Sambany vit immédiatement là sa dernière chance. Pour payer son voyage vers la côte, il vendit son champ où il cultivait du riz et se mit en route. Dans son état, il ne pouvait pas entreprendre un tel voyage tout seul. De son village isolé, il fallait commencer par traverser, à pied, de vastes forêts. Grâce à six amis qui le portèrent pendant deux jours, il put atteindre un village desservi par des bus. Mais au terminal du bus, une grande déception l’attendait. Malgré la vente de son champ de riz, il n’avait pas assez d’argent pour le billet. C’est grâce à un étranger généreux qu’il put finalement acquérir son billet pour la côte et se présenter devant le vaste navire-hôpital.
Douze heures d’opération
Le Dr Gary Parker qui l’examina, voyant la tumeur impressionnante, savait qu’une opération serait très risquée, mais comment refuser cette dernière chance à l’homme qui avait dépensé tous ses biens pour être secouru ?
L’intervention extrêmement délicate demandait beaucoup de préparations et, de toute façon, il fallait que Sambany reprenne d’abord des forces.
Ce fut donc deux semaines plus tard que l’intervention eut lieu. Pendant douze heures, l’équipe médicale s’activa pour réduire l’immense tumeur, et il fallut que 17 membres du personnel donnent du sang pour compenser la perte.
Mais l’opération réussit au-delà de tout ce que l’on pouvait espérer, la tumeur qui pesait 7, 46 kilos put être entièrement enlevée. Grâce à l’équipe bénévole de ce navire-hôpital, composée d’une centaine de personnes, Sambany put repartir, guéri, vers son village après plusieurs mois de convalescence.
Voir cet homme si reconnaissant et rayonnant de joie était déjà pour les médecins et soignants une récompense. Comme le disait un membre du personnel : «Nous avons tous lutté pour sauver sa vie, mais par sa joie, il a aussi transformé nos vies.»
Des appels au secours d’une petite fille
L’opération de Sambany n’est qu’un exemple, parmi une foule d’autres, des soins prodigués gratuitement en différents points du monde par l’association «MercyShips» (les navires de la miséricorde).
L’idée de ces hôpitaux flottants vient de Don et Deyon Stephens, un couple qui avait à cœur de consacrer leur temps et leurs biens pour venir en aide à tous ceux qui ne peuvent pas se payer des soins de santé et dont le pays ne possède pas suffisamment de structures médicales pour faire face aux immenses besoins des populations. Ce désir est né lorsque, en 1964, à l’âge de 18 ans, Don eut l’occasion de visiter les Bahamas avec des membres de son église et où il fut témoin d’un ouragan dévastateur.
Le souvenir des scènes terribles qu’il avait vues et des appels au secours d’une petite fille qui priait pour qu’un bateau surgisse pour les délivrer, resta gravé dans son cœur, et dès ce jour, il savait ce qu’il voulait faire de sa vie…
Dans un monde où des multitudes n’ont pas accès à des interventions chirurgicales dans de bonnes conditions, dans un monde où des millions d’enfants, de jeunes et d’adultes meurent faute de soins, il voulait créer une structure médicale accessible au plus grand nombre.
En étudiant la carte du monde, Don Stephens se rendit compte que 95 des 100 plus grandes villes de la planète étaient des villes portuaires et que près de la moitié de la population mondiale vivait à moins de 150 km d’une côte. Alors, comme une évidence, cette idée de grands navires équipés comme un véritable hôpital, s’imposa à lui. La naissance de John Paul, un garçon handicapé, s’ajoutant aux trois autres enfants du couple, renforça leur désir de consacrer leur vie à ceux qui souffrent. Soutenus par une foi profonde, ils cherchèrent désormais comment concrétiser un tel projet.
De banque en banque, ils cherchèrent en vain à obtenir un prêt d’un million de dollars. La plupart du temps, leurs démarches ne rencontrèrent que du scepticisme, voire du mépris.
Des milliers de volontaires, venant de plus de 60 nations
Finalement, en 1978, une banque suisse accepta le défi et Don put acquérir son premier navire, un ancien paquebot. 20 années plus tard, il apprit que la banque avait consenti à leur accorder ce prêt exceptionnel uniquement parce qu’un couple suisse, propriétaire d’une grande entreprise, ayant entendu parler du projet des Stephens, s’était porté garant.
Après quatre ans de travaux intenses, le paquebot, transformé en hôpital flottant, prit la mer. Rebaptisé Anastasis, il parcourut, pendant 30 années, les océans pour s’arrêter là où les besoins humanitaires étaient les plus grands, soignant petits et grands avec le même dévouement. Don et Deyon Stephens, avec leur quatre jeunes enfants vécurent dix ans à bord de ce navire, entourés d’un équipage de bénévoles de près de 350 membres, puis, le travail d’organisation de l’association ayant pris une ampleur plus grande, la famille s’installa aux États-Unis, d’où Don continua à diriger l’ensemble des milliers de volontaires, venant de plus de 60 nations avec des bureaux permanents dans 16 pays. En 2009, il reçut le prix international de l’humanitaire de l’année, décerné par Variety International. Il est aussi l’auteur de trois livres.
Aujourd’hui, «MercyShips» compte des dizaines de milliers de professionnels bénévoles, désireux de consacrer au moins une partie de leur vie à ce service. Ils sont issus de plus de 60 pays et servent notamment à bord de deux grands navires : «Africa Mercy» et «Global Mercy». L’association a œuvré dans plus de 55 pays, mais depuis trois décennies, elle est particulièrement tournée vers l’Afrique. En plus des soins prodigués directement à bord de ses navires, l’association travaille en étroite collaboration avec les autorités locales pour améliorer les structures médicales existantes et former du personnel médical sur place.
C’est certes une goutte d’eau dans l’immense océan de souffrances humaines dans notre monde, mais comme le souligne un rapport: «derrière chaque chiffre des statistiques, il y a un être humain qui a besoin de notre aide pour retrouver espoir et dignité!»