« Tu me regardes mais tu ne me vois pas ! »
Cette réflexion attristée qui contient un doux reproche ne pouvait pas concerner les foules de personnes qui se pressent dans le métro ou d’autres lieux, où la proximité est si grande qu’elle réduit « l’espace vital », contraignant à tenter de le sauvegarder en donnant au regard un air absent qui semble ne se fixer sur personne et encore moins les détailler…
Non ! La réflexion de la vieille dame était d’autant plus douloureuse qu’elle s’adressait à un jeune être aimé.
Le regard peut exprimer tant de choses… du plus tendre des sentiments jusqu’à la totale réprobation, l’indifférence ou la haine…
Si une parole peut aider ou blesser, il en est de même du regard, ce message des yeux !
Dans son très beau texte « Le Petit Prince », Saint-Exupéry révèle, par son étonnant personnage interposé, le secret : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »
« On ne voit bien qu’avec le cœur ».
Quelle source de méditation pour celui qui veut essayer de comprendre le sens profond de la vie !
Celui, celle, jeune ou vieux qui ne se laisse pas emporter par les agitations, par les préoccupations multiples, les désirs et projets divers… tout ce qui occupe l’esprit, la pensée et motive le corps…,
celui qui connaît la mesure du précieux temps éphémère qui lui est octroyé…,
qui veut aussi observer ce qui fait « son univers », en pénétrer la richesse,
comprendre ceux qui l’entourent : les regarder avec lucidité, certes, mais aussi et surtout, avec le cœur.
« L’essentiel est invisible pour les yeux » a voulu révéler Saint-Exupéry dans cette fable touchante où « le petit prince » devient l’élève appliqué et intéressé du renard.
« On ne voit bien qu’avec le cœur… »
Encore, diraient d’aucuns, qu’il faut « avoir du cœur », c’est-à-dire, cette sensibilité, cette attention qui amène à écouter l’autre, à vouloir le comprendre, et peut-être l’aider et l’aimer.
« L’essentiel est invisible pour les yeux »…
Quel appel à dépasser les « clichés » réducteurs, les rejets ou reculs par a priori, les réactions primaires et hypothéquantes, telles « il ou elle ne me plaît pas », il ou elle est « trop gros » ou « trop maigre », « laid ou trop vieux… », impressions subjectives qui jugent à l’apparence et sont néfastes si elles ne sont pas modifiées par l’observation attentive et bienveillante.
Cela ne veut pas dire que l’on doit être idéaliste à l’excès, au risque d’être cruellement trompé, le monde dans lequel nous vivons est « dur », et il faut toujours en tenir compte !
Cependant il arrive que l’on découvre, au-delà du « visible », des qualités, des trésors non apparents, et on se réjouit alors de s’être donné la peine de bien cerner les réalités de la personnalité de chacun.
Bien évidemment au sein du couple !
Que de problèmes, de conflits, voire de drames, de divorces… pourraient être ainsi évités… et autant de pleurs, de souffrances et de vies brisées !
« On ne voit bien qu’avec le cœur ».
Comme toute richesse intérieure, cette vision de la vie ne s’acquiert pas sans une patiente discipline…
Mais quelle récompense !
Aimer, se réjouir au lieu de se méfier et de se tenir à distance…
Et si la récolte est belle pour soi, elle le sera encore plus pour les autres… dans la famille, l’entourage, au travail… ailleurs.
C’est le message de la Bible.
Celui que Jésus a vécu et enseigné,
celui qui seul libère, ennoblit, élève,
et embrasse jusque la vie éternelle.
Yvon Charles