«Les premiers produits contrefaisants datent de l’antiquité, c’étaient des bouchons d’amphores romaines qui avaient été copiés pour faire croire que l’huile et le vin venaient d’une région alors qu’ils en venaient d‘une autre…», rappelle Delphine Sarfati-Sobreira, alors Directrice générale de l’UNIFAB (Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle) lors d’une interview. Si le principe est resté le même depuis cette époque, ce qui a changé, outre les moyens techniques, c’est l’échelle de ce «commerce» du faux !
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En effet, rien que pour l’Union Euro-péenne, le total de la contrefaçon était estimé à quelque 119 milliards d’euros! Soit environ 5,8% des importations de l’UE selon une étude de l’OCDE.
Bien entendu, ces chiffres ne sont pas précis et résultent d’estimations faites à partir des saisies des services de la douane, puisque, par définition, les ventes de contrefaçons ne bénéficient pas de suivi, essayant de passer «sous les radars»!
2700% d’augmentation en 26 ans !
Pendant longtemps principalement axée sur les produits du luxe, de l’art, ou des grandes marques de mode, la contrefaçon s’est largement industrialisée pour atteindre un grand nombre de «produits du quotidien». Tout se contrefait, des baskets aux médicaments, en passant par les cartes Pokémon (dont certaines rares valent d’ailleurs des milliers d’euros), ou par les stylos, les pièces détachées, etc.
Toutefois, les grandes marques restent les principales cibles des contrefacteurs. La France est d’ailleurs le pays le plus ciblé derrière les Etats-Unis et devant l’Italie.
A contrario, 65% des produits contrefaisants viennent d’Asie, mais 25% viennent tout de même d’Europe.
La contrefaçon représenterait entre 2,5% et 3% du commerce mondial. Rien qu’en France, les douanes avaient saisi 5640000 articles contrefaits en 2020 contre 200000 en 1994… ce qui représente une augmentation de 2700%, soit une multiplication par 27. Mais cet incroyable développement ne s’arrête pas là: en 2022 c’étaient 11530000 articles qui avaient été saisis et retirés du marché! Soit encore deux fois plus que deux ans plus tôt! Pour 2023, la tendance se serait encore accélérée pour atteindre les 20 millions d’articles interceptés!
Un peu plus de la moitié de ces volumes concernaient des jouets et jeux divers (d’ailleurs il est estimé que 9% des jouets sont des faux… soit près d’un sur dix!), environ 7,2% concernaient des produits de soins du corps, 4,5% des vêtements, 3,7% des chaussures, 3,5% des produits alimentaires, etc. Même les médicaments ne sont pas épargnés en France puisque près de 280000 faux ont été saisis en 2022. A l’échelle mondiale, il est estimé que c’est près d’un médicament sur 5 qui est faux.
Quand la vente en ligne facilite le développement de la contrefaçon…
Cette croissance vertigineuse de la contrefaçon s’explique, outre le fait que le marché soit très lucratif, par l’accroissement du e-commerce et du développement des plates-formes d’achat et vente en ligne. Cela a permis d’accroître les débouchés pour les faussaires, y compris sur les sites de vente d’occasion! A ces nouvelles ouvertures s’ajoutent aussi des facilités de «contrebande». En effet, le fort développement de la vente à distance permet aux contrefacteurs de «noyer» leurs colis dans le flot des colis liés au e-commerce. Ainsi, s’ils envoient de plus petits paquets, ils ont toutes les chances que cela passe inaperçu aux douanes et, en cas de contrôle, il y a moins de marchandises saisies… mais les douaniers ont aussi leurs techniques pour essayer de repérer les colis suspects!
En dehors d’internet, les principaux débouchés sont les marchés et les ventes à la sauvette. Les jeunes sont une cible particulièrement recherchée.
40% des consommateurs français ont déjà acheté une contrefaçon
Une étude de l’IFOP pour l’UNIFAB et l’INPI actualisée en 2023, nous apprend que 20% des jeunes de 15 à 18 ans déclarent consommer principalement des articles de sport contrefaisants!
40% des consommateurs français ont déjà acheté de la contrefaçon (+3% par rapport à 2018). Les 3 principales catégories de produits sont les vêtements hors sport (19%), les parfums (17%) et les articles de sport (16%).
34% des Français ont déjà acheté de la contrefaçon en pensant acheter un article authentique… Mais encore 48% des 15-18 ans considèrent qu’il n’y a pas de différence entre un faux produit et un authentique! (Soit -9% par rapport à 2018).
Cependant, comme le rappellent les fabricants officiels et les autorités, l’utilisation de produits contrefaisants n’est pas sans risque! En effet, ils ne sont soumis à aucun test, que ce soit dermatologique pour les produits de soin du corps et vêtements, ou de solidité pour les pièces détachées, de respect de normes pour les jouets ou l’électroménager, etc. Ainsi un constructeur sollicité pour tester des produits suspectés d’être contrefaisants révélait que les roulements à billes qu’il produisait résistaient à environ 1000h de test, là où les imitations ne tenaient que 5h!
Et que dire des faux médicaments…!
Contrefacteurs, vendeurs et acheteurs sont justiciables…
Ce n’est donc pas pour rien que les autorités ont prévu de lourdes peines pour punir la contrefaçon. Et attention, contrefacteurs, revendeurs, ou acheteurs encourent des peines proches! Même si dans la pratique, les acheteurs sont plus rarement poursuivis, ils écopent parfois d’une amende équivalente à 1 ou 2 fois la valeur du produit contrefait. Les peines prévues par la loi sont 3 à 4 ans d’emprisonnement et 300000 à 400000€ d’amende. Cette peine peut être aggravée à 7 ans d’emprisonnement et 750000€ d’amende si les marchandises se révèlent mettre en danger la sécurité ou la vie de l’homme ou de l’animal.
Pour éviter toute déconvenue, les douanes rappellent de toujours bien vérifier si le type de vendeur est en cohérence avec le produit acheté (on n’achète pas des produits de luxe sur un marché), si le prix reste cohérent (les trop belles affaires sont souvent des contrefaçons), si le produit est acheté à distance, de vérifier la fiabilité du vendeur, et à la réception le type d’emballage, la qualité des matériaux du produit, la finition, mais aussi les étiquettes et le mode d’emploi (la présence d’erreurs et fautes, etc.)
A l’approche de Noël, soyons vigilants pour ne pas être les prochaines victimes de cet immense marché du faux!
Guillaume Keller