Cet homme sportif, chasseur, connaissant bien la nature, sait que les ours sont nombreux dans cette région et que celui qui veut profiter de ces sentiers remarquables doit s’imposer une grande prudence.
En partant ce matin du premier octobre 2016, il avait donc pris soin de s’équiper d’une bombe anti-agression, à utiliser en cas d’attaque, et il était également armé d’un pistolet. Comme, en général, les ours évitent les humains, il avait aussi, tout au long du parcours, poussé des cris pour avertir de sa présence.
Rien n’arrête la bête en pleine course
Soulagé lorsqu’il voit l’ourse partir en courant avec ses petits, il attend cependant, immobile, un moment avant de poursuivre son chemin. Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il voit la bête surgir devant lui à peu de distance et foncer en sa direction.
Il sait qu’il ne sert à rien de courir, cela ne pourrait qu’aggraver son cas. Il se tient donc debout, la bombe anti-agression pointée en direction de l’ourse, et lorsque celle-ci arrive tout près, il appuie longuement sur la gâchette, faisant gicler un nuage de ce produit destiné à anesthésier l’animal en fureur.
Mais rien n’arrête la bête en pleine course. Elle se jette sur Todd, le projetant au sol, le nez dans la boue. Heureusement pour lui, il tombe sur le ventre et s’enveloppe autant que possible de ses bras pour protéger ses organes vitaux, comme il a appris à le faire.
«Elle était sur moi, racontera-t-il plus tard, mordant mes bras, mes épaules et le sac à dos… La force de ses morsures était comme un marteau de forgeron dentelé. Elle s’arrêtait pendant quelques secondes, puis recommençait encore et encore. Après une à deux minutes qui m’ont semblé une éternité, elle disparut.»
Heureusement son sac à dos le protégeait en partie! Complètement étourdi, Todd parvient à se mettre debout, remerciant Dieu d’être encore en vie. Il voit le sang couler de ses nombreuses morsures, mais il ne s’en occupe pas. Il n’a qu’un seul objectif: rejoindre au plus vite sa voiture, garée à environ 5 km, pour se mettre définitivement en sécurité.
Une deuxième attaque, à quelques minutes d’intervalle !
Avançant avec peine, il a marché entre cinq et dix minutes mais, alors qu’il pense qu’il n’est plus en danger, il entend à nouveau, un bruit derrière lui. Se retournant, il découvre, avec effroi, l’ourse, à quelques mètres, fonçant encore une fois tout droit sur lui. Il n’a même pas le temps de ressortir la bombe anti-agression, ni son arme à feu.
Une deuxième attaque, à quelques minutes d’intervalle! Il a échappé une première fois, mais survivra-t-il cette fois-ci?
A nouveau, il se jette au sol pour se protéger autant que possible! Cette fois, l’ourse se lance sur lui avec encore plus d’agressivité, labourant ses bras et ses épaules de ses dents acérées. Parfois, elle le soulève littéralement du sol pour ensuite le laisser tomber lourdement.
A un moment, il entend distinctement les os du bras craquer sous les dents acérées de l’animal. Aussitôt, il sent sa main s’engourdir et son poignet et ses doigts devenir tout mous. Le cri étouffé que la douleur provoque malgré lui déclenche une véritable frénésie d’attaques, le sang gicle partout des blessures, et Todd pense que c’est la fin, que l’ourse finira bien par ouvrir une artère. Il craint qu’elle le renverse pour l’attaquer à la gorge. Son seul espoir est qu’au bout d’un temps elle parte pour s’occuper de ses petits.
En attendant, il faut tenir, il faut réussir à se maîtriser, rester stoïque face à la douleur lancinante de chaque morsure, surtout ne pas crier, ne pas bouger, ce serait prolonger la souffrance et diminuer ses chances de survivre.
Puis, aussi soudainement qu’elle a commencé l’attaque, l’ourse cesse de mordre mais pose ses deux pattes de devant sur son dos l’écrasant de tout son poids. Il sent le souffle de sa respiration sur sa nuque, il sent ses griffes s’enfoncer dans son dos, il sent aussi l’odeur acre qu’elle dégage.
Immobile, il attend le prochain assaut de morsures, mais il ne vient pas. L’ourse quitte son dos. Mais il ne sait pas si elle est vraiment partie. Il ose à peine bouger sa tête, et ses yeux, remplis du sang qui coule de ses blessures, sont incapables de voir.
Au bout d’un temps, il commence à bouger doucement. D’abord, il cherche en tâtonnant son pistolet. Si l’ourse revient une troisième fois, il veut pouvoir se défendre. L’arme n’est pas à sa place. Essuyant le sang de ses yeux, il la découvre au sol, un peu plus loin. Les morsures répétées de l’ourse ont déchiré peu à peu le paquetage qu’il portait sur son dos, arrachant le pistolet de son étui.
L’ourse a disparu. Todd sait qu’il ne survivra pas à une troisième attaque. Alors, réunissant ses dernières forces, il se met à nouveau en route, forçant l’allure malgré la douleur.
Six heures pour effectuer les coutures
45 minutes plus tard, il arrive sur le parking, à l’entrée du chemin de randonnée. Avec un grand soulagement, il découvre son véhicule, il peut se mettre à l’abri, et le réseau téléphonique retrouvé lui permet d’appeler le numéro d’appel des secours. Mais il n’attend pas l’arrivée d’une ambulance. Il n’a qu’une hâte: quitter au plus vite cet endroit redoutable. Malgré ses blessures, il parvient à se mettre au volant, prévenant seulement l’hôpital au téléphone de son arrivée.
20 minutes plus tard, devant le service d’urgences, il est accueilli par une équipe prête à lui prodiguer les soins nécessaires. Il faut quelque six heures rien que pour recoudre les nombreuses morsures. Il restera un peu partout des traces visibles.
Todd Orr peut s’estimer heureux d’avoir survécu à deux attaques violentes d’une ourse grizzly en fureur. Grâce à son sang-froid, à sa maîtrise de soi et à son courage, il a évité le pire. Mais comme il l’explique à des journalistes: dès qu’il aura retrouvé sa forme physique, on le retrouvera à nouveau sur les pistes de randonnée et à sa place parmi ses amis chasseurs.