«…mort du cancer à l’âge de huit ans et vingt-six jours…»
Il est des moments dans la vie, où seule une parole venue du plus profond de l’âme peut exprimer ce que l’on ressent…
Toutes autres, même les plus attentionnées et empreintes de compassion authentique, n’éveillent aucun écho.
La terrible épreuve que T. Clancy évoque avec pudeur et souffrance dans la préface d’un de ses livres ne peut laisser indifférent.
Il introduisait un poème de C. Hitchcock en ces termes :
«Ce texte me rappelait très fort mon «petit mec» Kyle Haydock, mort d’un cancer à l’âge de huit ans et vingt-six jours. Pour moi il sera toujours là.»
Voici ce poème nommé «Ascension» :
«Et si je pars,
Alors que tu es encore là…
Sache que je vivrai toujours,
vibrant sur un rythme différent
derrière un voile pour toi opaque.
Tu ne pourras me voir,
aussi tu dois garder la foi.
J’attends l’heure où nous pourrons à nouveau
prendre notre essor
mutuellement conscients l’un de l’autre.
D’ici là, vis pleinement ta vie et si tu as besoin de moi,
Tu n’auras qu’à murmurer mon nom dans ton cœur,
… Je serai là.»
Combien de personnes de tous âges, de toutes conditions se sont identifiées à ce poignant témoignage et ont été émues, parfois jusqu’aux larmes en sentant résonner en elles la réalité toujours vivante d’une séparation que rien ne peut faire oublier.
Que T. Clancy, auteur de récits violents, d’affrontements sans merci, à l’exemple des réalités guerrières de notre temps où morale et humanité n’ont guère de place, ait éprouvé un tel sentiment, peut étonner… si l’on oublie ou méconnaît la complexité de l’âme humaine.
Pour les uns la seule méditation les amènera à vivre intensément le drame et l’espérance du message de C. Hitchcock,
pour d’autres l’épreuve réellement vécue transparaîtra à nouveau sans que le temps n’ait rien effacé.
Pour quelques-uns, aux côtés de l’être aimé, ces mots se chargeront soudain d’une angoisse bouleversant leur cœur, en songeant à la fragilité de toutes choses ici-bas, à l’éphémère existence des êtres…
Ne pas penser ?
Ne plus penser ?
A moins d’être superficiel et égoïste, de se garder d’aimer voulant se protéger ou refuser de partager… l’amour, que ce soit celui pour l’enfant, la fiancée, le mari, la mère… s’épanouit toujours en l’homme ou la femme que nous sommes, et l’âge n’y changera rien.
Aimer est si naturel, si humain, qu’il n’y a rien à faire: telle la fleur des champs, l’amour naît et grandit en tous temps et en tous lieux.
Aimer c’est vivre.
Car une vie sans amour n’est qu’une caricature stérile et déformée de la destinée des créatures à la fois passagères et éternelles que Dieu a appelées à l’existence.
Au-delà du corps,
au-delà de l’action, la pensée prend son envol et rien ne peut l’arrêter…
Je me souviens de ce très jeune scout qu’un terrible drame familial –le décès de sa maman– avait arraché brusquement à l’atmosphère d’amitié qui régnait au camp, et qui, dans la voiture qui le ramenait, monologuait plongé dans ses pensées:
«…J’aurai toujours dans ma tête plein de souvenirs…»
Il essayait, au-delà de toutes les consolations et gestes d’amitié qui lui étaient prodigués, de se raccrocher à quelque chose que le drame de la séparation ne pourrait atteindre.
«Il lui resterait des souvenirs».
Pathétique condition des faibles créatures de ce monde,
où même enfant, la souffrance peut surgir et menacer de tout emporter…
Combien dérisoires sont alors les «amusements» et distractions de toutes sortes que proposent à foison les multiples amuseurs de cette civilisation, sans réelle espérance, sans réponse quant au lendemain…
Certes on ne peut passer son temps à répéter cette étrange «liturgie» que pratiqueraient certains moines:
«Mon frère, il faut mourir,
mourir il faut, mon frère.»
Non seulement ce serait morbide et éloignerait de la vie véritable, mais qui plus est, ce ne serait aucunement fondé sur l’Évangile !
Il y a heureusement une autre voie, un autre horizon.
Il est possible de parcourir le chemin incertain de cette terre en étant pleinement conscient des aléas que nous rencontrerons, des épreuves et réussites qui jalonnent notre marche et de les affronter sereinement, non pas en s’autosuggestionnant, encore moins en niant les difficultés…, mais en vivant pleinement la vie qui nous est donnée,
en utilisant au mieux les qualités et potentialités qui sont nôtres,
non seulement pour que s’épanouisse notre personnalité, mais pour apporter aux autres le meilleur de nous-mêmes.
Comme le suggère le poème,
comme l’affirme la Bible, Parole de Dieu – et le message de Pâques qui annonce la mort et la résurrection du Christ Jésus est là immuable –,
l’espérance demeure… Elle triomphera en tous temps et au-delà du temps présent.