«Je n’ai jamais laissé aucune vie dans un incendie, si ce n’est une fois, un poisson rouge dont l’eau de l’aquarium bouillait déjà tant la chaleur était élevée! L’humain a toujours été secouru et sauvé.

Côté sanitaire, ambulance, c’est plus compliqué, “frustrant”: les pompiers sont souvent appelés quand c’est déjà trop tard… J’ai pratiqué beaucoup de massages cardiaques, deux ou trois chaque semaine, sans toujours sauver la personne.»

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De Perpignan à la Bretagne, il peut n’y avoir qu’un pas… Laissant une partie de sa vie et un voilier sur la Méditerranée, Laurent Maillard l’a franchi, pour une nouvelle étape qui l’a amené, non point sur le littoral dont il rêvait, mais dans une longère de pierres, bien dans les terres, au pied des Montagnes Noires en Kreiz Breizh, où, malgré tout, ce sportif affable et altruiste de nature, est heureux de mettre ses connaissances et ses compétences multiples en ce domaine au service des Centre-Bretons par le commerce et au-delà par la formation, notamment pour la voile dont il est spécialiste…

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Voudriez-vous vous présenter brièvement ?

«J’ai 51 ans, je suis né à Limoges. Mes parents étaient originaires de Bretagne et nous venions toujours y passer nos vacances, mais mon père étant militaire, au fil de ses affectations nous déménagions régulièrement, changeant de lieu de vie tous les deux ou trois ans.

Dernièrement j’ai souhaité revenir vivre en Bretagne, je me suis installé à Spézet avec mon épouse Pauline qui est professeur des écoles, et nos deux garçons Maël et Malo.

J’ai pratiqué beaucoup d’activités sportives comme l’équitation, la course à pied, le VTT, la planche à voile, la voile habitable, la chasse sous-marine et l’apnée que j’ai eu le plaisir de reprendre ici en Centre Bretagne…»

Vous avez effectué votre service militaire dans la Garde républicaine, comment s’est réalisée cette affectation ?

«Durant mon enfance, la famille voyageait donc beaucoup et quand mon père a été affecté en Guyane, j’ai découvert là-bas à Cayenne l’équitation. Il était au Camp du Tigre et j’ai commencé à monter à cheval dans le club hippique qui s’y trouvait. Nous faisions des randonnées dans la forêt…

Une nouvelle affectation nous a conduits à Tarbes où je me suis sérieusement mis à passer les niveaux d’équitation, parcours équestre que j’ai poursuivi à Perpignan –affectation suivante– jusqu’aux derniers “galops”: le 7 et le 8 option dressage.

À cette époque, l’éperon d’argent était le niveau nécessaire pour obtenir un brevet d’État ou un monitorat d’équitation. Mais j’avais continué parce que je voulais décrocher l’étrier de vermeil en option de dressage…

Quand est arrivé l’âge du service militaire, encore obligatoire, je souhaitais poursuivre dans l’équitation et l’idée de pouvoir le faire par le biais de la gendarmerie, à la Garde républicaine, m’intéressait. Au moment de l’appel et des “trois jours” que tous devaient faire, au vu de mon expérience en équitation, cela s’est rapidement concrétisé: de Bergerac je suis monté dans le train à destination de Paris, le quartier de la Bastille puis Saint-Germain-en-Laye pour les trois mois de “classes”.

Le fait de finir brigadier –ils n’en prenaient que trois par promotion– m’a permis de demander à être affecté à Vincennes. Le quartier de la Garde républicaine se situait là-bas juste en face de l’esplanade du château et vraiment en lisière du bois de Vincennes. Ce qui offrait beaucoup plus de perspectives au niveau de l’équitation. Deux escadrons s’y trouvaient ainsi que l’écurie de CSO –concours de saut d’obstacles– et l’écurie de CCE –concours complet– de la Garde républicaine…

Je me suis tellement plu que j’y suis resté deux ans en “service long”. Et j’ai terminé maréchal des logis…»

Quelles sont les principales missions d’un garde républicain, quel est son quotidien ?

