Le château et la région de Corlay furent particulièrement éprouvés par les guerres qui ravagèrent la province aux XIVe et XVe siècles : Guerre de Cent ans (1337-1453), sur laquelle se greffa la guerre de succession de Bretagne (1341-1365) dite «guerre des deux Jeanne». Les textes révèlent qu’en 1461 le château de Corlay est complètement «ruiné».
Le château, «fut rebâti à neuf, l’an 1485 par Jean, vicomte de Rohan, à qui le duc de Bretagne François II, par lettres données à Nantes le 16 décembre 1486, permit d’y rétablir le guet, pour le mettre en état de défense contre ses ennemis» (Ogée). Toute l’histoire du château à travers les siècles est résumée par ces quelques mots : «guet, défense, ennemis…»
La province mise « à feu et à sang ».
C’est surtout au siècle suivant que le château de Corlay va connaître un nombre de sièges impressionnant.
Les guerres dites « de la Ligue » vont mettre la province à feu et à sang. Les Rohan-Gié de Pontivy, sont loyalistes, et se mobilisent pour le parti du roi Henri IV, tandis que les Rohan-Guéméné, seigneurs de Corlay, sont ligueurs, et rejoignent le gouverneur de Bretagne, le duc de Mercœur, qui mène la révolte au nom de la foi traditionnelle (la « Sainte Ligue »).
La forteresse est tout d’abord tenue par les royaux. Début 1591, les ligueurs s’en emparent. Le duc de Mercœur rejoint Pontivy laissant la place à la garde des Espagnols. Mais ils sont défaits par les royaux qui réussissent à s’emparer du château. «Tout le pays fut fort ruiné et incommodé par la garnison, d’autant que tout le quartier tenait le parti contraire ; ils n’eussent pu sortir du château qu’ils étoient en pays ennemi, sur lequel ils faisoient de grands ravages» (Ch. Floquet).
En février 1593, les ligueurs revinrent et reprirent la place après un nouveau siège. Les attaques se poursuivirent avec l’intervention des «capitaines pillards» des deux camps!
Tout d’abord, du côté royaliste, Yves du Liscoët (qui avait perdu une main dans l’attaque de Carhaix en septembre 1590) surprit la garnison espagnole qu’il passa au fil de l’épée.
Un renfort espagnol venant de Pontivy ?
Il renforça la place afin d’en faire une base sûre, pour recevoir le butin qui devait être ramené du pillage de toute la région !
L’année suivante, c’est le capitaine ligueur Guy Eder de Beaumanoir, dit «baron de la Fontenelle», qui parvint à chasser du château les «royaux» d’Yves du Liscoët. Il s’installa à sa place, dans le même but : poursuivre le pillage de la région. Janvier 1595 vit le retour de l’armée royale sous la conduite du Maréchal d’Aumont.
De la Fontenelle assiégé fit durer les pourparlers, espérant l’arrivée d’un renfort espagnol venant de Pontivy. Le capitaine royaliste menaça d’utiliser l’artillerie pour détruire le château. Mais d’artillerie, il n’en avait pas ! Que faire ?
Un stratagème efficace
Il invita un officier assiégé à venir inspecter la dite artillerie, mais auparavant il le fit boire plus que de raison, et réussit à le mener au château de Guingamp, où il le fit passer une dizaine de fois devant l’unique canon de la place.
Ramené à Corlay, le délégué de la Fontenelle était persuadé d’avoir vu une dizaine de canons. «Cette fois, convaincu, La Fontenelle se rend avec 300 hommes bien armés» nous rapporte Hervé du Halgouët. Les troupes royalistes investirent la place le 10 février 1595, et la garderont jusqu’à ce qu’en 1597, Louis de Rohan-Guéméné, qui s’était rallié à la cause du roi légitime, obtienne d’Henri IV la restitution du château. Hélas, des pillards, organisés en bandes puissantes conquirent à nouveau la place en novembre 1598.
Le capitaine Abel Gouyquet, avec l’aide des habitants de Corlay, reprit en main la forteresse, et les meneurs furent condamnés à mort le 11 décembre 1598. Après la signature de l’édit de Nantes, qui rétablit la paix du royaume, Henri IV ne voulait plus de ces châteaux fortifiés qui favorisent les révoltes, les guerres civiles, et apportent la ruine et le malheur aux populations locales. Il ordonna le démantèlement de nombreuses forteresses de la province.
En Centre Bretagne, les châteaux de Callac, Rostrenen (déjà bien ruinés), Corlay… furent concernés. Mais Louis de Rohan-Guéméné obtint du roi la permission de garder son château. Les Rohan ne l’habitant pas, il tombera en ruine, et servira de carrière.
La «vie de château» telle qu’on se l’imagine, fut dans l’histoire, surtout au Moyen âge, synonyme de désolation, pillages et massacres. La disparition d’une forteresse était aussi pour les populations locales l’espoir d’avoir une vie moins dépendante des conflits politiques ou religieux, qui les plongeaient généralement dans des malheurs trop souvent répétés.
F.K.