Pour contrer l’armée franco-anglaise qui, à partir des côtes bretonnes, tentait de remettre en place un pouvoir royaliste, les armées républicaines du Général Hoche furent rejointes par des troupes venues de Brest, Rennes et Nantes. Les émigrés français et les soldats anglais qui avaient débarqué à Carnac le 27 juin 1795 furent totalement défaits en presqu’île de Quiberon. Sur les 6000 prisonniers faits, 627 émigrés et 121 Chouans furent exécutés.

Parmi ces derniers, y avait-il ceux qui, le mois précédent, avaient projeté d’attaquer la garnison de Carhaix ?

Les Anglais appelés à la rescousse

Le comte de Puisaye, général de l’armée royale de Bretagne, s’étant rendu à Londres, avait réussi à convaincre le premier ministre anglais Pitt de la possibilité d’une victoire militaire royaliste en France.

Pour se tenir prêt à la grande offensive liée au débarquement des forces franco-anglaises sur les côtes bretonnes, les Chouans avaient prévu d’attaquer la poudrerie de Pont-de-Buis, pour récupérer des munitions.

C’est ainsi qu’un fort détachement de 500 à 600 Chouans, sous la direction de Lantivy, entreprit une expédition à travers le département du Finistère, à partir de Guern. Les déplacements devaient s’effectuer le plus discrètement possible, sans donner l’éveil aux troupes révolutionnaires qui les traquaient sans relâche. La marche se faisait en silence, les conversations se tenaient à voix basse.

L’aller se fit par Leuhan, Edern et Briec. Plusieurs prêtres assermentés rencontrés sur leur route, comme Yves Goraguer à Briec, Yves David à Gouézec, ou encore Jean-Marie Guillou à Saint-Ségal, furent froidement assassinés. Vengeance locale ou crainte de dénonciation ? Mais bien souvent la population leur réservait un accueil favorable. L’attaque de la manufacture de Pont-de-Buis leur permit de remplir 3 charrettes de barriques de poudre. Le retour était prévu par Châteauneuf-du-Faou, Landeleau, Plévin…

 A Landeleau, où la troupe arriva le 19 juin en fin de matinée, 30 ou 40 Chouans firent halte au presbytère. Ils demandèrent au curé du lieu, Jean Guillaume Le Bris, s’il avait prêté serment. Il répondit par l’affirmative. Les Chouans, après avoir pillé le presbytère, décidèrent de l’emmener avec eux. Ils lui proposèrent même de monter le cheval du curé de Saint-Goazec qu’ils avaient tué.

«Autant vaut-il me tuer à pied qu’à cheval», répondit le courageux ecclésiastique. «Cela n’est pas encore décidé», lui répondirent les Chouans.

La garnison de Carhaix, avait-elle reçu des renforts ?

La suite de cette aventure, c’est Jean Guillaume Le Bris lui-même qui la raconta quelques jours plus tard à Yves Melscoët, administrateur du district de Carhaix, et Jean-François Le Cornec, procureur syndic. Ils étaient passés par Pont-Triffen, puis par Bois Garin, Saint-Hernin, où ils firent une halte de 13h à 15h. Puis ils prirent la direction de Bronolo par Lescleden.

En coupant la route qui relie Carhaix à Gourin, au lieu dit Goarenvec, ils envoyèrent un détachement sur la route de Carhaix pour s’assurer qu’aucune force républicaine ne venait à leur rencontre. Certains Chouans proposèrent d’attaquer les garnisons de Motreff et de Carhaix, considérées comme très faibles. Ils interrogèrent Jean Guillaume Le Bris à ce sujet. Celui-ci déclara alors  qu’il ne connaissait pas l’état de la garnison de Carhaix, mais qu’il avait entendu dire qu’elle devait recevoir des renforts, qui étaient peut-être déjà arrivés.

Au château de Kerlouet, les prisonniers sont libérés

L’ardeur des Chouans les plus belliqueux se refroidit alors, et les conseils des plus prudents, qui rappelèrent que leur mission était de ramener de la poudre et non d’attaquer les garnisons républicaines, l’emportèrent.

 Les chefs chouans remercièrent leur prisonnier, qui fut relâché, ainsi que sa domestique qui avait été emmenée avec lui, à leur arrivée au château de Kerlouet en Plévin. A plusieurs reprises, on lui avait affirmé qu’il n’avait été emmené que pour qu’il ne puisse alerter les autorités de leur passage. Leur chemin de retour vers Landeleau fut laborieux. Ils se perdirent en route, trouvèrent un abri pour la nuit chez le dénommé  Le Cloarec à Penanjun. Ce n’est que le 22 juin que Jean Guillaume Le Bris put faire un rapport aux autorités administratives de Carhaix. Les Chouans avaient rempli leur mission, mais le soulèvement de la Bretagne ne se fit pas. C’est ainsi que cette tentative, grevée par des dissensions internes, se termina par la défaite du 20 juillet 1795, et la reddition de milliers de combattants. Des combats de moindre envergure, se poursuivirent, avec moins d’ardeur après le coup d’État de Bonaparte du 18 brumaire (9 novembre 1799), menés par des personnalités comme Georges Cadoudal, qui ont marqué l’histoire et la mémoire de la Bretagne.

F.K.