«Le quotidien d’un appelé du contingent, c’est: debout à 6 heures du matin, 6 h et demie, petit-déjeuner, 7 h dans les écuries, aux boxes avec tous les autres gardes. La majeure partie de l’année, nous nous occupions de nos chevaux que nous montions aussi. Et nous avions la chance de pouvoir en monter trois ou quatre dans la journée…

Assurer la garde elle-même était aussi l’une de nos missions: garde d’écurie sur une journée ou au poste de garde de la gendarmerie pendant 24 heures…

Les appelés du contingent, gendarmes auxiliaires comme je l’étais, allaient aussi toutes les semaines monter des gardes au Sénat, au palais du Luxembourg, en renfort des gendarmes gardes républicains professionnels non cavaliers.

La veille du 14 juillet, surtout en soirée, était consacrée à la mission annuelle des gendarmes auxiliaires: la préparation de tous les chevaux pour le défilé du lendemain matin. Sur le coup de minuit –une heure du matin, tout devait être prêt: les gardes républicains quittaient les écuries pour rejoindre, à cheval, au pas, les Champs-Élysées…

Mais les missions plus agréables pour nous étaient les postes à cheval! La libération! Nous partions généralement l’été, de juin à septembre, détachés dans la campagne parisienne. J’ai fait Rambouillet, Vincennes, Saint-Germain-en-Laye, Maisons-Laffitte…

Notre mission consistait à patrouiller dans la forêt, tout comme l’on peut voir chaque été au château de Chambord, un détachement de la Garde républicaine qui assure la sécurité du site et des forêts domaniales avoisinantes.

J’ai eu la chance, sur mes fins de service militaire, d’avoir été affecté à l’écurie du capitaine responsable du quartier. Il aimait énormément partir en balade. Je me souviens de galops dans le bois de Vincennes avec lui… De très bons souvenirs!»

Comment a débuté votre aventure chez Decathlon ?

«J’ai toujours aimé être actif, j’ai toujours voulu travailler. Même tout jeune, à Perpignan –à l’époque c’était plus facile– à 14 ans, j’étais dans les champs d’abricots à faire les saisons, pour pouvoir me payer un nouveau flotteur de planche à voile… parce que j’en étais passionné et j’évoluais dans cette pratique. Plus on monte en niveau, plus la planche doit être petite, moins volumineuse pour sortir par vent de plus en plus fort…

J’avais ensuite réussi à me faire embaucher l’été et pendant les vacances scolaires dans un petit magasin spécialisé de planche à voile. Le patron était féru de chasse sous-marine et d’apnée, ce qui m’a aussi “embarqué” dans cette voie…

Et comme le milieu de la planche à voile est “petit”, que tout le monde se retrouve sur les spots et se connaît, j’avais sympathisé avec le responsable du rayon planche à voile du Decathlon de Perpignan à l’époque.

Mon profil l’intéressait, il m’a appelé et rapidement j’ai commencé… J’entame actuellement ma 29e année chez Decathlon!

Ils me voulaient pour le rayon “eau et plongée”, mais c’est en fait au rayon équitation que j’ai débuté. Parce qu’en plein hiver, même à Perpignan, au rayon planche à voile l’activité est très basse…

J’ai été recruté surtout en tant que sportif; si je n’avais pas pratiqué d’équitation, si je n’avais pas fait de planche à voile, je ne serais jamais rentré chez Decathlon!»

Tous les vendeurs de Decathlon sont-ils des sportifs ?

«Embaucher 100% de pratiquants est dans l’ADN et les lignes directrices de Decathlon.

Et je pense qu’ils arrivent effectivement à embaucher 90% de sportifs, qui sans être de haut niveau, sont au moins pratiquants du sport de leur rayon et forment ensuite d’autres collègues qui seraient moins spécialistes…

Decathlon a aussi une bonne école de formation.»

D’où vous est né cet engouement pour le sport ? Quels sports ont votre préférence ?

«Ce goût du sport m’est venu de ma mère. C’est elle qui était la sportive du clan Maillard! Parce que, même s’il était militaire, mon père était plutôt casanier, il a fini colonel dans le génie, derrière son bureau…

Moi, j’ai besoin d’activités physiques, on se sent tellement bien après s’être dépensé! Mais le sport peut aussi être un peu comme une drogue: plus on en fait, plus on a envie d’en faire!

