C’est par ces mots que la firme chinoise Fujian NetDragon Websoft Co. Ltd –une des filiales les plus importantes de la société NetDragon qui développe des jeux vidéo et des services d’éducation en ligne–présente sa nouvelle P-DG.
A priori, rien d’étonnant dans cette nomination puisque Tang Yu était n°2 de l’entreprise depuis quelques années déjà. Cependant, bien que d’apparence jeune, habillée d’un tailleur gris et arborant une coupe de cheveux soignée, elle n’est pas une dirigeante «comme les autres», puisqu’elle n’a en réalité aucune existence physique. En effet, elle n’est autre qu’un robot humanoïde accessible virtuellement par le biais d’un écran et alimenté par l’intelligence artificielle (IA).
Dépourvue de sentiments, cette CEO 2.0 (P-DG) est guidée par deux principes: rentabilité et performance. Plus efficace et plus rationnelle qu’un cadre «de chair et de sang», elle fonctionne 24h/24h et à moindre frais. De fait, elle n’a pas besoin de dormir ni de se nourrir et ne risque pas de tomber malade ou de faire grève. Elle ne prendra pas non plus de congés, ni ne demandera de revalorisation salariale, puisqu’elle n’est pas rémunérée.
Une fois programmé, le robot est alors capable de s’exprimer, de signer des documents, de piloter les projets de l’entreprise, d’évaluer les performances du personnel et même de leur appliquer des sanctions. Pour la société Fujian NetDragon Websoft, cette nomination a pour objectif de rationaliser les process, d’améliorer la qualité des tâches de travail et la vitesse d’exécution.
Le cas de Madame Tang Yu illustre bien la place grandissante accordée à l’intelligence artificielle, aux algorithmes et autres technologies semblables dans notre quotidien privé comme professionnel. Après la robotisation des usines, bienvenue à l’ère du management robotique et bientôt plus encore.
En effet, les grandes puissances économiques, notamment asiatiques, investissent massivement dans l’humain virtuel avec, par exemple, le développement des «Vtubers», ces influenceurs virtuels qui remplaceraient demain les «célébrités» humaines car plus dociles, plus faciles à contrôler et moins sujets aux polémiques ou même aux scandales.
Si la technique a permis (et permet encore) de réelles avancées en matière de conditions de vie, de travail, etc., n’est-il pas néanmoins légitime voire nécessaire d’émettre quelques réserves sur son utilisation lorsque, peu à peu, l’humain disparaît, ouvrant alors la voie aux pires dérives en tous domaines? Aldous Huxley avait pressenti ce risque dans sa dystopie «Le Meilleur des Mondes», dénonçant la prise de pouvoir des machines et des technologies. Sachons donc tirer leçon de l’histoire et nous laisser avertir, avant que le robot ne dépasse son maître.
J.G.