Qui aurait pu croire que cette enfant ukrainienne, souffrant de multiples handicaps, abandonnée par ses parents devant la porte d’un orphelinat, allait un jour faire la une des journaux du monde entier? Qu’elle allait gagner des médailles dans les plus grandes compétitions du monde et dans des disciplines variées, aussi bien dans des sports d’été que dans des sports d’hiver?
Oksana Alexandrovna Bondarchuk est née en 1989 à Khmelnytskyï, une ville de quelque 250000 habitants en plein cœur de l’Ukraine. Mais sa ville natale se situe à quelques centaines de kilomètres de Tchernobyl, tristement célèbre pour la catastrophe nucléaire survenue en 1986, trois ans avant la naissance de la petite Oksana. Les radiations redoutables auxquelles était exposée sa mère durant la grossesse expliquent certainement ses graves problèmes de santé.
En effet, Oksana voit le jour avec de multiples infirmités: elle souffre d’une malformation des tibias, les os de ses jambes ne sont pas assez solides pour la porter, sa jambe gauche est plus courte que l’autre de 15 cm, elle a six orteils à chaque pied, un doigt de plus à chaque main, collés les uns aux autres, et pas de pouces. Elle n’a qu’un rein, et il manque une partie de son estomac.
A 7 ans, elle ne pèse que 13 kilos !
Les parents abandonnent leur petit bébé devant un orphelinat. C’est le début pour cette jeune Ukrainienne d’une enfance malheureuse.
D’orphelinat en orphelinat, le cauchemar dure jusqu’à ses sept ans. Là, enfin, elle va pouvoir quitter ces lieux de souffrance grâce à Gay Masters, une professeure d’orthophonie américaine qui demande à l’adopter après l’avoir vue en photo, et qui lutte pendant deux ans contre de nombreux obstacles pour avoir le droit d’emmener cette enfant en Amérique.
«Elle ne m’a jamais lâchée, jamais abandonnée, témoignera plus tard Oksana. On lui a dit de nombreuses fois qu’elle pouvait avoir un bébé, mais elle a refusé. C’était moi qu’elle voulait. Elle est devenue pour moi une véritable maman…»
A sept ans, elle mesure à peine un mètre et ne pèse que 13 kilos.
«Cette petite a toujours tenté l’impossible»
Mais malgré ses handicaps, Oksana est une enfant pleine de vie qui se bat pour être comme les autres enfants.
«Cette petite me surprend depuis le début, dit Mme Masters. Elle a toujours tenté l’impossible».
Aux USA, Oksana pourra suivre des traitements, on l’opère pour séparer ses doigts, et on tente de greffer des pouces. Mais, hélas, on découvre aussi d’autres malformations: il lui manque notamment certains muscles des bras, ainsi que des ligaments.
Depuis le début, Mme Masters sait qu’il faudra amputer les deux jambes de la petite, mais pour ne pas perturber ses premières années de vie dans un nouveau pays avec tout ce que cela implique comme bouleversements, elle repousse cette intervention aussi longtemps que possible.
A l’âge de 9 ans, cependant, on est contraint de lui amputer la jambe gauche, celle qui est plus courte que l’autre, et 5 ans plus tard, le jour inévitable arrive où une deuxième amputation la prive de l’autre jambe.
«J’étais sur mon lit d’hôpital, raconte-t-elle, et j’ai jeté un coup d’œil. Ma jambe avait disparu. Plus de genou, plus de cheville. Ma mère et les médecins étaient rassemblés autour de moi. J’ai juste secoué la tête, je n’y croyais pas. Un peu plus tard, j’ai découvert que le sport allait être plus important que jamais pour moi.»
Le sport : sa «bouée de sauvetage»
En effet, comme elle le dit, c’est le sport qui va devenir sa bouée de sauvetage, qui va l’aider à se battre contre ses nombreux handicaps, à montrer aussi bien à elle-même qu’à son entourage que même dans l’adversité, il y a un chemin qui permet de remporter des victoires non seulement contre des adversaires sur des terrains de sport, mais surtout des victoires sur soi-même. Le sport l’aide aussi à évacuer tous les mauvais souvenirs de son enfance.
Comme après sa première amputation, elle apprend rapidement à marcher et à courir avec des prothèses, et rien ne semble l’arrêter.
Tout d’abord, c’est sa mère adoptive qui la pousse à essayer certaines disciplines sportives comme l’aviron. C’est une réussite indéniable. Elle prend goût à la compétition, à se surpasser, elle se fixe des objectifs.
Au début, elle fait équipe avec Rob Jones, un vétéran de la marine qui a perdu ses deux jambes lors de l’explosion d’une mine. Ensemble, ils remportent la médaille de bronze aux Jeux paralympiques de Londres, en 2012.
Mais ce n’est qu’un début. Oksana est une sportive complète qui refuse de «se spécialiser» dans une seule discipline. Et le staff américain qui s’occupe désormais de son entraînement et son parcours découvre ses immenses capacités et surtout son courage. C’est ainsi que, rapidement après les jeux de Londres, elle est sollicitée pour participer aux Jeux paralympiques d’hiver, et elle se lance dans un entraînement intensif au ski de fond, le «cross-country».
«Le sport, dit-elle, m’aidait à comprendre et à apprécier mon corps pour ce qu’il était capable de faire au lieu de m’attarder sur ce qui manquait…»
Entre 2012 et 2020, elle participe à tous les Jeux paralympiques remportant 13 médailles dans 4 sports différents, puis en mars 2022, les Jeux d’hiver de Beijing, en Chine, se placent dans un contexte tout à fait particulier. L’Ukraine, son pays natal, qu’elle a eu l’occasion de visiter en 2015, et qui, malgré les mauvais souvenirs de son enfance occupe une grande place dans son cœur, vient d’être envahie par l’armée russe. Mais dans cette compétition sportive internationale, l’Ukraine termine deuxième au classement général pour la grande joie d’Oksana. Avant le début des Jeux, elle avait déclaré:
«Je me sens un peu coupable de me rendre aux Jeux alors que mon pays est envahi. Lors de ces compétitions, je m’affiche avec les drapeaux que je chéris. Je suis ukrainienne et américaine, et ce soir je suis surtout dévastée en pensant à la population de mon pays d’origine.»
Aujourd’hui, à 33 ans, Oksana cumule 17 médailles paralympiques, Jeux d’hiver et d’été confondus, auxquelles s’ajoutent de nombreuses victoires dans d’autres compétitions. Comme tout sportif, Oksana connaît aussi des revers. Le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Mais c’est dans l’adversité qu’elle montre sa capacité à résister, à ne pas abandonner, à ne jamais rien lâcher. «À chaque fois que j’avais mal, raconte-t-elle, que je me sentais seule, ou que le futur s’annonçait sombre, je me disais tout le temps la même chose: je vais aller mieux. Et c’est ce qui s’est toujours passé.»
Et son conseil à tous les jeunes qui affrontent des difficultés et des épreuves qui parfois semblent insurmontables, s’appuie sur ses propres expériences: «Ne laisse jamais la société déterminer… ce qui est possible. Vas-y seulement! Avance!»
(Histoire authentique présentée par A.A, en collaboration avec C.A.)