Par contre, dans mon parcours sportif, je n’ai jamais eu une âme de compétiteur. Je n’ai jamais voulu faire de la compétition… Je pense que j’étais déjà trop libre pour vouloir m’enfermer dans cet aspect. J’étais plutôt un “touche-à-tout” du sport.

L’équitation reste pour moi un sport de cœur et j’aimerais vraiment remonter à cheval, surtout sur ces chemins bretons!

Pas du saut d’obstacle ou du “complet” comme j’ai pu le pratiquer –d’ailleurs de par ma taille: 1,90 m, j’étais plus à l’aise en dressage– mais plutôt en randonnées ou en balades…

Sinon, je suis aussi passionné de sports d’eau. J’ai pratiqué pendant de longues années le windsurf, cette sorte de planche à voile que l’on prend plaisir à sortir dans des conditions un peu fortes: quand le vent souffle à 35, 40 nœuds, que plus personne ne va à la plage, que le sable vole partout et que la mer est démontée… Et la région de Perpignan est réputée pour ses 300 et quelques jours de tramontane forte!

Mais la planche à voile est un sport d’égoïste, parce que l’on navigue tout seul sur sa planche! Et moi j’avais une famille, je laissais donc femme, enfants à la maison… A un moment je me suis dit qu’il fallait arrêter!

J’ai réfléchi, cherché… Pour pouvoir quand même continuer à être sur l’eau comme je l’aimais tant, j’ai trouvé la solution d’acheter un voilier habitable sur lequel je pouvais embarquer tout le monde!

Pauline et Maël, tout petit, se sont ainsi retrouvés à faire du bateau. Nous avons même des photos de Malo, à une semaine, dans sa petite coque sur le voilier, navigant au large de Saint-Cyprien… Nous y avons pris énormément de plaisir.

Cette spécialité peu fréquente parmi le personnel chez Decathlon –même au niveau national– m’a amené à y devenir «référent voile habitable» et par là, «sports de vent» en général. Je suis actuellement formateur dans ce domaine mais aussi pour les sports de pagaie: kayak, stand up paddle, etc., sur toute la région Bretagne. Ces sports représentent une part très importante de chiffre d’affaires dans les magasins…

Je formais déjà en Languedoc-Roussillon. J’ai d’ailleurs aussi été amené à participer à des ouvertures de magasin, jusqu’en Martinique! Ayant besoin de formateurs pour leurs équipes, ils avaient fait appel à moi et l’année suivante pour la Guadeloupe également.

Deux missions enrichissantes dans ma carrière de « Decathlonien »!

J’ai aussi eu la chance d’organiser dans le cadre de mon travail, une fois par mois le samedi, des régates avec le Yacht Club où j’avais mon voilier. J’étais donc payé ces samedis pour aller faire du bateau!

J’ai également pratiqué la chasse sous-marine. A une époque, tous les lundis –mon jour de congé– je partais en Espagne avec un ami qui possédait un bateau semi-rigide Zodiac, c’est là-bas que j’ai fait mes premières armes. Mais je n’étais pas bon chasseur et je passais plus de temps à faire de l’apnée, si bien que j’ai fini par m’inscrire au club de Perpignan.

Et comme ce club associatif manquait d’encadrant, j’ai préparé et obtenu le diplôme de moniteur fédéral niveau 1 en apnée et chasse sous-marine…

L’apnée –l’apnée dynamique– est d’ailleurs maintenant vraiment mon sport de prédilection. Je le pratique avec beaucoup de plaisir chaque semaine au club de la piscine de Châteauneuf-du-Faou.

Enfin, le meilleur entraînement pour l’apnée ou la chasse sous-marine, étant le VTT –au niveau cardio, effort et récupération– j’en ai aussi pratiqué assidûment, tout comme la course à pied d’ailleurs, surtout pendant la période où j’étais pompier…»

Trouvez-vous que la compétition d’une part, et sa médiatisation d’autre part, apportent ou nuisent au sport ?

«Cela dépend des sports…

Mais quand je vois, tout ce qui tourne autour du football par exemple, toute la jeunesse qui s’y adonne, et ce qui se passe dans les stades, la violence… Ce n’est pas possible! Cela nuit au sport!

Enfin… disons qu’il y a sport et sport…»

Observateur privilégié des évolutions de la chaîne Decathlon depuis 1997, comment jugez-vous l’évolution sur ces près de 30 ans ? Qu’est-ce qui a fait selon vous sa réussite ?

