«Si tu te fies à un Gascon, trompé tu seras !»
Cette déclaration péremptoire enlevait toute illusion au jeune abbé que sa hiérarchie envoyait en Gascogne.
Ces paroles n’étaient pas, en effet, propos superficiels d’une conversation sans lendemain, elles émanaient du secrétaire général de l’évêché, et faisaient partie des directives données à l’abbé en partance.
Nous ne nous arrêterons pas sur le bien-fondé ou non d’un tel jugement.
Cependant sa généralisation, cette manière de définir et de fustiger tout un peuple, choque et inquiète, d’autant plus que l’autorité qui parle ainsi est particulièrement bien informée et peut prendre des décisions qui influeront sur tout un domaine de la vie des personnes de cette contrée.
Comment peut-on ainsi enfermer tout un peuple ou une ethnie, ou une tribu, un clan, ou même une famille… dans un a priori hypothéquant ?
N’y aurait-il pas en tous lieux, et dans toute population, des personnes qui sont autres ?
Des hommes et femmes qui ne réagissent pas, n’agissent pas, ne pensent pas… d’une manière conformiste, modelés par le milieu, dépendants des traditions, des habitudes et des mœurs de leur environnement ?
Heureusement que, en tous temps, la conscience, la réflexion, la volonté de s’informer et la détermination de ne pas subir, de choisir sa voie, ont prévalu chez au moins quelques-uns!
Peu nombreux, peut-être, car il en coûte toujours de ne pas «se fondre dans la masse», d’émettre des avis différents et d’adopter un comportement qui n’est pas celui de «la vox populi» ou des pouvoirs qui dominent…
N’y avait-il pas, en cette contrée du sud-ouest de la France, des personnes qui ne «trompaient pas», qui ne mentaient pas, qui ne fraudaient pas, qui ne rusaient pas… des personnes honnêtes et droites, empreintes de vérité et de courage ?
L’abbé en a certainement découvert…
Cependant, l’avertissement de son supérieur n’a pas manqué de l’influencer …
Quand, bien des années plus tard, il nous conta ce moment important de son existence, on mesurait combien ces paroles l’avaient profondément marqué…
De telles manières de raisonner, d’évaluer, de juger les autres sont redoutables… et peuvent avoir des conséquences graves.
La vie de notre humanité a été et est encore troublée par ces ostracismes touchant les races, les peuples, des catégories de personnes, des religions, etc.
Le rejet définitif, l’exclusion, la dénonciation… sans examen objectif,
sans l’écoute des «victimes» désignées… est une très grave faute et a engendré bien des drames.
Cela ne veut pas dire qu’il faille être naïf, ou d’un irénisme sans lucidité !
Notre monde compte de nombreux affabulateurs, des menteurs, des escrocs et autres individus qui peuvent causer beaucoup de tort et de souffrance.
Mais si la prudence est indispensable,
si l’ignorance et l’illusion peuvent nourrir un idéalisme ou des conclusions qui n’ont rien de commun avec la réalité des personnes et des faits,
l’outrance, pour le moins, des propos du personnage ecclésiastique était plus qu’inquiétante.
Ni les titres, ni les uniformes, ni les fonctions, ni les places… ni l’âge (!), ne sont toujours garants de la conscience morale et de la conduite exemplaire de ceux dont «l’apparence» le laisserait penser.
Aussi, sans inquiéter les enfants et les jeunes, sans attenter à leur vision de l’avenir et à leurs espérances, il est indispensable, avec sagesse, de les éveiller à ces réalités de tous les milieux et de toutes les époques.
Une approche superficielle ne suffit pas !
Les «preuves» et «témoins» ne sont pas toujours fiables ainsi que, d’une manière amusante, cette réflexion d’enfant, voulant se justifier, le souligne :
«Demande à mon frère si je suis un voleur…»
Argument, oui, mais pas obligatoirement crédible.
Il faut du discernement et ce, à tous les âges !
Il eût mieux valu, ô! combien, que l’éminent ecclésiastique voulant appeler son subordonné à la vigilance, se soit souvenu des paroles du Christ, et les lui ait citées:
«Tout bon arbre porte de bons fruits, le mauvais arbre porte de mauvais fruits. C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez».