Les dernières études de consommation l’attestent, les produits italiens ont à nouveau enregistré en France une hausse moyenne de près de 5% de leurs ventes en 2020! Mais quels sont donc les ingrédients explicatifs d’un tel succès ? Gastronomique, culturel, économique ? Invitation au voyage, à la convivialité, à la simplicité ? La recette est riche et complexe… Mais manifestement, quand on parle de pasta fresca, de risotto, de mozzarella, de coppa, de panettone, mais aussi de tiramisu et bien sûr de pizzas… les Français en ont l’eau à la bouche !
Chaque Français consomme en moyenne 10 kilos de pizzas par an… 819 millions de pizzas sont ainsi annuellement dégustées, ce qui place la France dans le trio de tête des plus gros consommateurs, derrière les États-Unis, mais devant l’Italie. Certes, les statistiques ne sont pas toujours de bons indicateurs… tant on sait que derrière une même dénomination peuvent se cacher des réalités bien différentes! Et en cela, la «pizza» est vraiment un exemple!
« Une cuisine simple et goûtue »
Mais un autre chiffre reflète peut-être mieux cette «faiblesse» française pour la cuisine italienne: la France compte plus de 16 000 restaurants italiens… soit un sur dix sur l’ensemble du territoire hexagonal ! Et désormais, même les grands chefs français, tels Alain Ducasse, Pierre Gagnaire, Éric Frechon… se toquent de cuisine italienne.
En réalité, l’engouement n’est pas nouveau, mais date d’une dizaine d’années, avec une nouvelle ampleur depuis 2-3 ans. Portés par un autre phénomène culinaire, le «fait à la maison», les produits italiens se sont invités dans la cuisine des Français…
Pour Thierry Girardeau, spécialiste de la cuisine traditionnelle italienne, «la tendance vient d’abord de la volonté de plus en plus de nos compatriotes de manger bon et sain, d’allier gastronomie et bien-être… Et si on retrouve dans les produits italiens les mêmes notions d’origine, d’authenticité et de valeur que dans la cuisine française… l’italienne est davantage considérée comme une cuisine d’assemblage, avec moins de préparation, pour un résultat très goûteux».
Cette conquête des papilles des Français est très largement visible dans les achats au quotidien, qu’ils soient en GMS ou dans des épiceries fines, spécialisées.
+16,2% pour les pâtes fraîches
L’an dernier, selon l’IRI, cabinet d’analyse et d’étude de marché, les catégories très typées italiennes, comme les pâtes, le riz à risotto, la charcuterie (jambon…) les condiments (pesto…) ou encore les fromages (mozzarella, buratta…), ont enregistré une hausse moyenne de leurs ventes de 6,2% en volume. En valeur, certains produits de la «cucina italiana» telle la mozzarella, ont bondi de 8,3%, le vinaigre balsamique de 10,5% ; quant au parmesan, il a atteint une croissance à deux chiffres avec +11,6%, un record ! Seuls les vins sont à la peine avec une baisse de 9,1% ! Certains chauvins diront qu’ils souffrent vraiment de la comparaison avec ceux de nos terroirs !
Sans surprise, les pâtes sont le «produit» le plus consommé par nos compatriotes, pesant à lui seul plus de 650 millions d’euros, et celui dont la croissance des ventes est la plus élevée, oscillant entre 8,2% et 16,2% en valeur. Mais «la croissance provient des produits «premium» et bien-être: pâtes complètes, bio, tréfilées au bronze, dessins spécifiques, tous ces segments progressent. Le haut de gamme a été multiplié par trois en cinq ans» analyse un spécialiste du cabinet Nielsen.
Du côté traiteur, les pâtes fraîches ont particulièrement la cote… «Des marques comme Giovanni Rana, par exemple, ont beaucoup contribué à doper cette famille» explique le responsable des achats d’une centrale de supermarchés.
Les recettes au pesto…
Mais il faut aussi reconnaître que face au succès du «made in Italia», les industriels ont multiplié les innovations. Ce que confirme Alexandre Kardaszewicz, président d’Issimo, spécialiste de produits italiens de qualité pour GMS : «Nous allons ajouter quatre nouvelles références de raviolis à destination des gourmets, comme gorgonzola et poires ou truffes et girolles.
Ce marché représente déjà 530 millions d’euros, on voit arriver de plus en plus d’acteurs avec un mouvement vers le haut de gamme». De là à penser que les palais français en matière de plats italiens deviendraient de plus en plus fins et exigeants, il n’y a… qu’une bouchée ! Toutefois, malgré tout, il convient d’apporter un bémol, car ce sont encore les gnocchis à poêler qui représentent le premier contributeur à la croissance des pâtes fraîches, à 55%.