«Au début, quand je suis rentré chez Decathlon, il n’y avait pas encore la création des marques.

L’objectif n°1 était de rendre le sport accessible au plus grand nombre. Ils ont donc commencé à créer des produits dans ce but. Mais tout s’appelait Decathlon…

Par la suite, pour la création des marques spécialisées –Quechua pour la randonnée était la première, je crois, suivie de Tribord…– ils ont embauché des chefs de projet, des ingénieurs et des équipes de gestionnaires spécifiques à chacune d’elles.

S’en est suivi une nette évolution des produits.

Et depuis quelques années, ces marques ont commencé à travailler aussi avec des sportifs de haut niveau, prenant des champions comme partenaires techniques, tels Antoine Griezmann pour la marque de foot Kipsta, les navigateurs Tanguy de la Motte puis Yannick Bestaven pour la voile… Avec eux, Decathlon a développé des gammes de produits qui n’équipent plus seulement du débutant au confirmé mais aussi le professionnel.

Pour toute la partie sécurité, Tribord a un partenariat avec la SNSM et propose des longes et des gilets de sauvetage estampillés SNSM…

Au niveau du vélo, Van Ryzel, notre marque de vélo de route, est présente sur le circuit professionnel: une équipe de coureurs l’utilise sur le Tour de France et autres…

Des motards utilisent nos sur-pantalons voile tellement le produit est performant. Sur un voilier, à genoux, à l’avant, l’on est confronté aux embruns amplifiés par la vitesse et par le vent… Ce qui est calculé lorsqu’ils font une imperméabilité, c’est aussi la pression de la goutte lors de l’impact sur le produit…

Des motards préfèrent donc ces sur-pantalons premiers prix de Tribord – qui doivent coûter 15 ou 20 euros– à ceux équivalents qu’ils peuvent trouver dans les magasins de motos à 95 ou 100 euros!

Cependant, une partie du monde sportif a encore un peu de mal à reconnaître la qualité des produits Decathlon. Et l’image de marque, l’effet de mode, jouent encore souvent auprès de jeunes… et moins jeunes, qui préfèrent arborer de «grandes» marques plus prestigieuses!»

Michel Leclercq, le fondateur de la marque et du concept Decathlon, voulait que ses produits maximisent le rapport qualité-prix, et que se crée une relation de confiance avec le client. A l’aube des 50 ans de la marque, qu’en est-il aujourd’hui ? Sont-ce encore là les piliers de la stratégie commerciale de Decathlon ?

«Oui, tout à fait, et toujours cette volonté d’être présent un peu partout sur le territoire, en implantant et continuant de maintenir –même s’ils ne sont pas toujours réellement rentables– des magasins de taille variable, offrant des gammes de produits adaptés à ces différents formats et à la demande… On peut dire qu’en 2025, la promesse de rendre le sport accessible au plus grand nombre, avec vraiment de bons rapports qualité-prix, est tenue!

S’y ajoute aussi tout le côté éco-responsabilité: réparabilité, seconde vie, produits éco-conçus… quels composants utiliser, des matières premières de quelle provenance et la conception de techniques innovantes, comme par exemple, pour notre gamme de housses de transport de kayak ou stand up paddle: avant, elles étaient colorées dans plusieurs bains de teinture nécessitant des litres et des litres d’eau, maintenant c’est le fil lui-même qui est pré-teinté dans la masse, ce qui permet de réaliser beaucoup d’économies, notamment en eau…

Avant, quand nous découvrions, ou que les clients nous ramenaient des produits, même légèrement défectueux, ils étaient détruits. Maintenant nous cherchons une solution, ils sont réparés –pour le textile: un bouton ou une pression qui manque, une couture défaillante…– et remis à la vente en «produits seconde vie» à moindre prix.

D’ailleurs, nous avons un partenariat avec l’IME de Carhaix, sur un projet d’inclusion et certaines jeunes filles que nous accueillons dans ce cadre, venant de l’atelier lingerie de leur établissement savent coudre et font du bon travail à ce niveau.»

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette inclusion de personnes en situation de handicap que Decathlon a eu à cœur de mettre en œuvre ?

