Un document daté de 1306 nous apprend que la ville de Carhaix avait alors pour blason «un arbre chargé de deux oiseaux, accompagné de fleurs de lys». Mais en 1658, le roi Louis XIV lui en accorda un nouveau : «d’or au bœuf passant de sable». En fait, c’était la reconnaissance de l’activité qui typifiait le mieux le rayonnement de la capitale du Poher. Le négoce de bêtes à viande était non seulement reconnu, mais apprécié, au point que le Rennais Noël de Fail, écrivait dans son ouvrage «Propos rustiques», parus en 1547: «Il n’est de bon bœuf que de Carhaix»!

On trouve même un texte qui déclare que «des troupeaux de bœufs sont acheminés de Carhaix vers Paris et l’hôtel du Roi».

Un auteur écrivait en 1830: «Les marchands de toute la France affluèrent à ses foires renommées. Dans un rayon de trente lieues, on accourait s’y approvisionner des draps de l’Artois, de Languedoc, des soieries de Lyon, de Tours, de Nîmes, des cotonnades de la Normandie». 

Les principales foires étaient celles de la Saint-Pierre, de la mi-carême et de début novembre, qui duraient de 6 à 15 jours.

Carhaix devient ville de garnison

Trois principaux lieux de commerce sont identifiés dès le XVIe siècle: au cœur du Château, les Halles (la «Cohue»), situées près de l’auditoire et de la prison (actuelle mairie). Au XVIe siècle elles se composaient de 45 étals ouverts (comme au Faouët), consacrés à la boucherie et à la mercerie. Puis, la place du Charbon, citée dès 1425, située à l’est de l’église saint Trémeur, et face à l’hôpital des Augustines, la place du Martray (appelée «Marchix» en 1522).

La révolte des Bonnets rouges en 1675 va faire de Carhaix une ville de garnison. La place du Martray, investie par les militaires, sera appelée dès lors «Champ de bataille», ou «Place d’arme».

Elle a été aménagée en 1761, et est devenue, en 1841, place de «La Tour d’Auvergne», quand fut érigée la statue du célèbre Carhaisien. C’est sur cette place, «lieu de torture et de pendaison», qu’après la révolte des «Bonnets rouges», Alain  Le Moign, lieutenant de Sébastien Le Balp, fut exécuté.

La caserne des militaires qui s’y trouvait fut ensuite transformée en gendarmerie, avant de laisser la place en 1999 à la maison des services publics. Les marchands avaient quitté le Martray pour l’espace situé à l’est du couvent des Augustins, au-delà de la porte de Rennes. C’était le «Champ aux buttes» où se pratiqua de 1553 à 1770 le papegaut, exercice de tir qui permettait aux hommes de s’entraîner pour d’éventuels combats.

Il deviendra le Champ de foire, «ar Marc’hallac’h». Il avait été assaini, car l’hiver il était très marécageux. 

Les anciens se souvenaient qu’il était divisé en quatre secteurs marchands:

«Plas an oaned» (des agneaux) au sud, «Plas ar Moc’h» (des cochons) à l’ouest, «Plas ar Biou» (des bœufs) au Nord, et «Plas al Leueou» (des veaux) à l’est. Mais l’attractivité des foires de Carhaix va diminuer du fait du contexte international.

La guerre contrarie le commerce

Les guerres, empêchant les relations avec l’Angleterre ou la Hollande, vont entraver et modifier les grands axes commerciaux, tout comme l’attribution de privilèges, tel celui de la compagnie des Indes sur l’importation des «Indiennes» (Tissus).

Ainsi l’Intendant de Bretagne évoquant le cas de Carhaix, pouvait écrire en 1733:

«Autrefois il se vendait considérablement des bêtes à cornes aux marchands de Normandie, mais ce commerce est tombé par la cessation des armements de Brest, du Port-Louis et de Saint-Malo».

On note que dans ce rapport, la rivière Hyères est appelée Dauphan, et que la ville est encore très considérée: «Elle a droit de communauté et de député aux états. Il y a une juridiction royale». Ce privilège ne se retrouvait pas à Châteaulin, Châteauneuf, Gourin, Rostrenen, Corlay…

L’aspect marchand de la ville a encore bien évolué aux 19e et 20e siècles. En 1850, les halles de l’actuelle place de la mairie, tombaient en ruines, mais elles ne furent détruites qu’en 1890. De nouvelles halles avaient été inaugurées en janvier 1889 place des Droits de l’Homme (ex-place au Charbon).

L’hôtel de ville avait remplacé dès 1821 l’auditoire dont le rez-de-chaussée était occupé par la prison (côté sud), la halle aux farines et le marché aux grains.

Cet espace sera récupéré par la mairie lors de sa reconstruction en 1865 (il y aura une autre rénovation en 1951).

La grande fête de novembre

En relation avec les haras d’Hennebont, de nouveaux haras furent construits à Carhaix en 1880 au nord-ouest du Champ de foire. Ils subsistèrent jusqu’en 1970.

Le marché hebdomadaire du samedi est resté jusqu’à ce jour sur cette place. Par contre, le marché aux chevaux fut quant à lui transféré en 1891 sur l’actuelle place de Verdun, devant l’église Saint-Trémeur, qui venait d’être reconstruite (1880-1887).

Le tracteur ayant remplacé le cheval de labour, cette foire disparut après 1965. Elle avait été l’une des plus importantes de la région, et était suivie de la foire aux bestiaux. C’était la «Gouel Kala Goanv», la grande fête de Novembre, sur laquelle se greffa une fête foraine que l’on retrouve chaque année place de La Tour d’Auvergne.

Ces grandes foires de début novembre et du 13 mars ont perduré jusque vers l’année 2020.

Mais il faut souligner la renaissance, depuis la Toussaint 2002, de la foire aux chevaux. Comme il se doit, elle a repris possession de la place de Verdun.

F.K.