Mais c’est vers le milieu du XIXe siècle que son exploitation va connaître sa « révolution industrielle » grâce aux forages et derricks. Il a d’abord vocation à remplacer les huiles animales dans les lampes à huile. Mais à la charnière du XIXe et du XXe siècle, avec l’invention de l’ampoule d’un côté, et l’industrialisation de la production automobile de l’autre, c’est vers les carburants que l’industrie du pétrole va se tourner.
Les chocs pétroliers
Elle prospère partout où des gisements sont découverts. La production et la consommation triplent en 20 ans après la Seconde Guerre mondiale avec la relance économique qui s’ensuit. Mais après les « Trente Glorieuses », une nouvelle aire commence au début des années 1970: celle des chocs pétroliers liés aux crises géopolitiques. Le prix du baril de pétrole quadruplera (passant de 2,6 à 11,7$) avec le premier choc pétrolier de 1973 suite à la guerre du Kippour. Puis viendra le second choc en 1979 (avec la chute du Shah d’Iran et la guerre Iran-Irak), où le prix du baril sera quasiment multiplié par 3 (passant de 13 à 35$).
Les économies étant devenues dépendantes du pétrole, ces chocs entraînent des crises économiques.
Les pays industrialisés vont chercher à réduire leur dépendance au pétrole ainsi que leur consommation (avec par exemple le développement du nucléaire). Dans le même temps, d’autres champs de production s’ouvrent (devenant rentables au vu de l’augmentation du prix du baril).
S’ensuivent des années de « surproduction » en comparaison de la demande. Mais si les prix baissent, les économies peinent à repartir et à retrouver les taux de croissance connus avant les chocs pétroliers.
Le litre de gazole à 0,54 €?
Cependant au début du XXIe siècle, les prix repartent rapidement à la hausse. Plusieurs facteurs en sont la cause. D’un côté, la spéculation sur l’épuisement des réserves mondiales (et une prise de conscience que la ressource n’est pas illimitée), et de l’autre de nouveaux marchés qui s’ouvrent et connaissent de fortes croissances, notamment dans les « pays émergents » comme la Chine, qui accroissent fortement la demande.
En 2008, c’est un nouveau choc pétrolier. Le baril atteint pour la première fois les 100$ en janvier 2008. Mais 6 mois plus tard, il sera à 147$!
La crise économique qui sévit alors (et donc la baisse de la demande) le fait rapidement repasser sous les 100$ puis sous les 65$ pour la fin du mois d’octobre.
Depuis, le cours connaît des hausses et des baisses irrégulières, au gré des événements et des spéculations qui les accompagnent. Mais ces dernières années ont vu les prix à la pompe augmenter fortement.
En 30 ans le prix du litre de gazole est passé de 54 centimes en janvier 1992 à 1,80€ en 2023! Si le prix du baril de brut fluctue constamment, le prix à la pompe reste depuis 2 ans globalement « coincé » entre 1,70€ et 2€ le litre pour le gazole comme pour l’essence. En cause notamment la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Du cours du baril au prix à la pompe…
Le cours du baril de pétrole brut étant quant à lui très volatil, les consommateurs ont souvent l’impression de ne pas retrouver toutes les répercussions à la pompe (notamment les baisses).
Cette impression est partiellement vraie. En effet, le cours du baril de brut est bien plus volatil que celui du prix du carburant à la pompe. Ce dernier suit globalement la même trajectoire, mais dans des proportions moindres.
Si plusieurs facteurs entrent en jeu pour l’expliquer, il convient tout d’abord de comprendre la composition du prix du carburant à la pompe.
Avant d’arriver dans le réservoir du véhicule, le pétrole est d’abord extrait, puis acheminé vers une station de raffinage, puis vers un dépôt, et enfin, à la pompe de la station. La compagnie d’exploitation fixe un prix de la matière première, puis chaque intervenant y ajoute sa prestation et sa marge. A tout cela viennent s’ajouter les taxes du pays dans lequel il est vendu. En France, elles sont particulièrement élevées.
Des taxes à hauteur de 50 à 60% du prix!
Ainsi il est estimé qu’en France, 50 à 60% du prix du carburant est composé par les taxes (qui varient selon la nature du carburant), et 40 à 50% vient du prix de la ressource elle-même.
Le prix de la ressource se compose pour 4/5e de la part extraction et raffinage, et pour 1/5e du transport et de la distribution (ces derniers ne pèseraient donc en moyenne que 7 à 8 centimes par litre de carburant).
La part des taxes se répartit quant à elle entre la TICPE (ex TIPP) à hauteur d’environ 40% du prix de la ressource (variable selon le carburant), et de la TVA à hauteur de 20% du prix de la ressource et de la TICPE. En effet, la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) s’applique bien sur le montant de la taxe précédente aussi, bien que la « Valeur Ajoutée » de cette dernière au produit soit sujette à discussions!
Ainsi le ministère de l’économie propose l’exemple suivant : sur 1 litre de gazole à 1,90€, 98 centimes viennent du prix du carburant, 60,75 cts viennent de la TICPE, 19,60 cts de la TVA sur le prix du carburant, et 13,40 cts de la TVA sur la TICPE.
Le poids du taux de change euros – dollars ?
Les taxes expliquent donc une grande partie du prix payé à la pompe. En 2022 la TICPE a rapporté près de 20 milliards d’euros à l’état (4e source de revenus de l’état après la TVA, l’impôt sur le revenu et sur les sociétés). Il en reversera un peu moins de la moitié aux collectivités territoriales.
Or ces taxes ont significativement augmenté durant les 10 dernières années. La TICPE a ainsi intégré une composante carbone en 2014 qui l’a fait augmenter de près de 40% pour le gazole. La baisse des cours ces années-là a permis d’en limiter le ressenti, mais la remontée de ces dernières années s’en trouve accentuée.
Enfin, il faut également tenir compte du fait que le tarif du baril est estimé en dollars. Le taux de change entre l’euro et le dollar va donc entrer en compte au moment de l’exportation. Un taux de parité en faveur de l’euro réduira le coût du carburant et vice versa. Cette parité entre les monnaies peut alors accentuer ou au contraire annuler l’évolution du cours du baril de pétrole.
Le talon d’Achille de l’économie?
La France, qui importe la quasi-totalité de son carburant, est donc très dépendante des cours internationaux qui, eux-mêmes, sont sensibles aux crises géopolitiques (guerres, embargos, stratégies économiques des pays producteurs, etc.) L’actualité et la crainte d’un nouveau choc pétrolier ne présagent donc rien de bon pour notre pouvoir d’achat… d’autant que malgré la volonté affichée depuis des années de s’affranchir de la dépendance au pétrole, ce dernier reste le « carburant » de nos économies, et l’un des principaux facteurs de l’inflation.
Guillaume Keller