«Je crois que le Decathlon de Perpignan était précurseur dans l’inclusion. Avec une collègue, qui maintenant a en charge cette mission au niveau national, nous avions commencé à voir ce qu’il était possible de faire pour accueillir et inclure dans le personnel ces jeunes venant d’IME, d’ESAT…

Arrivant en Bretagne, il m’a paru naturel de continuer à travailler en ce sens. A Carhaix, je suis responsable de cette mission d’inclusion.

Tous les mardis, une éducatrice de l’IME vient au magasin avec 5 jeunes filles que nous accompagnons, elles nous aident à la mise en rayon, cintrage, rangement des produits après les livraisons.

Cela se passe très bien. Il me tarde les mardis matin de retrouver toute cette petite équipe!

L’année dernière, j’ai également pris avec moi un jeune garçon de l’IME à l’atelier. Tous les lundis, je lui apprenais à réparer les vélos et cela lui plaisait beaucoup. Cette année, il a souhaité continuer à venir, s’intéressant aussi à la vente… Nous avons pu observer son évolution: il s’est épanoui, de plus en plus ouvert dans sa relation aux autres, il envisage maintenant de quitter le milieu protégé pour intégrer un lycée professionnel et préparer un CAP vente…

J’ai aussi contacté l’ESAT de Carhaix pour proposer que quelques-uns de leurs usagers intéressés puissent être mis en disponibilité pour venir à l’atelier cycle aider au montage des vélos. Deux jeunes hommes et une jeune fille sont ainsi venus travailler avec nous: autant d’expériences très positives aussi, pour eux comme pour nous…»

Vous vous êtes engagé en 2004 comme pompier volontaire. Comment et pourquoi avez-vous fait ce choix ?

«J’ai toujours aidé tout le monde dans mon voisinage. Pour la téléalarme de toutes les “petites mamies’’ de mon quartier, je figurais en premier sur la liste des numéros de téléphone à joindre en cas de problème…

Au travail et dans ma famille, je fréquentais quelques pompiers volontaires, cela m’a donné envie de m’investir moi aussi davantage dans l’aide au prochain. Je ressentais le besoin de me rendre utile.

D’ailleurs quelques temps avant de prendre la décision de m’engager dans cette voie, j’avais fait un bilan de compétences, dans la perspective d’une reconversion professionnelle. Je n’étais pas pleinement épanoui dans mon travail, j’aspirais à faire autre chose, à donner un sens à ma vie… Il en était ressorti tout ce qui est métiers liés à l’aide à la personne, au médical, ambulancier, etc.

Pompier volontaire était un premier pas qui me permettait de mettre un pied dans le médical et le social, sans bouleverser ma vie professionnelle, ni prendre financièrement de risque, car j’avais charge de famille…»

Comment s’articulent vie professionnelle, familiale, et engagement volontaire ? Comment s’organise la vie d’un pompier volontaire ?

«A Perpignan, comme c’était un gros centre de secours avec majoritairement des pompiers professionnels, il s’agissait de gardes casernées pour tous, professionnels ou pas. Contrairement aux plus petites structures où les volontaires sont astreints “au bip”.

Nous avions aussi l’avantage de pouvoir en permanence participer à des manœuvres et bénéficier de formations continues qui permettent d’acquérir des réflexes, des automatismes précieux dans les interventions difficiles…

Je parvenais toujours à coordonner mon travail à Decathlon et chez les pompiers. Il existe des accords entre les entreprises et les pompiers volontaires. Je posais mes disponibilités pour le mois suivant et m’organisais pour mes gardes de 12 heures, que je choisissais plutôt de nuit: de 19h30 à 7h30.

Je travaillais de 8 ou 9 h à 19 h, j’enchaînais directement sur ma garde puis, sans transition, je rembauchais à nouveau au magasin et cela 2 fois par semaine…

Quand on travaille à plein temps, c’est épuisant! Surtout que les pompiers volontaires ne sont pas épargnés: généralement, j’étais conducteur sur le premier départ d’ambulance: celui qui sort toute la nuit! Les nuits étaient donc très courtes, c’est un rythme qui ne peut durer qu’un temps… J’ai tenu plus de 10 ans!

