Le jeune médecin ne s’attendait vraisemblablement pas à recevoir un tel conseil! Il venait de demander à son très vieux patient le secret de sa longue durée de vie.
Arsène, qui allait allègrement sur ses 103 ans – qu’il aura ce mois de mars – répondit à son docteur:
«Achète une bêche!»
Passé le premier moment d’étonnement – et l’interrogation sur l’éventuel humour teinté d’ironie – le praticien réalisa que ce dynamique centenaire lui donnait amicalement une leçon à méditer.
«Achète une bêche!» C’était un habitué du travail en plein air, qui parlait: Arsène, alors qu’il avait 101 ans, cultivait toujours son jardin et, à 100 ans, l’année précédente, également celui de sa voisine.
Que voulait-il donc préconiser à cet homme qui aurait voulu connaître le secret d’une telle longévité?
Il n’y avait pas d’élixir de «longue vie», ni de «fontaine de jouvence»!
Tout était beaucoup plus simple que cela, et à la portée de tous…
«Achète une bêche!»
Cette courte parabole quelque peu énigmatique appelait à la réflexion… Que voulait donc dire le vieil homme chargé d’ans et riche de tant d’expériences?
En tendant bien l’oreille, on peut discerner le non-dit du vieillard, et à l’aune de sa vie simple et sage, interpréter son silence si chargé de sens…
Et la parabole pourrait alors se conjuguer ainsi:
«Toi, médecin qui toute la journée passes de ton bureau à ta voiture… qui mènes une existence sédentaire et stressante, qui peut-être y ajoutes un certain déséquilibre alimentaire, de repas aux menus peu élaborés, allant du «sur le pouce» au trop copieux en d’autres circonstances…
Toi qui conseilles aux autres de savoir se ménager régulièrement un moment de détente, d’effectuer des exercices physiques ou tout au moins une marche plusieurs fois par semaine…
Toi qui mesures quasi quotidiennement les méfaits de l’alcool, du tabac, des excès en tous genres, et les conséquences destructrices des drogues,
sans oublier les hypothèques que font peser sur le corps et l’âme les dérèglements d’une existence où nuit et jour se confondent dans la recherche de jouissances et de «fêtes»,
oui, médecin, écoute et «guéris-toi toi-même», ainsi que le proverbe venu du lointain passé y invite avec persévérance et une pointe de défi.
«Achète une bêche» et reprends le contrôle de ton existence…
Comprends «qu’il y a un temps pour tout» comme le dit la Bible:
un temps pour travailler,
un temps pour se reposer,
un temps pour «donner un coup de collier» selon l’expression ancienne et un temps pour se détendre…
un temps pour méditer, un temps pour agir…
Et tu jouiras alors d’une vie bien maîtrisée, où l’essentiel est à sa place et ce qui ne l’est pas également… et où ce qui est vain, superflu, voire nocif sera écarté.
Le flot violent ou séducteur de ce monde en dérive, de cette civilisation hédoniste, activiste, matérialiste, où l’idolâtrie du nombre règne partout en maître,
t’entraîne irrésistiblement, tout comme la plupart de tes contemporains:
Toujours plus… attrait ou esclavage de la performance, de la possession, de la compétition, de l’orgueil et… de la vanité.
Toujours plus… et après?
Alors, ami docteur, toi qui veux connaître le «secret» d’une longue vie: «Achète une bêche!» et en soulevant la terre, en brisant les mottes… tu retrouveras le temps de réfléchir… de mesurer la valeur des choses et des êtres à l’aune de la réalité, de la vérité, loin des bruits, des «feux de la rampe», des slogans, des illusions et des apparences, du factice, de l’artificiel.
Alors «tu permettras à ton âme de rattraper ton corps»…
En contact direct avec la nature qui est ton véritable berceau de vie, tu retrouveras les joies simples, les humbles et belles satisfactions de la tâche accomplie…
Tu pourras ainsi évaluer le chemin parcouru, tirer déjà leçons et enseignements, te bien connaître et, s’il le faut, tu redresseras ce qui doit l’être, et «avec ta bêche» tu retraceras le sillon de ton cœur et de ta vie…
Toi et les tiens vous en serez renouvelés et au-delà,
d’autres bénéficieront de ton regard nouveau… à commencer par tes patients dont beaucoup ont besoin d’une semblable sagesse retrouvée…»
Oui, très vraisemblablement l’enseignement du vieillard pourrait s’énoncer de cette manière.
Mais lorsque le très sympathique plus que centenaire à son tour, demanda à son docteur s’il n’avait pas un fortifiant ou un petit médicament à lui donner car «Je fatigue un peu» avouait Arsène, le jeune médecin, prenant une amicale revanche, lui répondit: «Repose-toi, fais la sieste!»
Oui Arsène, tu as raison,
mais à 103 ans, comme à 15 ou 30, 50… on a également tellement besoin d’un horizon d’espérance…
Et cela, seul l’Évangile, la Parole de Dieu révélée aux créatures éphémères que nous sommes, peut nous le donner. Plus: nous le donne!
Une certitude pour le présent et pour l’éternité.