Ainsi, fin août, 17 «climate warriors» («guerriers du climat» tels qu’ils se nomment eux-mêmes) ont-ils affrété un bateau suédois – le Malmö – pour s’en aller voguer vers le pôle Nord afin de constater la fonte des glaces et d’alerter l’opinion publique mondiale sur ce désastre notoirement méconnu…
Las, parvenu début septembre à la hauteur des îles Svalbard, soit à 1400 km du Pôle, le Malmö s’est trouvé bloqué par l’avancée des glaces, puis pris par elles. Les valeureux guerriers ont dû quitter le navire, et être évacués par hélicoptère, opération fort coûteuse, et désastreuse en termes de «bilan carbone»…
On comprend que la mésaventure de ces «lanceurs d’alerte» n’ait pas fait la Une des médias. Elle aurait pu attirer l’attention sur le fait que la banquise a regagné près d’un million de km² en 2019 par rapport à 2012…
Plus récemment, c’est une opération-choc menée en Suisse par l’organisation Extinction Rebellion, réseau international de «désobéissance civile climatique», qui a reçu un accueil pour le moins mitigé : pour alerter sur «l’effondrement imminent de l’écosystème», sa branche helvétique a coloré la Limmat – rivière qui traverse la ville de Zurich – en vert fluo à l’aide d’uramine, substance «dont la toxicité équivaut à celle du sel de cuisine» a précisé l’organisation XR, de façon peu convaincante quand on sait l’effet du sel sur la faune et la flore en eau douce…
Notre société marquée par l’hyper-communication connaît ainsi, et particulièrement en matière de «climat», une inflation d’actions plus spectaculaires les unes que les autres. On y fait assaut d’imagination pour frapper les esprits, afin d’alerter, de mobiliser, de «conscientiser» – dit-on désormais – de s’indigner, de protester…
L’on marche pour le climat et contre le réchauffement, comme on marche pour tout et contre tout, et son contraire !
Certes, la marche est bonne pour la santé – et notre hymne national exhorte les «enfants de la patrie» que nous sommes: «marchons, marchons…» – mais l’on pourrait craindre que tout le monde alertant tout le monde, personne n’écoute plus vraiment personne, et que l’alerte, l’indignation et la protestation ne tiennent lieu d’action, que la parole ne remplace l’acte, que dire ne dispense de faire ; d’autant plus que ce sont surtout les autres à qui il est demandé d’agir…
Bref, que dans cette société du spectacle qui est nôtre, la gesticulation n’en soit le clou dont la plupart se contentent.