L’engagement, l’esprit d’équipe et le travail lui-même chez les pompiers étaient vraiment très intéressants. J’ai beaucoup apprécié tout ce côté sanitaire, porter assistance… Cela me tenait à cœur. J’aimais vraiment ce que je faisais!

Mais le ratio vie privée –vie professionnelle très important, et déjà pas facile à trouver, se complique encore quand s’y ajoute l’engagement du pompier volontaire!

Je ne regrette absolument pas ces années, j’ai acquis tellement de connaissances et de compétences. C’est un bel engagement et une très bonne expérience!»

La pratique régulière d’activité sportive vous a-t-elle aidé dans votre quotidien de pompier ? A-t-elle même peut-être parfois été déterminante dans le succès d’une mission ?

«Déterminante pour le succès de missions… je ne sais pas, mais au quotidien, c’est certain! Même en ambulance: tu dois faire des portages, descendre du troisième étage, sur un brancard, des personnes qui pèsent 120 kilos, dans des escaliers en colimaçon… Il faut quand même avoir une certaine souplesse et un bon entraînement pour le faire, notamment au niveau de la résistance, du souffle…

Toutes les pratiques sportives: apnée, course à pied, foncier, que j’avais faites avant, m’ont beaucoup aidé. Mais nous ressentions, quant au niveau d’exigence sur notre condition physique, une pression constante, il ne fallait pas que l’on soit un poids pour eux: nous nous entraînions tout le temps pour toujours être en forme!

Il est vrai que, quand tu pars au feu, que tu portes tes rangers, ta veste de feu, ton casque, tes deux tuyaux, ta bouteille d’oxygène dans le dos, et que tu dois cavaler, dérouler les tuyaux, repartir, etc., là oui, c’est déterminant pour le bon déroulement de l’intervention dans un travail d’équipe. Quelqu’un qui ne suivrait pas à l’arrière, pourrait en compromettre l’aboutissement…

Chacun sait que sur un incendie, ce sont les premières minutes qui sont décisives. Comme on le dit toujours, quand un simple verre d’eau suffit à l’éteindre sur les premières secondes, au bout de deux heures, il en faut 120 mètres cubes!

Donc oui, la condition physique chez le pompier est déterminante!

De toute façon, pour entrer chez les pompiers volontaires, il faut passer des tests de sélection. Tests psychotechniques mais aussi physiques, qu’il est impossible de réussir sans une bonne condition physique et un réel entraînement sportif.

Et ces tests physiques, dans ce gros centre de secours, nous devions les repasser tous les ans.»

Avez-vous été mobilisé dans le cadre de lutte contre d’importants incendies ? Ressent-on dans ces cas-là un sentiment d’impuissance ou, malgré l’ampleur de la catastrophe, ressent-on l’utilité de son action ?

«Étant sur la caserne de Perpignan sud, un gros secteur de ville, je suis personnellement surtout intervenu sur des feux d’habitation ou des feux que l’on appelle “de broussailles”.

Les gros feux de forêt ont plutôt lieu l’été, période où viennent des renforts qui sont justement affectés sur ces sinistres en complément des pompiers des communes directement concernées. Nous, pendant ce temps-là, il nous fallait continuer à assurer la couverture de la ville.

Mais dans tous les cas, on ressent l’utilité de son action…

Quant au sentiment d’impuissance, à partir du moment où les personnes sont sauvées, le principal est fait… Je n’ai jamais laissé aucune vie dans un incendie, si ce n’est une fois, un poisson rouge dont l’eau de l’aquarium bouillait déjà tant la chaleur était élevée!

L’humain a toujours été secouru et sauvé.

Côté sanitaire, ambulance, c’est plus compliqué, “frustrant”: les pompiers sont souvent appelés quand c’est déjà trop tard… J’ai pratiqué beaucoup de massages cardiaques, deux ou trois chaque semaine, sans toujours sauver la personne.»

Pompier est un engagement qui amène parfois à se mettre soi-même en danger. Dans «le feu de l’action» pense-t-on à ces dangers ou est-on «grisé» par l’adrénaline et le désir de porter secours ?

«L’on ne pense pas au danger. L’objectif est d’arriver et d’intervenir au plus vite !

