« Depuis votre dernière session, il s’est constitué à Carhaix une nouvelle société de courses qui a reçu de M. le Ministre de l’Agriculture et du Commerce une subvention de 1000fr.» Cette information est contenue dans le volume intitulé «Rapport du Préfet et procès-verbaux de la session ordinaire d’août 1873 du conseil général du département du Finistère».

Cette société de courses avait en effet vu le jour le 12 juin précédent. Elle avait pour initiateurs de nombreuses personnalités carhaisiennes. Son président était M. Joseph Nedelec, maire de Carhaix depuis 1870, qui allait devenir conseiller général et député du Finistère. C’est lui qui fit construire les nouvelles halles, l’abattoir…

Le vice-président était M. Pascal Gaubert, notaire et conseiller général depuis 1867. Au nombre des autres fondateurs, on compte aussi le notaire Constant Lancien (qui fit construire le «Château Rouge» et fut le père du sénateur-maire Ferdinand Lancien) ou encore le négociant Eugène Anthoine (maire de 1900 à 1906). 

Les courses de chevaux étaient alors en vogue. Des hippodromes avaient été créés dès le début des années 1840, à Corlay/Kergolio, Quimper/Cuzon, ou à Cano (Morbihan). Une nouvelle vague de créations surgit autour des années 1870/80: Rostrenen (Coattringue), Loudéac (Calouet), La Gacilly (Villelouet), ou encore Plestin (où des courses étaient organisées dès 1828 sur la grève).

Un premier exercice déficitaire

Mais la création de la Société hippique de Carhaix rencontra tout de même une certaine opposition au conseil général. Lors de la session d’août 1873, le rapporteur de la commission de l’agriculture avait déclaré:

«La création d’une nouvelle société de courses dans une région qui fournit d’excellents chevaux de trait et de selle pourra exercer une action utile au point de vue de l’amélioration de la race chevaline du département, je vous propose messieurs de bien vouloir accorder à la société de Carhaix une allocation de 600fr…».

Mais il va jeter le trouble dans l’Assemblée en précisant que le Société hippique de Carhaix sollicitait deux subventions: l’une, ponctuelle, de 600fr pour combler le déficit lié à la pauvreté des ressources locales, l’autre de la même somme, renouvelable pour être distribuée en prix, concluant:

«L’initiative prise par la ville de Carhaix est sans doute très louable, mais la commission regrette que la société se soit engagée dans une dépense qu’elle n’est pas en mesure de supporter».

Il soulignait que l’installation des tribunes avait coûté 1500fr alors que la location des places n’en avait rapporté que 219, un résultat bien décevant, et de conclure: «Il n’est pas certain que les courses puissent subsister dans de telles conditions».

Développer la race chevaline

Il proposait néanmoins, pour ne pas décourager «l’élan des habitants de Carhaix», d’accorder la subvention pour éponger le déficit, sans s’engager davantage: «Plus tard si la société affirme sa vitalité, le conseil pourra apprécier l’opportunité d’une nouvelle subvention».

Un autre conseiller départemental était d’un autre avis: «Ce serait un précédent fâcheux que d’accorder une subvention pour une dépense faite sans l’avis du conseil». Pascal Gaubert, représentant du canton de Carhaix et vice-président de la société demandeuse, expliqua que le déficit  du premier exercice était lié à la construction des tribunes qui avait nécessité l’intervention de professionnels de l’extérieur. «Mais aujourd’hui, cette dépense est faite, et elle ne se reproduira plus à l’avenir». D’autre part, rajoutait-il, si Corlay ou Rostrenen avaient pu développer la race chevaline et créer un hippodrome, il n’y avait pas de raison que Carhaix ne puisse faire de même: «Carhaix a voulu suivre l’exemple de ces villes, dans le but d’encourager les habitants du pays à donner plus d’extension à l’élevage du cheval».

M. Gaubert finit par avoir gain de cause, malgré la contestation d’un conseiller encore mal disposé: «Les amateurs de sport ne doivent pas être bien nombreux dans cette ville, et elle est trop isolée pour que les courses y attirent jamais beaucoup d’étrangers ».

Le public se déplace en masse

Cet intervenant n’avait manifestement pas prévu l’arrivée du train qui allait désenclaver le Centre-Bretagne. Le comité des courses de Carhaix pourra alors voir le public se déplacer en masse pour assister aux courses de Penalan.

C’est ainsi, par exemple, que le journal La dépêche de Brest et de l’Ouest publiera dans son édition du mardi 4 juillet 1922, un communiqué des chemins de fer de l’État et de la Société Générale des Chemins de Fer économiques qui signalait les trains spéciaux mis en place en vue des courses du dimanche 9 juillet.

Les horaires des trains avec les différents arrêts étaient indiqués de Carhaix en direction de Rostrenen, Loudéac, Gourin-Rosporden et Châteauneuf.

Les trains entre Carhaix et Plounévézel, où se trouve l’hippodrome de Penalan, étaient tellement surchargés que l’on dit qu’il y avait même des voyageurs sur les toits. La Société des courses de Carhaix est aujourd’hui la plus ancienne société de la capitale du Poher.

F.K.