aussi toute sa vie.
Ce jour-là, il ne souhaitait certainement pas laisser passer l’occasion d’aider ce client avec lequel il discutait, alors que ce dernier rentrait d’une difficile journée de soins médicaux. Âgé de 31 ans, le vétéran de l’armée et chauffeur pour la plateforme Uber conduisait Bill Sumiel, qui s’était rendu pour la deuxième fois en vingt-quatre heures au centre de dialyse de l’hôpital de Christiana, situé dans l’état américain du Delaware, sur la côte est des états-Unis.
En effet, les médecins lui avaient diagnostiqué un diabète il y a près d’une vingtaine d’années. La maladie avait entraîné le développement d’une insuffisance rénale et nécessitait le suivi de soins de dialyse périodiques qui le laissaient épuisé. Âgé de 71 ans, il attendait avec espoir, depuis maintenant trois ans, une éventuelle greffe de rein mais aucune correspondance n’était encore apparue depuis son inscription sur la liste des 90 000 Américains qui attendent, comme lui, une telle éventualité.
Pendant le trajet, les deux hommes avaient sympathisé et Bill avait notamment raconté comment ses soucis de santé restreignaient sérieusement ses divers engagements au quotidien. Touché par l’histoire personnelle de son passager, Tim lui avait alors lancé: «Si je suis compatible, je vous donnerai un rein.»
Aussi touchante qu’inattendue, la proposition provoqua chez le septuagénaire une telle surprise qu’il en tremblait de tous ses membres et parvenait difficilement à écrire son nom et son numéro de téléphone lorsqu’ils échangèrent leurs coordonnées.
A l’enthousiasme succéda un temps d’interrogation pendant lequel Bill se demanda si cela n’avait pas été qu’un simple moment d’émotion… Mais les examens qui suivirent révélèrent que Timothy était un donneur idéal et quatorze mois plus tard les deux hommes furent opérés avec succès.
Pour Bill, ce fut le début d’une nouvelle étape de sa vie (sans dialyse) et le retour progressif à une «vie normale». Pour sa part, Timothy ne regrettera sans doute jamais son geste empreint d’empathie et de générosité. Certainement a-t-il goûté cette réalité : il y a toujours plus de joie à donner (à se donner) qu’à recevoir.
J.G.