Mais nous restons quand même prudents. J’ai presque toujours été conducteur, les scènes des véhicules fonçant à toute allure sirènes hurlantes, grillant stops et priorités même dans les centres-villes ne sont pas justes! Les chefs d’agrès veillent à la sécurité, celle des équipages avant tout.

L’adrénaline est là: il faut y aller, tu te conditionnes… mais je n’ai jamais eu vraiment de problème, jamais eu peur non plus. Nous sommes très bien formés et les équipements sont maintenant tellement performants…

Et dans ce gros centre, je suis toujours tombé sur de bonnes équipes, composées de collègues de confiance que je savais bien formés et compétents.»

Parmi vos camarades y en a-t-il qui ont été blessés ou pire ?

«Non, je n’en ai pas connu. C’est très rare…

Les seules blessures chez les pompiers, c’est quand ils jouaient au foot! Des entorses…»

Votre épouse partageait-elle votre volonté d’engagement ?

Ne craignait-elle pas parfois que vous vous exposiez à certains dangers ?

«Elle me rappelait d’être prudent, mais elle était confiante. Le fait, comme je l’ai dit, d’être sur un gros centre, où tout était bien cadré, avec beaucoup de formation, de professionnels, rassure.

Ceci dit, même au bout de tant d’années, tu es content de savoir avec qui tu pars dans l’équipage. Le bon déroulement d’une intervention dépend beaucoup du chef d’agrès, de sa compétence et de la confiance que tu peux avoir en lui…»

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait s’engager dans cette voie ?

«C’est un engagement, il faut en être conscient et bien mesurer la disponibilité que cela demande et les contraintes que cela impose: les temps de garde, de formation, de recyclage…

S’assurer que le travail professionnel est compatible avec une vie de pompier. Idéalement, pour le faire dans de bonnes conditions, il vaudrait mieux que ce ne soit pas un temps plein, trouver le bon compromis, des arrangements horaires…

Mais quand tu es jeune, sportif et motivé, tu y vas!

Et c’est même un peu un piège, parce que, à la caserne, les pompiers sont ta seconde famille, plus tu y vas, plus tu as envie d’y aller!

Il faut réussir à trouver un bon équilibre entre la vie professionnelle, la vie de famille et celle de pompier!

Il est dommage qu’en France il y ait si peu de pompiers professionnels!

Parmi les pompiers volontaires, proportionnellement tellement plus nombreux, beaucoup auraient aimé en faire leur métier, cela m’aurait plu aussi!

Mais il y a si peu de concours organisés et si peu de places proposées: sur la période que j’ai faite –plus de 10 ans– je crois qu’il n’y a eu qu’une fois un concours de recherche professionnelle où ils prenaient peut-être une dizaine sur 6000 candidats!»

Vous avez poursuivi cet engagement pendant plus de 10 ans, qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ces années au service des autres ?

«C’est la misère humaine!

Nous intervenions souvent dans des quartiers de Perpignan où vivent des classes de la population très pauvres, où les gens qui appellent les pompiers ne consultent pas de médecin… Quand vous entrez dans les maisons, c’est inimaginable!

Cela n’a rien à voir avec les interventions auprès de gens plus aisés qui appellent vraiment parce que le malaise cardiaque est en cours…

J’ai aussi été marqué par la tristesse de personnes âgées qui meurent seules chez elles… Quand nous sommes appelés par des voisins alertés par l’odeur, le décès remontant parfois à trois semaines ou un mois peut-être, c’est terrible!

Très difficiles aussi, les interventions concernant des enfants. Je n’y ai personnellement pas été confronté, mais certains de mes collègues qui l’ont été, disent en être marqués à vie.»

La vie humaine est une merveille mais elle ne «tient qu’à un fil» ! Pensiez-vous, surtout à certains moments, à vous confier en Dieu ?

«Oui, surtout sur les incendies. Quand tu dois rentrer dans un immeuble en flammes, dans des sous-sols complètement enfumés: tu as ta ligne de vie, tu poses la main sur l’épaule de ton binôme et tu avances sans rien y voir en terrain inconnu…

J’ai le souvenir notamment d’une intervention sur un feu de combles, toute la laine de verre avait pris feu. Trop exigu pour y pénétrer à deux, je rampais, sous oxygène quand, alors que j’étais loin de la sortie, mes alarmes se sont déclenchées: je n’avais plus d’air! Peut-être un peu trop confiant dans l’habitude de l’apnée, je ne me suis pas trop inquiété, mais avec ma taille, à un endroit, ma bouteille s’est accrochée à une barre de la charpente –dans le Sud elles sont métalliques– j’étais complètement coincé! Prenant une dernière grande inspiration, j’ai finalement réussi à me dégager et pu regagner la sortie en apnée !»