Au niveau des sauces, la dynamique est identique: l’offre s’accroît en se valorisant avec une accélération de la sauce tomate sans viande et du pesto. «Pendant les confinements, la recette des pâtes au pesto était la première recherche des internautes, suivie de celle des lasagnes», souligne la responsable des ventes chez Barilla.
Du côté des fromages, la touche italienne fait mouche. «Quand on regarde les différents segments du marché, la croissance est tirée par les pâtes fraîches et dures». Et les innovations sont nombreuses, au risque de faire hurler les puristes ! La traditionnelle «mozzarella au lait de vache» se décline au chèvre, prend un goût fumé, ou devient bio en complément des versions «burrata» et «di buffala». Cette dernière variété est «deux fois plus chère qu’une recette au lait de vache et contribue à 30 % de la valeur du marché» explique-t-on chez Treo.
Quand le voyage forme le goût !
Mais nombre de consommateurs français connaissent les différences entre les produits et sont demandeurs de qualité, notamment de produits avec des signes de qualité AOP et IGP italiens. C’est ce que révèle une récente étude menée par Infopro Digital Études pour Cibus. 90% des Français affirment manger régulièrement «italien», dont un tiers au moins une fois par semaine. Si les marques les plus citées sont Barilla (88%), Lavazza (81%), Galbani (73%), Giovanni Rana (49%) et Carapelli (46%), côté produits, ce sont le vinaigre balsamique de Modène AOP/IGP (72%), le parmigiano -reggiano AOP (56%), la coppa de Parme IGP et la mortadelle de Bologne IGP (48%) qui sont les plus connus. À noter que les Français ayant déjà voyagé en Italie sont à la fois plus exigeants et plus connaisseurs en termes de qualité. Mais rien de tel que de donner la parole aux apprentis cuistots italiens qui sévissent dans nos cuisines pour comprendre «il grande successo» !
« Généreuse, familiale… »
Ce qu’ils apprécient d’abord, c’est la qualité et la variété des produits qui permettent non seulement de faire de nombreuses recettes goûteuses et variées, mais aussi «de voyager» à petit prix avec des produits de terroir très abordables !
Car la cuisine italienne, pour 67% des Français, c’est avant tout un goût… qui fait voyager ! Ce que confirme à sa façon Giovanni Passerini éponyme du restaurant parisien, élu « Meilleur restaurant italien du monde » par le guide 50 Top Italy : «La cuisine italienne n’existe pas ! En réalité, des milliers de cuisines régionales reflètent la variété culturelle du terroir, il faudrait plutôt parler DES cuisines italiennes… Pourquoi ? Contrairement à la France, l’unification de l’Italie ne date que de la seconde moitié du XIXe siècle.
Auparavant, il existait une multitude d’États indépendants avec des traditions culinaires bien ancrées et des recettes qui se transmettaient par voie orale, accentuant cette diversité… qui demeure».
Bref, vous l’aurez compris, les raisons du succès de la «cucina italiana» sont nombreuses. Quoi qu’il en soit, l’alchimie culinaire semble réelle. Mais c’est peut-être le très médiatique Cyril Lignac, l’un des derniers chefs en date à embrasser les spécialités transalpines, qui résume le mieux le sentiment des Français : «La diversité des terroirs italiens est une merveilleuse source d’inspiration. C’est une cuisine raffinée, sans sophistication, à base de produits simples, mais d’une grande richesse gustative. Une cuisine du quotidien, généreuse, familiale, réconfortante. J’aime cette cuisine et j’ai eu envie d’aller plus loin, de me l’approprier».
Attention aux hérésies culinaires !
Pas étonnant que le livre «On va déguster l’Italie», malgré ses 3,250 kilos et son prix relativement élevé (42€) se classe, au premier semestre 2021, parmi les toutes meilleures ventes de livres pratiques en France…
Mais attention, car souvent, même pour les plats les plus anodins, nombre de Français frôlent le sacrilège culinaire ! Or, sachez-le, comme le reconnaît le chef Giovanni Passerini : « Les Italiens rigolent de beaucoup de choses, mais pas avec la cuisine ! C’est le cas de la cuisson des pâtes, tout un art ! Dans tout vrai restaurant italien, il y a un service dédié aux pâtes, la cuisson minute, la texture al dente, il faut savoir maîtriser ! » Qu’on se le dise !