Qu’est-ce qui vous a amené à venir en Bretagne depuis Perpignan ? Une mutation dans ce sens doit être peu demandée ?

«D’origine, je suis breton: mon père est remonté dans sa généalogie jusqu’en 1200 et quelque chose, je crois !

Avec Pauline, nous étions habitués à venir très régulièrement en Bretagne. C’est une région qui nous plaisait : la côte, la mer, la voile ! Et j’ai toujours eu à cœur de revenir un jour y vivre. Je pense que le Breton est voyageur, mais quand même très attaché à ses origines, à ses racines. Il revient toujours à un moment ou un autre! Encore me fallait-il trouver le bon ! J’étais un peu «frileux», mais le contexte m’y a aidé…

A Perpignan, après la période Covid, les masques, l’enfermement, je ne me voyais pas retourner à Decathlon…

Ayant quelque temps auparavant développé un partenariat avec une école de voile habitable, il s’est trouvé que son fondateur, devenu un ami, m’a proposé de venir travailler avec lui. Le milieu de la mer me convenait, donner des cours de voile, s’occuper de la maintenance des bateaux aussi, j’étais déjà bricoleur… J’ai accepté et pris une disponibilité.

Sur les chantiers, je suis devenu son grimpeur : j’allais notamment faire tous les travaux en tête de mât ! Mais comme il me fallait un titre professionnel, j’ai postulé à l’INM –Institut Nautique de Méditerranée– de Saint-Cyprien qui forme au métier de la maintenance en marine de plaisance. Vu mon dossier, j’ai été accepté sans problème et me suis lancé dans cette formation, en reconversion professionnelle.

Au moment où je finissais cette formation, mon père est décédé à Concarneau. Sur la route du retour vers le Sud après les obsèques, j’ai pris la décision: je ne voulais pas laisser ma mère maintenant seule, en Bretagne…

Mais je dois dire aussi qu’entre temps, par le témoignage quotidien d’une voisine chrétienne puis les échanges avec son pasteur, nous avions été peu à peu éveillés aux réalités spirituelles et amenés à faire une grande rencontre avec Dieu… Cela a bouleversé notre vie. Nous sommes devenus membres de l’assemblée protestante proche de chez nous. Nous avons vraiment trouvé ce qui nous manquait, ce qu’inconsciemment nous recherchions.

Tout le côté angoissé de ma personnalité, la peur du lendemain qui m’affectaient, ont disparu, ainsi que les appréhensions qui m’empêchaient de faire ce grand pas de tout quitter à Perpignan. Je l’ai vécu comme une libération qui m’apportait plénitude, sérénité et confiance.

Tout s’est dès lors très vite et très bien enchaîné.

Pour ma mutation, j’ai demandé les 12 Decathlon bretons sauf le Centre-Bretagne. Depuis longtemps, je rêvais de travailler dans le gros rayon voile d’un des grands magasins de la côte, de Saint-Malo à Vannes en passant par Saint-Brieuc, Morlaix, Brest, Quimper, Concarneau ou Lorient.

Malgré toutes mes spécialités en sport nautique, dans un premier temps, il ne m’a été proposé que le rayon vélos du petit Decathlon de Carhaix !

Nous étions déterminés à partir, il est vrai aussi que la vie dans le sud de la France devenait difficile pour nous : tout ce monde l’été, la ville, la chaleur que je supportais de moins en moins bien…

J’ai donc accepté. Nous avons vendu voilier puis maison là-bas et très rapidement trouvé une longère à acheter ici, avec du terrain, à la campagne tout en étant proche de la mer. La famille y est depuis bien installée… Nous savons bien que nous ne sommes pas arrivés dans ce Centre-Bretagne que nous découvrons, par hasard et même si tout n’est pas toujours facile, nous ne regrettons pas ce choix, nous sommes heureux et confiants pour l’avenir !»